Pantagrueline
Prognostication
Certaine, veritable & infaillible
pour l'an perpetuel.
Nouvellement composée au prouffit & advisement de gens
estourdis & musars de nature,
Par maistre Alcofribas,
architriclin dudict Pantagruel.
Du nombre d'or non dicitur, ie n'en trouve point ceste année
quelque calculation
que ien aye faict, passons oultre.
Verte folium.
Au liseur benivole Salut & Paix en Iesus le Christ.
Considerant infiniz abus estre perpetrez à cause d'un tas de
Prognostications de Louvain faictes à l'ombre d'un verre de vin,
ie vous en ay presentement calculé une la plus sceure &
veritable que feut oncques veue, comme l'experience vous le
demonstrera.
Car sans doubte veu que dict le Prophete Royal, Psal. v. à Dieu
"Tu destruyras tous ceulx qui disent mensonges", ce n'est legier
peché de mentir à son escient & abuser le pauvre monde curieux
de sçavoir choses nouvelles. Comme de tout temps ont esté
singulierement les Françoys, ainsi que escript Cesar en ses
Commentaires, & Iean de Gravot on Mythologies Gallicques. Ce que
nous voyons encores de iour en iour par France, où le premier
propos qu'on tient à gens fraischement arrivez sont.
"Quelles nouvelles? sçavez vous rien de nouveau? Qui dict? qui
bruyt par le monde?"
Et tant y sont attentifz, que souvent se courroussent contre
ceulx qui viennent de pays estranges sans apporter pleines
bougettes de nouvelles, les appellant veaulx & idiotz.
Si doncques comme ilz sont promptz à demander nouvelles autant
ou plus sont ilz faciles à croire ce que leur est annoncé,
debvroit on pas mettre gens dignes de foy à gaiges à l'entrée du
Royaulme qui ne serviroyent d'aultre chose sinon d'examiner les
nouvelles qu'on y apporte, & à sçavoir si elles sont veritables?
Ouy certes. Et ainsi a faict mon bon maistre Pantagruel par tout
le pays de Utopie, & Dipsodie. Aussi luy en est il si bien
advenu & tant prosperé son territoire, qu'ilz ne peuvent de
present avanger à boyre, & leur conviendra espandre le vin en
terre, si d'ailleurs ne leur vient renfort de beuveurs & bons
raillars.
Voulant doncques satisfaire à la curiosité de tous bons
compaignons, iay revolvé toutes les Pantarches des cieulx,
calculé les quadratz de la Lune, crocheté tout ce que iamais
penserent tous les astrophiles, hypernephelistes, Anemophylaces,
Uranopetes, & Ombrophores, & conferé du tout avecques
Empedocles, lequel se recommande à vostre bonne grace. Tout le
tu autem ay icy en peu de chapitres redigé, vous asseurant que
ie n'en dis sinon ce que ien pense, & n'en pense sinon ce que en
est, & n'en est aultre chose pour toute verité que ce qu'en
lirez à ceste heure. Ce que sera dict au parsus, sera passé au
gros tamys à tors & à travers, & par adventure adviendra, par
adventure n'adviendra mie.
D'un cas vous advertys. Que si ne croyez le tout vous me faictes
un maulvais tour, pour lequel ycy ou ailleurs serez tres
griefvement puniz. Les petites anguillades à la saulse de ners
bovins ne seront espargnées suz vos espaules: & humez de l'air
comme de huytres tant que vouldrez. Car hardiment il y aura de
bien chauffez, si le fournier ne s'endort.
Or mouchez voz nez petitz enfans: & vous aultres vieux resveurs
affutez voz bezicles & pesez ces motz au pois du Sanctuaire.
Du gouvernement & seigneur
de ceste année.
Chapitre premier.
Quelque chose que vous disent ces folz Astrologues de Louvain,
de Nurnberg, de Tubinge & de Lyon, ne croyez que ceste année y
aie aultre gouverneur de l'universel monde que Dieu le createur,
lequel par sa divine parolle tout regist & modère, par laquelle
sont toutes choses en leur nature & proprieté & condition, &
sans la maintenance & gouvernement duquel toutes choses seroient
en un moment reduictes à neant comme de neant elles ont esté par
luy produictes en leur estre.
Car de luy vient, en luy est, & par luy est se parfaict tout
estre, & tout bien: toute vie & mouvement, comme dict la
trompette evangelicque monseigneur sainct Paul Ro. xi. Doncques
le gouverneur de ceste année & toutes aultres selon nostre
veridicque resolution sera dieu tout puissant. Et ne aura
Saturne, ne Mars, ne Iupiter, ne aultre planète, certes non les
anges, ny les saincts, ny les hommes, ny les diables, vertuz,
efficace, puissance, ne influence aulcune si Dieu de son bon
plaisir ne leur donne.
Comme dict Avicenne que les causes secondes ne ont influence ne
action aulcune si la cause première ny influe: dict il pas vray,
le petit bon hommet?
Des ecclipses de ceste année.
Chapitre ii.
Ceste année seront tant d'ecclipses du Soleil & de la Lune que
iay peur (& non à tort) que noz bourses en patiront inanition &
nos sens perturbation. Saturne sera retrograde. Venus directe.
Mercure insconstant. Et un tas d'aultres planètes ne iront pas à
vostre commendement.
Dont pour ceste année les chancres iront de cousté, & les
cordiers à reculons, les escabelles monteront sur les bancs, les
broches sur les landiers & les bonnetz sus les chapeaulx, les
coissins se trouveront au pied du lict, les couilles pendront à
plusieurs par faulte de gibessières, les pusses seront noires
pour la plus grande part, le lard fuyra les pois en quaresme: le
ventre ira devant, le cul se assoira le premier, l'on ne pourra
trouver la febve au gasteau des Roys, l'on ne rencontrera point
d'as au flux, le dez ne dira point à soubhait quoy qu'on le
flate, et ne viendra souvant la chance quon demande, les bestes
parleront en divers lieux.
Quaresmeprenant gaignera son procès, l'une partie du monde se
desguisera pour tromper l'autre, & courront parmy les rues comme
folz & hors du sens, l'on ne veit oncques tel desordre en
nature. Et se feront ceste année plus de xx & ii verbes
anormaulx sy Priscian ne les tient de court.
Si dieu ne nous ayde nous aurons prou d'affaires, mais au
contrepoinct, s'il est pour nous, rien ne nous pourra nuyre,
comme dict le celeste astrologue, qui feut ravy iusques au ciel,
Ro. vii. c. Si deus pro nobis, quis contra nos? Ma foy nemo
domine, Car il est trop bon & trop puissant. Icy benissez son
sainct nom, pour la pareille.
Des maladies de ceste année.
Chapitre iii.
Ceste année les aveugles ne verront que bien peu, les sourdz
oyront assez mal: les muetz ne parleront guières: les riches se
porteront un peu mieulx que les pauvres, & les sains mieulx que
les malades.
Plusieurs moutons, boeufz, pourceaulx, oysons, pouletz & canars,
mourront & ne sera sy cruelle mortalité entre les cinges &
dromadaires.
Vieillesse sera incurable ceste année à cause des années passées.
Ceulx qui seront pleureticques auront grand mal au cousté, ceulx
qui auront flus de ventre iront souvent à la celle percée, les
catharres descendront ceste année du cerveau es membres
inferieurs. Le mal des yeulx sera fort contraire à la veue, les
aureilles seront courtes & rares en Guascogne plus que de
coustume.
Et regnera quasi universellement, une maladie bien horrible, &
redoubtable: maligne, perverse, espoventable et mal plaisante,
laquelle rendra le monde bien estonné, & dont plusieurs ne
sçauront de quel boys faire fleches, & bien souvent composeront
en ravasserie, syllogisans en la pierre philosophalle & es
aureilles de Midas. Ie tremble de peur quand ie y pense, car ie
vous diz quelle sera epidemiale & lappelle Averroys vii colliget.
faulte d'argent.
Et attendu le comète de lan passé & la retrogradation de Saturne,
mourra à l'hospital ung grand marault tout catharré &
croustelevé. A la mort duquel sera sedition horrible entre les
chatz & les ratz, entre les chiens & les lievres, entre les
faulcons & canars, entre les moines & les oeufz.
Des fruictz & biens croissant de terre.
Chapitre iiii.
Ie trouve par les calcules de Albumasar, on livre De la grande
coniunction & ailleurs, que ceste année sera bien fertile
avecques planté de tous biens à ceulx qui auront de quoy.
Mais le hobelon de Picardie craindra quelque peu la froidure,
l'avoine fera grand bien es chevaux: il ne fera guères plus de
lart que de pourceaux à cause de Pisces ascendant, il sera grand
année de caquerolles.
Mercure menasse quelque peu le persil, mais ce nonobstant il
sera à pris raisonnable.
Le soucil & l'ancholye croistroient plus que de coustume,
avecques abondance de poyres d'angoisse.
De bledz, de vins, de fruitages & legumages on n'en veit oncques
tant si les soubhaitz des pauvres gens sont ouys.
De l'estat d'aulcunes gens.
Chapitre v.
La plus grande folie du monde est de penser qu'il y a des astres
pour les Roys, Papes, & gros seigneurs, plustost que pour les
pauvres & souffreteux, comme si nouvelles estoilles avoient esté
créez depuis le temps du deluge, ou de Romulus, ou Pharamond à
la nouvelle creation des Roys: ce que Triboulet, ny Cailhette,
ne diroient: qui ont esté toutesfoys gens de hault sçavoir &
grand renom.
Et par adventure en l'arche de Noé, ledict Triboulet estoit de
la lignée des Roys de Castille, et Cailhette du sang de Priam,
mais tout ceste erreur ne procède que par deffault de vraie foy
catholicque.
Tenant doncques pour certain que les astres se soucient aussi
peu des Roys comme gueux, & des riches comme des maraux, ie
laisseray es aultres folz pronosticqueurs à parler des Roys &
riches, & parleray des gens de bas estat.
Et premierement des gens soubmis à Saturne, comme gens
despourveuz d'argent, ialoux, resveurs, mal pensans, soubsonneux,
preneurs de taulpes, usuriers, rachapteurs de rentes, tyreurs de
rivetz, tanneurs de cuirs, tuilliers, fondeurs de cloches,
composeurs d'empruns, rataconneurs de bobelins, gens
melancholicques, na'uront en ceste année tout ce qu'ilz
voudroient bien, ilz s'estudiront à l'invention saincte croix,
ne getteront leur lart aux chiens: & se grateront souvent là où
il ne leur demange poinct.
A Iupiter comme cagotz, caffars, botineurs, porteurs de rogatons,
abbreviateurs, scripteurs, copistes, bulistes, dataires,
chiquaneurs, caputons, moines, hermites, hypocrites, chatemittes,
sanctorons, patepellues, torticollis, barbouilleurs de papiers,
prelinguans, esperrucquetz, clercz de greffe, dominotiers,
maminotiers, patenostriers, chaffoureus de parchemin, notaires,
raminagrobis, portecolles, promoteurs, se porteront selon leur
argent. Et tant mourra de gens d'esglise qu'on ne pourra trouver
à qui conferer les benefices, en sorte que plusieurs en
tiendront deux, troys, quatre, & davantage. Caffarderie fera
grande iacture de son antique bruyt, puisque le monde est devenu
maulvais garson, & n'est plus guères fat, ainsi comme dit
Avenzagel.
A Mars comme bourreaux, meurtriers, adventuriers, brigans,
sergeans, records de tesmoings, gens de guet, mortepayes,
arracheurs de dens, coupeurs de couilles, barberotz, bouchiers,
faulx monnoieurs, medicins de trinquenique, tacnins & marranes,
renieurs de dieu, allumetiers, boutefeux, ramonneurs de cheminée,
franctaupins, charbonniers, alchimistes, coquassiers,
grillotiers, chercuitiers, bimbelotiers: manilliers, lanterniers,
maignins feront ceste année de beaux coups, mais aulcuns
d'iceulx seront fort subiectz à recepvoir quelque coup de baston
à l'emblée. Un des sudictz sera ceste année faict evesque des
champs donnant la benediction avec les pieds aux passans.
A Sol comme beuveurs, enlumineurs de museaulx, ventres à
poulaine, brasseurs de bière, boteleurs de foing, portefaix,
faulcheurs, recouvreurs, crocheteurs, emballeurs, bergiers,
bouviers, vachiers, porchiers, oizilleurs, iardiniers, grangiers,
cloisiers, gueux de l'hostiare, gaignedeniers, degresseurs de
bonnetz: emboureurs de batz, loqueteurs, claquedens,
crocquelardons, generalement tous portans la chemise nouée sur
le dos: seront sains & alaigres & n'auront la goutte es dentz
quand ilz seront de nopces.
A Venus comme putains, maquerelles, marioletz, bougrins, bragars,
napleux, eschancrez, ribleurs, rufiens, caignardiers,
chamberières dhostelerie, nomina mulierum desinentia in ière, ut
lingière, advocatière, tavernière, buandière, frippière seront
ceste année en reputation, mais le Soleil entrant en Cancer &
aultres signes se doibvent garder de verolle, de chancre, de
pisses chauldes, poullains grenetz etc. Les nonnains à poine
concepvront sans penetration virile, bien peu de pucelles auront
en mamelles laict.
A Mercure, comme pipeurs, trompeurs, affineurs, theriacleurs,
larrons, meusniers, bateurs de pavé, maistre es ars, decretistes,
crocheteurs, harpailleurs, rimasseurs, basteleurs, ioueurs de
passe passe, enchanteurs, vielleurs, poètes, escorcheurs de
latin, faiseurs de rebus, papetiers, cartiers, bagatis,
escumeurs de mer feront semblant de estre plus ioyeulx que
souvent ne seront, quelque foys riront lors que n'en auront
talent, & seront fort subiectz à faire bancques rouptes s'ilz se
trouvent plus d'argent en bourse que ne leur en fault.
A la lune, comme bisouars, veneurs, chasseurs, asturciers,
faulconniers, courriers, sauniers, lunatiques, folz, ecervelez,
acariastres, esvantez, courratiers, postez, laquays, nacquetz,
matelotz, chevaucheurs de escurye, alleboteurs, n'auront ceste
année guères d'arrest. Toutesfoys ne yront tant de Lifrelofres à
sainct Hiaccho comme feirent l'an D.xxiiii. Il descendra grand
abundance de micquelotz des montaignes de Savoye, & de auvergne:
mais Sagitarius les menasse des mules aux talons.
De l'estat d'aulcuns pays.
Chapitre vi.
Le noble royaulme de France prosperera & triumphera ceste année
en tous plaisirs & delices, tellement que les nations estranges
voluntiers se y retireront.
Petitz bancquetz, petitz esbatemens, milles ioyeusetez se y
feront où un chascun prendra plaisir, on n'y veit oncques tant
de vins ny plus frians, force raves en Lymousin, force
chastaignes en Perigort, & Daulphiné, force olyves en Languegoth,
force sables en Olone, force poissons en la mer, force estoilles
au ciel, force sel en Brouage.
Planté de bledz, legumaiges, fruitages, iardinaiges, beurres,
laictaiges, & nulle peste, nulle guerre, nul ennuy, bren de
pauvreté, bren de soucy, bren de melancholie, & ces vieulx
doubles ducatz, nobles à la rose, angelotz: aigrefins, royaulx,
& moutons à la grand laine, retourneront en usance avecques
planté de Serapz & escuz au soleil.
Toutesfoys sus le meillieu de l'esté, sera à redoubter quelque
venue de pusses noyres & cheussons de la Devinière. Adeo nihil
est ex omni parte beatum. Mais il les fauldra brider à force de
collations vespertines.
Italie, Romanie, Naples, Sicile, demoureront où elles estoient
l'an passé. Ilz songeront bien profundement vers la fin du
karesme, et resveront quelquesfoys vers le hault du iour.
Allemaigne, Souisses, Saxe, Strasbourg, Anvers etc. profiteront
s'ilz ne faillent: les porteurs de rogatons les doibvent
redoubter, & ceste année ne se y fonderont pas beaucoup de
anniversaires.
Hespaigne, Castille, Portugal, Arragon seront bien subiectz à
soubdaines alterations, & craindront de mourir bien fort autant
les ieunes que les vieulx, & pourtant se tiendront chaudement &
souvent compteront leurs escutz, s'ilz en ont.
Angleterre, Escosse, les Estrelins seront assez mauvais
Pantagruelistes. Autant sain leur seroit le vin que la bière,
pourveu qu'il soit bon & friant. A toutes tables leur espoir
sera en l'arrière ieu. Sainct Treignan Descosse fera de miracles
tant & plus. Mais des chandelles qu'on luy portera, il ne verra
goutte plus clair, si Aries ascendant de sa busche ne trebusche,
& n'est de sa corne escorné.
Moscovites, Indiens, Perses, & Troglodytes souvent auront la
cacquesangue, par ce qu'ilz ne vouldront estre par les
Romanistes belinez, attendu le bal de Sagittarius ascendant.
Bohesmes, Iuifz, Egyptiens ne seront pas ceste année reduictz en
plate forme de leur attente. Venus les menasse aigrement des
escrouelles guorgerines mais ilz condescendront au vueil du roy
des parpaillons.
Escargotz, Sarabovytes, Cauquemarres, Canibales seront fort
molestez des mousches bovynes & peu ioueront des cymbales &
manequins, si le Guaiac n'est de requeste.
Austriche, Hongrie, Turquie, par ma foy mes bons hillotz ie ne
sçay comment ilz se porteront, & bien peu m'en soucie veu la
brave entrée du Soleil en Capricorne, & si plus en sçavez ne
dictes mot, mais attendez la venue du boyteux.
Des quatre saisons de l'année.
Et premierement du printemps.
Chapitre vii.
En toute ceste année ne sera qu'une Lune, encores ne sera elle
poinct nouvelle, vous en estes bien marriz vous aultres qui ne
croyez mie en dieu, qui persecutez sa saincte & divine parolle,
ensemble ceulx qui la maintiennent.
Mais allez vous pendre, ia ne sera aultre lune que celle
laquelle dieu crea au commencement du monde, & laquelle par
l'effect de sadicte sacrée parolle a esté establie au firmament
pour luyre et guider les humains de nuyct. Ma Dia ie ne veulx
par ce inferer qu'elle ne monstre à la terre et gens terrestres
diminution, ou accroissement de sa clarté, selon qu'elle
approchera ou s'esloignera du Soleil.
Car, pourquoy? Pour autant que etc.
Et plus pour elle ne priez que dieu la garde des loups car ilz
ne y toucheront de cest an. Ie vous assie. A propos: vous verrez,
ceste saison à moitié plus de fleurs qu'en toutes les troys
aultres. Et ne sera reputé fol cil qui en ce temps fera sa
provision d'argent mieux que de harancs toute l'année.
Les gryphons & marrons des montaignes de Savoye, Daulphiné &
hyperborées qui ont neiges sempiternelles seront frustrez de
ceste saison & n'en auront point, selon l'opinion de Avicenne
qui dict que le printemps est lors que les neiges tombent des
monts. Croyez ce porteur.
De mon temps l'on contoyt Ver, quand le soleil entroit on
premier degré de Aries. Si maintenant on le compte autrement, ie
passe comdemnation. Et ioue mot.
De l'esté.
Chapitre viii.
En esté ie ne sçay quel vent courra, mais ie sçay bien qu'il
doibt fayre chault, et regner vent marin.
Toutesfoys si aultrement arrive, pour tant ne fauldra renier
Dieu. Car il est plus saige que nous. Et sçayt trop mieulx ce
que nous est necessaire, que nous mesmes, ie vous en asseure sus
mon honneur. Quoy que ayt dict Haly, & ses suppotz. Beau fera se
tenir ioyeux, et boyre frays. Combien qu'aulcuns ayent dict,
qu'il n'est chose plus contraire à la soif. Ie le croy. Aussi
contraria contrariis curantur.
De l'automne.
Chapitre ix.
En automne l'on vendengera, ou d'avant ou après ce m'est tout un
pourveu que ayons du piot à suffisance.
Les cuydez seront de saison, car tel cuydera vessir qui
baudement fiantera. Ceulx & celles qui ont voué ieuner ieusnes
iusques à ce que les estoilles soient au ciel, à heure presente
peuvent bien repaistre par mon octroy, & dispense. Encores ont
ilz beaucoup tardé: car elles y sont devant seize mille et ne
sçay quantz iours. Ie vous diz bien atachées.
Et n'esperez dorenavant prendre les alouettes à la cheute du
ciel, car il ne tombera de vostre aage, sus mon honneur.
Cagotz, caffars & porteurs de rogatons, perpetuons, & aultres
telles triquedondaines, sortiront de leurs tesnières. Chascun se
guarde qui vouldra.
Guardez vous aussi des arestes quand vous mangerez du poisson,
et de poison Dieu vous en guarde.
De l'hyver.
Chapitre x.
En hyver scelon mon petit entendement ne seront saiges ceulx qui
vendront leurs pelisses & fourrures pour achapter boys. Et ainsi
ne faisoient les Antiques, comme tesmoigne Avenzouar.
Sil pleut, ne vous en melancholiez: car tant moins aurez vous de
pouldre pour chemin. Tenez vous chauldement. Redoubtez les
catarrhes. Beuvez du meilleur, attendans que l'aultre amendera.
Et ne chiez plus dorenavant on lict. O O poulailles faictes vous
voz nids tant hault?
Finis. |