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Researches 121-130 |
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121 - Antoine Crespin et le quatrain VIII, 76 Plus Macelin que
roy en Angleterre |
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122 - Les sixains et l’exaltation de Louis XIII |
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123 - Nostradamus et les contrefaçons des années 1560-1561 |
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124 - La dérive scripturaire de Nostradamus et ses conséquences «
J’ai accordé les saintes écritures à l’astrologie judiciaire »(Almanach
pour 1563, Avignon) |
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125 - L’évolution du contenu de la production nostradamique |
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126 - Les traductions des almanachs et pronostications
nostradamiques 1550-1570 |
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127 - Le corpus nostradamiques au prisme des conventions
numériques des années 1550-1560 |
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128 - Les avatars de l’Epitre de Nostradamus à Henri II |
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129 - Une version facétieuse des Significations de l’Eclipse de
1559 |
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130 - La source de la centurisation des quatrains de Nostradamus |
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Researches 121-130
121 - Antoine Crespin et le quatrain VIII, 76 Plus Macelin que roy
en Angleterre
Par Jacques Halbronn
On sait que l’une des questions lancinantes concernant la genèse des
quatrains centuriques tient au fait qu’Antoine Crespin, dans les deux
éditions de ses Prophéties dédiées à la nation française et à la
puissance divine, y a inscrit un grand nombre d’éléments qui recoupent
des quatrains centuriques. Est-ce le signe que Crespin avait, au début
des années 1570, eu sous les yeux une édition à 10 centuries, puisque
les quatrains ainsi concernés se répartissent entre les deux premiers
volets de l’ensemble centurique ou bien est ce l’indication que l’on
aurait récupéré des textes de Crespin pour confectionner une partie
des quatrains répartis entre les dix centuries ?
Il apparait au réexamen d’un manuscrit insuffisamment exploité, dont
le collectionneur de nostradamica Daniel Ruzo avait une copie, à
savoir Les praedictions de l’almanach de l’an 1562, 1563 et 1564
(sic), daté du 20 avril 1561 repris dans une Reproduction très fidèle
d’un manuscrit inédit (sic) de M. de Nostredame, dédié à S. S. le Pape
Pie IV, Marienbourg, 1906. Robert Amadou s’est fortement intéressé au
document dont il s’agit ici[10] dans une annexe de son « dossier »
L’astrologie de Nostradamus’, Poissy, ARRC, 1992 (pp. 402-413) sous le
titre « Nostradamus au Pape Pie IV. Lettre ouverte (1561) »
Pour Robert Amadou, cette épitre-préface au Pape, en italien, est
apocryphe : « Nous tenons pour apocryphe le texte, différent des deux
précédents, d’une prétendue lettre de Nostradamus à Pie IV qui
n’existe plus qu’en traduction italienne » . Amadou n’a pas vu qu’il
ne s’agissait pas de l’épitre mais de la Préface, tronquée, qui lui
fait suite...
Quant à Robert Benazra il passe à côté de la « Préface », coincée
entre l’épitre au pape et les prédictions pour 1562 (Les
pronostications et almanachs de Michel Nostradamus, site CURA) :
« Le XVIe siècle nous a transmis un manuscrit en français comportant
plusieurs passages autographes de Nostradamus Les Praedictions de
l'almanach de l'an 1562, 1563 et 1564 par M. Michel de Nostre dame
Docteur en medicine. Faciebat M. Nostradamus. Salonae petreae
provinciae. XX Aprilis 1561. Cette copie manuscrite de 222 pages est
restée inédite. Les Prédictions sont dédiées au Pape Pie IV dans une
épître, datée de "Salon de Craux en Prouence, ce XX avril 1561".
Malgré son titre, l'ouvrage porte essentiellement sur l'année 1562,
avec quelques anticipations pour les années suivantes. Il ne semble
pas que ce manuscrit destiné au pape lui fut envoyé, car on remarque
dans le texte de nombreux espaces blancs, prouvant que Nostradamus
n'avait pas entièrement revu son texte. On sait effectivement que le
secrétaire de Nostradamus laissait des espaces blancs, à remplir plus
tard, quand il n'arrivait pas à lire le texte original. Les troubles
du printemps 1561 à Salon et la fuite de Nostradamus à Avignon
expliquent sans doute ces particularités. » Or, la fortune de
l’ouvrage en Italie précisément pour des années ultérieures prouve
qu’il n’en est rien.
L’éditeur du manuscrit qui, lui, a compris, le lien entre le texte
français et le texte italien, écrit en marge « Macelin Boucher, v .
Barozzi 1566, fol.. 9 verso », ce qui est pertinent puisque le
manuscrit en question a été traduit, du moins partiellement, en
italien, en ce qui concerne la fin de la « Préface », et que Francesco
Barozzi en a fait un commentaire dans ses Annotationi au chapitre V de
son Pronostico Universale, Bologne, 1566.(BNF V 1193) « Delli horibili
specttacoli & avenimenti dell’anno 1567.
On prendra pour exemple le cas du quatrain VIII 76 dont certains
éléments se trouvent dans les Prophéties du dit Crespin. On ne peut
s’empêcher de faire un rapprochement entre ce quatrain et un passage,
situé à la fin de la « Préface » que Nostradamus consacre à la période
allant jusqu’à l’an 1570, et qui fait suite à son épitre à Pie IV. En
fait, l’ensemble ne va guère au-delà de 1567, comme d’ailleurs son
almanach. Il faudrait vérifier si le dit almanach fait écho à de
telles prédictions apocalyptiques.
« Et ne veux rien mettre de l’an 1567 que dans le mois d’Avril naistra
un (sic) de quelque grand Roy et monarque, qui fera sa fin cruelle et
sanguinolente mais la ruine de son régne oncques ne fut pire ne plus
sanguinaire. On le nommera MARCELLINUS mais on lui ostera de son nom
l’R.’ »
Si on enlève, le R de Marcellinus, on arrive à macellinus, ce qui nous
renvoie à « macelin », boucher, Ce qui est à rapprocher du quatrain
VIII 76 : En latin, le macellum est le « marché aux viandes » Le
quatrain ne restitue pas le jeu de mots et ne fait sens que par
référence au texte en prose.
« Plus macelin que roi en Angleterre
Lieu obscur nay par force aura l’empire
Lasche sans foy, sans loy saignera terre
Son temps s’approche si pres que je souspire »
Ce quatrain est souvent utilisé pour qualifier Cromwell (Garencières,
1672) et plus tard Napoléon..
On trouve le premier vers chez Crespin :
« A la maison de monsieur de Cursol
Plus macelin que roy en Angleterre, lieu obscur nay par force aura
l’empire, froid, siccite, danger vers les frontières, mesmes où
l’oracle a pris commencement »
On trouve le mot « boucherie » dans l’almanach de Nostradamus pour
1565 :
« L’oracle qui est en apres présage de merveilleux ?????as par la mort
de plusieurs par la inenarrable cruauté d’un qui sera cause d’une
grande boucherie »
Nous pensons que Nostradamus a fait un jeu de mot, il est passé de
boucher, macelin, à Marcellinus.
Dans les années 1560, un ouvrage joue un rôle important, sous le nom
de
Livre merveilleux contenant en brief la fleur et substance de
plusieurs traictiez tant des Propheties et revelations qu’anciennes
Chroniques, ouvrage lié au nom de Telesphore de Cosenze.[11]. et qui
porte un nom très proche de celui qui sera associé au Mirabilis Liber,
alors qu’il ne faut pas confondre les deux recueils de « prophéties et
révélations »
On y parle de Satan « mis hors de prison ». et qui va régner un temps
mais « en l’an 1569, la terre changera de seigneur » (In Prophétie de
l’abbé de Cambrézy, trouvée en un vieil exeplaire,laquelle commence au
regne du Roy François, à la fin du recueil, Fol 52 verso). Certaines
éditions portent l’année 1566 en page de titre. Par la suite,
l’ouvrage sera doté d’une annexe lui permettant d’être en prise sur
les années 1580.
- Barozzi cite littéralement et mot à mot le passage de Nostradamus
concernant un avenir très proche, puisque son texte parait en 1566, en
le reprenant d’une traduction italienne parue depuis peu et dont a
conservé plusieurs éditions :
« L’anno 1567 nel mese d’April nascera un di cualche gran Re &
Monarcha (..) & si chiamera Marcellino ma sara levato dal suo nome la
R. »
Barozzi pense qu’il doit s’agir d’un Antéchrist « tutto contrario » au
Christ
Il est étonnant que l’on n’ait pas fait le rapprochement avec le
quatrain VIII 76, du fait de ce mot Macelin si particulier en français.
Il est clair que Barozzi n’a pas connaissance, à l’époque, des
Centuries et pour cause.
Epilogue
On nous dit que l’almanach de Nostradamus pour 1567 est introuvable
bien qu’il ait été réédité – on en connait actuellement la seule page
de titre, au début du XXe siècle. Heureusement, nous disposons de sa
traduction imprimée en italien
Almanach per l’anno DMLXVII composto per M. Michele Nostradamo Monte
Regale; conservé à Cracovie (Pologne), daté du 15 juin 1566.
C’est la continuation du programme de 1563 qui devait couvrir jusqu’en
1570- en fait il n’était pas allé plus loin que 1567. Cette fois,
Nostradamus a en vue les années 1567, 1568 & 1569/1570/.
On aura compris que selon nous, un certain nombre de quatrains des
centuries sont composés à partir de prédictions en prose de
Nostradamus et que cela ne se limite pas aux seuls quatrains des
almanachs. En ce sens, Nostradamus serait bien l’auteur de quatrains
centuriques mais de façon indirecte, c’est à dire que sa terminologie
se serait maintenue mais non l’agencement de son discours.
En ce qui concerne les épitres en prose figurant en tête des deux
premiers « livrets », nous relèverons deux points.
En ce qui concerne la Préface à César, le mot Préface pourrait se
référer à l’almanach pour 1562, où ce mot figure à deux reprises. Que
penser, par ailleurs, de ce passage (p. 138) « J’ai réservé à cette
calculation et autres présages pour un petit opuscule apart où plus
amplement j’ay mis par escrit ses significations « ? Ailleurs : «
comme plus à plein je déclareray à la préface du présent présage »
On rapprochera ces extraits de la fin de la Préface à César qui
pourrait en dériver : « comme plus à plein i’ay rédigé par escrit aux
miennes autres prophéties » et « espérant toy déclarer une chacune
prophétie des quatrains ici mis ». Il est peu probable que les
explications annoncées de Nostradamus se limitaient à des séries de
quatrains. A l’évidence, Nostradamus, comme le montre l’almanach, dans
sa version complète, pour 1562, nous montre au contraire un homme qui
entend se faire comprendre sans détour.
En ce qui concerne l’Epitre à Henri II, nous noterons que dans
l’épitre au Pape, ce n’est pas au roi (mort en 1559) mais à la reine
mère que Nostradamus déclare transmettre ses recherches : « laquelle
préface au commencement de ma calculation je communiquay à la
Sérénissime Maiesté de la Royne, Régente du Royaume, monarque
d’incomparable débonnairité «
Entendez par « préface » non pas l’épitre qui justement la précède et
l’annonce mais une présentation d’ensemble. Nous découvrons un autre
visage de Nostradamus, qui n’est celui du poéte qui se cache derrière
un certain hermétisme se prétant à toutes les lectures, ni celui de
l’astrologue ne considérant que l’année qui vient. A partir des années
1560, c’est un Nostradamus qui n’hésite pas à embrasser plusieurs
années à la fois- ce qu’il faisait d’ailleurs dans ses consultations (cf
Lettres Inédites, intr. J. Dupébe,Droz, 1983) - et à dire les choses
de façon assez forte pour que tout le monde comprenne et se prépare.
La connaissance des textes en prose est d’autant plus importante
qu’elle sous-tend littéralement les quatrains qui en sont issus/
Quant à Crespin, peut-être a-t-il eu accès aux traductions italiennes
du manuscrit, lui qui semble assez fortement marqué par l’Italie.
Ainsi sa Pronostication générale est située en la cité de Messsine,
Sicile , au 17 juin 1572. Mais quand il emprunte aux Prédictions pour
1562, cela ne peut se faire qu’en ayant eu accés au dit manuscrit, ce
qui suppose bel et bien une proximité avec le cercle restreint
familial et les documents dont le testament de 1566 leur a confié la
garde.
JHB
22. 09. 12 |
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122 - Les sixains et l’exaltation de Louis XIII
Par Jacques Halbronn
Siecle nouveau, alliance nouvelle
Un Marquisat mis dedans la nacelle
La connaissance du contexte historique est d’une aide précieuse pour
situer un texte et toute lacune dans ce domaine peut faire obstacle.
En ce qui concerne les sixains, nous étions partis sur une fausse
piste au regard du premier sixain, en pensant à Concini devenu «
marquis d’Ancre », en 1610, à la mort d’Henri IV, influencé il est
vrai par l a clef (absente du canon centurique) fournie par Morgard
dans son édition des 58 sixains[7], que nous avions été le premier à
signaler, et qui peut fort bien dater des années 1610, lors de la
période d’exaspération qui précéda l’assassinat de Concini en 1617.
Or, il semble bien que les sixains respectent une certaine chronologie
de sorte que les premiers sixains correspondent aux événements du tout
début du XVIe siècle.- vraisemblablement composés après coup pour les
premiers.
En relisant l’Oracle de Savoie, paru en 1600, à Lyon, chez Claude
Gilet nous sommes tombés sur une allusion à un « marquisat », en
rapport avec la Savoie : « retenir injustement un marquizat ». Il
s’agit en fait du marquisat de Saluces que le duc de Savoie s’était
approprié en 1588, ce qui déclencha en 1600 une occupation française.
Les sixains suivants abordent ainsi en 1601 la naissance du dauphin
(IV), l’affaire Biron (anagramme Robin) en 1602. A partir du XIIe
sixain, des dates sont fournies. L’on ne donne dans les sixains que
les centaines :
On peut voir ainsi annoncée la mort d’Henri IV, au sixain XXVI
« Les armes en main, iusques six cent & dix
Guieres plus loing ne s’estendant sa vie »
XII : 1605
XIII : 1606 ou 1609
XVI En octobre 1605
XVIII 1605
XIX 1605, 1606, 1607
XXI 1607
XXIII 1607 - 1610
XXIV 1608 - 1620
XXV 1606, 1609
XXVI 1606 1610
XXX 1609-1614
XLII 1610
XLIV 1610 -1615
LIII 1670 « passé quinze ans , vingt & un, trente-neuf
LIIII 1615 1620
Il nous semble donc que les sixains, à l’instar de la prophétie des
Papes du pseudo Saint Malachie constituaient initialement une série de
« formules » censées correspondre à des événements successifs.[8], ce
qui nous invite à nous interroger sur l’éventualité de l’existence
d’une telle règle dans les centuries... Il était clair en tout cas que
les sixains se limitaient au XVIIe siècle.
Daniel Ruzo, dans le Testament de Nostradamus (1982, p. 302), publie
le fac simile d’un manuscrit (BNF FF 4744), fol. 76-78), intitulé
Prédictions de M. Michel . Nostradamus pour le siecle de l’an 1600
présentées au Roy Henry 4e (…) par Vincent Aucanne de Languedoc . Le
texte se termine par ‘fin des prophéties’
Quant au texte de Morgard, il s’intitule, sans aucune référence à
Nostradamus :
Propheties de Maistre Noel Leon Morgard , professeur es Mathematiques
présentées au Roy Henry le Grand pour ses estrennes en l’an 1600,
contrevenant plusieurs prédictions sur l’alliance d’Espagne Une clef
est fournie en annexe de l’imprimé qui ne sera pas reprise par la
suite.. Il nous semble d’ailleurs que les sixains ont été initialement
construits à partir d’un tel code :
Sensue : Espagnol
Loup : Langlois
Lavanturier Le pape
Pourvoyeur Dauphin (Louis)
Cocrodil (sic) traitres françois
L’autheur des maux : la peste
Mercurial : Rosny (alias Sully)
Viel Charron : Connestable (Henri Ier de Montmorency)
Griffon : lEmpereur
Elephant le Turc
Medecin Henry le Grand
Phoenix Demontmorancy (Henri II de Montmorency
Il s’agit d’une référence à un mariage entre Louis XIII et Anne
d’Autriche, tous deux nés en 1601, lequel est décidé à la mort d’Henri
IV. Le mariage par procuration aura lieu en 1615..
Le sixain IX évoque ce projet
« Et une Dame enfans voudra mener/ Au Censuart (l’Espagnol) » Il
s’agit d’Anne et de son fils.
Le sixain XVII est en rapport avec le bapteme du Dauphin :
« En Octobre six cens & cinq
Pourvoyeur (Louis) du monstre marin
Prendra du souverain le cresme
Ou en six cens & six en Iuin
Grand joye aux grands & au commun
Grands faits apres ce grand baptesme.
Le Dauphin (alias le Pourvoyeur) se voit promettre un avenir triomphal
:
Sixain XXXIX
Le pourvoyeur du monstre sans pareil
Se fera veoir ainsi que le Soleil
Montant le long la ligne Meridienne
En poursuivant l’Eléphant (le Turc) et le loup (L’Anglais)
Nul Empereur ne fit jamais tel coup
Er rien plus pis à ce Prince n’advienne
Louis xIII fera ce qu’Henri IV n’était pas parvenu à réaliser :
Sixain XL
« Ce qu’en vivant (de son vivant), le père n’avoit sceu/
Il acquerra ou par guerre ou par feu
Et combattra la sangsue(L’Espagnol) irritée etc
Sixain XLVI
« Le pourvoyeur mettra tout en déroute
Sangsue (Espagne) & Loup (Angleterre) ; etc
Louis XIII s’alliera à l’Empereur (griffon) contre le Turc (Eléphant)
:
Sixain LVI
« Tost l’Eléphant de toutes part
Quand pourvoyeur au Griffon de joindra ».
Les deux derniers sixains sont marqués par l’idée de mariage et de
succession : »
LVII : « Et la nouvelle mariée »
LVIII
« Sangsue (le roi d’Espagne) en peu de temps mourra
Sa mort bon signe donra
Pour l’accroissement de la France
Alliances se trouveront
Deux grands royaumes se joindront
François aura sur eux puissance »
Quant aux sixains XLVIII et LIII, ils sont consacrés au connétable
Henri Ier de Montmorency qui est désigné par charron-il meurt en 1614-
et à son jeune fils Henri II par phœnix, qui sera exécuté en 1632[9].
Rappelons que l’épitre à Henri IV est censée avoir été écrite, en
1605, partir de la demeure du connestable (Charron) de
Montmorency.(alias Phoenix) Il semble que l’auteur des sixains se soit
mépris sur l’avenir du fils (né en 1595) du connétable, dont il ne
prévoit pas la fin ignominieuse.
Sixain 48 Du vieux Charron, on verra le phoenix (..) Régner long temps
avec tous les honneurs/ Qu’auront jamais eu ses prédecesseurs/ Dont il
rendra sa gloire memorable. On notera qu’en 1576, Henri Ier de
Montmorency s’était vu promettre par Henri III le marquisat de Saluces
dont il est question au premier sixain.
On peut penser que les premiers sixains ont été composés, comme les
devises de la prophétie des papes, après coup mais qu’ensuite ils
balisent un futur encore inconnu. Ils semblent témoigner d’une
certaine opposition à la régente, de par leur référence à Henri IV,
complétée par l’épitre de 1605 qui est censée lui avoir été adressée
avec les sixains. Le Mercure de France signale leur circulation en
1610.
En ne reliant pas le mot « marquisat » à la question savoyarde, nous
nous interdisions d’appréhender la dimension chronologique des Sixains.
En replaçant l’affaire du marquisat en 1600, l’on comprenait la raison
d’être de ce premier sixain dans un ensemble censé avoir été produit à
la veille de cette année 1600, donc en 1599. Rappelons que la
prophétie de Saint Malachie est attestée en tant qu’imprimé, à partir
de 1595.
Les sixains doivent s’inscrire dans la littérature prophétique
concernant Louis XIII et que nous avons étudiée dans Le Texte
Prophétique en France. A contrario, le quatrain 101(cryptogramme
désignant l’an 1660) de la dixième centurie concerne bel et bien son
fils Louis XIV et n’est entré au sein du corpus nostradamique qu’à la
mort de son père, en 1643.
A quelle date les sixains furent-ils intégrés dans le canon ? Il
semble que les éditions des centuries datées de 1605 ou de 1611 soient
des contrefaçons antidatées, dues précisément à une volonté d’intégrer
les dits sixains, la date de 1605 étant celle de l’épitre à Henri IV.
Les sixains ont certainement circulé, au plus tard, dès 1610 et le
début de la régence de Marie de Médicis mais ils ne seront englobés,
sans la clef dont nous avons montré toute l’importance, dans les
éditions troyennes des Prophéties qu’à la mort de Richelieu et de
Louis XIII. En supprimant la clef, il devenait évidemment possible
d’en renouveler l’interprétation à moins d’en proposer une nouvelle.
HB 23.09. 12
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123 - Nostradamus et les contrefaçons des années 1560-1561
Par Jacques Halbronn
Les années 1560 correspondent à un cas de figure remarquable avec ce
que l’on pourrait appeler une contrefaçon à deux étages que l’on
pourrait résumer par le film « L’arroseur arrosé’. En effet, ce sont
des années où les faux almanachs Nostradamus occupent le terrain, du
fait de l’activité parisienne de deux veuves, Barbe Regnault et la
Veuve N. Buffet mais ce sont aussi ces mêmes années qui sont choisies
sous la Ligue, à la fin des années 1580 pour fabriquer des
contrefaçons des Centuries ou de pièces censées en valider l’existence.
La pronostication pour 1562 nous apparait appartenir aux contrefaçons
visant à conférer une certaine ancienneté aux quatrains centuriques.
Nous avons par ailleurs montré les tribulations de l’almanach pour
cette même année 1562, paru chez Guillaume Le Noir, à Paris.
On s’est beaucoup intéressé à l’épitre à Jean de Vauzelles en tête de
la dite pronostication, laquelle se trouve au demeurant dans les deux
éditions mais avec des variantes extrêmement significatives.[1]
Nostradamus exprime son sentiment de proximité envers ce personnage,
un ecclésiastique et lui signale qu’il a dédié son almanach pour la
même année 1562 au pape Pie IV. Il félicité Vauzelles pour sa rare
perspicacité pour comprendre certaines allusions dans ses textes.
« Lors que un œil régnera. Et quand le grain de Bloys son amy tuera »
En fait, le quatrain centurique ne commence pas ainsi mais par « En
l’an qu’un œil etc »
Ces extraits d’un seul et même quatrain recoupent ce dont il est
question chez Etienne Pasquier dans sa lettre à Airault[2], qui date
de 1589 et vise un quatrain issu des trois premières centuries à
savoir III, 55. Blois évoque évidemment ici l’assassinat du duc de
Guise et la journée des Barricades qui précéda.
Pasquier se souvient en 1589 :
“Dans les Centuries de Nostradamus de l’an 1553 (sic), il y a un
quatrain qui semblait prédire l’émotion que nous vismes l’an passé,
entre le Roy & les Parisiens (...) :
Paris conjure un grand meurtre commettre
Bloys luy fera sortir son plein effect36
(...) Il me souvient qu’allant à Bloys avec Monsieur des Marquets
(...) nous tombasmes sur ces quatre autres vers de Nostradamus
En l’an qu’un oeil en France règnera
La Cour sera en un bien fascheux trouble
Le grand de Bloys son ami tuera
Le Règne mis en mal & doute double.”
.
Dans la Pronostication 1562 Barbe Regnault, ce passage ne figure pas.
Il ne se trouve que dans la Pronostication 1562 Brotot.
On peut certes être tenté de dire que c’est Barbe Regnault qui ne
restitue pas correctement le texte, puisqu’elle n’est probablement pas
une libraire autorisée par quelque privilège d’impression. Mais elle
aurait aussi bien pu faire confectionner une autre épitre si elle
l’avait jugé bon. Nous pensons bien plutôt être en face d’une fausse
édition de la Pronostication, attribuée à un libraire connu pour avoir
publié du Nostradamus, de son vivant et reprenant un quatrain qui aura
beaucoup frappé les esprits et qui évoque la mort du duc de Guise à la
fin de 1588. Il ne s’agissait pas tant de « valider « une édition plus
ancienne mais de valider un texte.
On nous objectera que le texte publié par Barbe Regnault est tronqué
que « Lors » n’est pas suivi d’un texte alors qu’il l’est dans
l’édition Brotot. Nous pensons que cette pronostication –comme
l’almanach pour 1562, a été censurée et que la fausse édition Brotot a
pris la balle au bond pour remplir les blancs par des éléments pris
aux Centuries à moins qu’il ne se soit agi d’un quatrain isolé qui
aurait circulé. En tout état de cause, il est question dans l’épitre
des almanachs et des pronostications- deux genres propres aux
activités annuelles de Nostradamus- et non des centuries.
Ajoutons que l’on avait par ailleurs, à la même époque, fabriqué de
fausses éditions des Centuries, datées de 1560 et concernant l’an
1561. « Les prophéties (.) reveues & additionnées par l’Autheur pour
l’an mil cinq cens soyxante & un de trente-neuf articles à la dernière
centurie »[3], justement chez Barbe Regnault, mais aussi un peu plus
tôt chez la Veuve Buffet. Dans cet ouvrage, on trouve évidemment le
quatrain en question./
Et puis, nous avons aussi l’affaire de l’almanach pour 1562 auquel se
réfère Nostradamus en tête de la dite Pronostication dont on connait
également deux versions, une imprimée et une manuscrite (sans parler
du Recueil des Présages prosaïques) qui ne coïncident pas. L’épitre à
Pie IV de l’imprimé n’est pas suivie comme dans le manuscrit d’une «
Préface » couvrant la période allant jusqu’en1570 dont on connait par
ailleurs une traduction Italienne partielle.. Hans Rosenberger dans
une lettre à Nostradamus du 15 décembre 1561 évoque cette question des
fausses pronostications mais il ne vise évidemment pas les
contrefaçons antidatées produites vingt ans plus tard. Dans le cas de
l’almanach pour 1562, on ne voit pas clairement l’intérêt d’avoir
fabriqué une fausse édition sous la Ligue si ce n’est pour évacuer un
texte axé sur les années 1560 et non sur les années 1580 mais il eut
été possible de le retoucher. En revanche, il ne semble pas qu’il
existe une traduction de la pronostication pour 1562 comportant cette
référence à un quatrain centurique.
Il semble que nous ayons là plusieurs éléments :
A une pronostication pour 1562 censurée à l’époque dont il manque un
membre de phrase. La pronostication non censurée nous manque. Il
faudrait chercher dans le manuscrit du Recueil des Présages Prosaïques,
cette année n’ayant pas été traitée dans l’édition Chevignard 1999. Il
est urgent que ce travail d’édition se poursuive.
B Un témoignage de Pasquier concernant un certain quatrain qui marqua
les esprits à la fin de 1588 lors de l’assassinat à Blois du duc de
Guise (puis dans la foulée du cardinal de Guise) par ordre du roi
C Par la suite, la contrefaçon d’une nouvelle mouture de la
Pronostication pour 1562 à l’enseigne de Brotot.
La raison d’être de cette publication antidatée vise tout simplement à
montrer que Nostradamus avait annoncé le dit assassinat, plus d’un
quart de siècle à l’avance, en laissant croire que Nostradamus avait
publié ses premières centuries en 1561 puisqu’il s’agit du quatrain 55
de la troisième centurie. La date invoquée par Pasquier pourrait
correspondre à celle des éditions se référant, en leur colophon, à une
édition imprimée à Avignon en 1555, ce qui semble avoir déjà été le
cas avant l’assassinat du duc. En fait, un tel quatrain s’il visait
explicitement le duc de Guise aura été composé ou retouché après coup
mais le lien entre le quatrain et l’événement nous semble, en réalité,
objectivement ténu. La seule information à retenir, c’est d’une part
que ce quatrain était paru en 1589, quand Pasquier s’y réfère – ce qui
ne fait pas débat- et d’autre part qu’une pronostication a été
fabriquée, sur ces entrefaites pour mettre ce quatrain sous la plume
de Nostradamus, en 1561. On notera que ce serait le seul passage de ce
type dans toute la production « extra-centurique » du dit Nostradamus.
Nous pensons qu’initialement Nostradamus faisait référence à un
passage non pas en vers mais en prose car nous ne l’avons jamais vu se
référer à un des quatrains de ses almanachs. Nous ignorons évidemment
de quel passage il pouvait s’agir. On notera aussi que de fausses
éditions des centuries se situent autour de l’an 1560 (« pour l’an
1561 »), ce qui va dans le même sens d’une validation matérielle des
dites Centuries. Or, il est probable que les éditions 1555 et 1557
aient été fabriquées ultérieurement même s’il y ait fait référence
dans la série des Grandes et Merveilleuses Prédictions. Autrement dit,
ce seraient les années 1560-1561 qui auraient servi de premier cadre
aux contrefaçons, ce qui coïncide d’ailleurs avec l’entrée en lice de
Barbe Regnault et de ses productions parallèles usant du nom de
Nostradamus, d’où le choix de la vignette Barbe Regnault utilisée pour
ses almanachs et pronostications pour les éditions centuriques de la
Ligue (Vve Nicolas Rosset, et avec une variante chez Pierre Mesnier,
ce qui est attesté par l’almanach anglais pour 1563)
JHB
03. 10. 12
[1] Cf M. Chomarat, Bibliographie Nostradamus, p. 36
[2] (Livre XIII, Lettre VI) »
[3] Ruzo considére (Testament, p. 44) que la dernière centurie est la
septiéme alors que c’est la sixiéme à laquelle la VIIe sert
d’appendice.
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124 - La dérive scripturaire de Nostradamus et ses conséquences «
J’ai accordé les saintes écritures à l’astrologie judiciaire »(Almanach
pour 1563, Avignon)
Par Jacques Halbronn
Il est essentiel de constituer une chronologie aussi exacte que
possible de la bibliographie de la production de Michel de Nostredame
si l’on entend cerner son évolution vers un certain mysticisme. Or,
l’on sait à quel point cette question est délicate. On peut ainsi
regretter que le travail, mené depuis plus de 20 ans[1], par Denis
Crouzet, qui a le mérite de souligner une facette assez mal connue des
nostradamologues- à savoir la dimension eschatologique de sa pensée-
soit entachée par une bibliographie qui n’est pas à jour, ce qui le
conduit à affirmer que Nostradamus n’a pas changé d’attitude depuis
1555, au vu de la préface à César et des quatrains centuriques ainsi
que de l’épitre à Henri II 1558. En réalité, c’est à partir de 1559
que l’astrologue Michel de Nostredame va basculer dans une sorte
d’astrologie scripturaire – affirmant avoir « accordé » l’astrologie
aux Ecritures, dans son almanach pour 1563 paru à Avignon, dans les
Etats du Pape, et alerter ce dernier sur ce qui attend le monde dans
les années 1566-1570. Dans son almanach pour 1560 (cf sur
propheties.it), dédié à Claude de Savoie, Nostradamus, en date du 10
mars 1559, signalait une éclipse à venir, « celle tant formidable de
l’an 1567 par quelqu’un tout nouveau qui apparoistra estr non guieres
dissemblable a flagello Dei. ». Ce « fléau de Dieu » ce n’est jamais
qu’une autre façon de décrire l’Antéchrist. On peut y voir l’influence
du Livre Merveilleux.
Ajoutons que cet almanach pour 1560, rédigé au début de 1559, sera
traduit en allemand, si bien que l’Allemagne aura précédé l’Italie
dans la réceptionn du discours antéchristique de Nostradamus.
A la différence de l’édition française, c’est en son titre même que
figure l’échéance de 1567 :
Prognosticon Michaelis Nostradamis ad Annum 1560
Dis ist ein kurze Practica welche anzeigt con dm LX Jar bis in das
LXVII Was sich in der Zeyt verlaufen und zutragen soll .
De même le passage sur le Flagellum Dei est-il placé en tête de la
Practica, nom sous lequel on désigne les almanachs en allemand. :
« Nachdem das gegenwartige Jar under vil vergangnen auch zukufftigen
bis in das 1567 wol as aller gefahrlichste ist, so werden vil seltzame
newe (…) factiones durch ein newuen gewaltigen der dem Flagello Deo
(….) nicht ungleich entstehen »”
Benazra écrit à propos de ce texte allemand[2]: « On peut signaler ce
collage d'extraits nostradamiens, constitué de remarques astrologiques
entrecoupées de phrases latines et intitulé » Il est vrai qu’on ne
connaissait pas, il y a 20 ans, l’Almanach de Nostradamus pour 1560
dont c’est la traduction.
Dans l’almanach pour 1565, dédié à Charles IX, Nostradamus écrit pour
le mois de mai :
« L’oracle qui est en apres présage de merveilleux par la mort de
plusieurs par la inenarrable cruauté d’un qui sera cause d’une grande
boucherie ». L’Antéchrist est qualifié par Nostradamus de « boucher »,
de « macelin ». Mais dans le même almanach il prend la peine de
laisser se profiler une échéance plus lointaine désignant : « le
proche definement du monde l’an 1585 & cent fois pire l’an 1588 ».
Dans le développement qu’il consacre au mois de novembre 1565 il
précise « En l’an 1584, à la sacrée sainte eglise Romaine catholique
viendra un des plus grands trebuchemens que advint iamais depuis le
siege de sainct Pierre »
Pour le mois d’août, Nostradamus fait allusion à une nouvelle épitre
qu’il aurait récemment envoyée au pape ( Pio IIII Pont. Max.) : ‘”j’ay
adressé ce mois à nostre sainct père le Pape afin que sa sainctété
envoye par les Chrestiens la paix universelle »
Denis Crouzet décrit[3] fort bien cette évolution chez Nostradamus : «
L’eschatologie conquiert dans les almanachs l’écriture de l’astrologue
». Ce point aura été largement négligé par la plupart des chercheurs
depuis 20 ans. Or la déconfiture qui en résulte aura conduit à ne plus
accorder d’importance à la datation des événements, ce qui correspond
au processus centurique tel qu’il sera défendu par un Jean Aimé de
Chavigny, dans les années 1590.
Pendant les années 1550, Nostradamus se contentait de travailler année
après année, en dressant près d’une cinquantaine de thèmes, un pour
chaque semaine de l’année, dans ses almanachs. En revanche, la
Pronostication prenait beaucoup moins de temps puisqu’elle reposait
sur quatre cartes du ciel seulement, une par saison. Autrement dit,
l’on pouvait, pour un travail comparable, traiter de douze années au
lieu de traiter de douze mois et l’astrologie n’avait-elle pas à
gagner à prendre un peu de hauteur et annoncer des choses à venir sur
un plus long terme que l’année ? C’est ainsi que Nostradamus va
s’atteler, vers 1560, à rédiger une étude allant jusqu’à 1570 et qu’il
dédiera au Pape Pie IV, tant l’affaire est grave : il faut que le
monde sache ce qui l’attend, c’est ainsi qu’il s’en explique dans son
épitre au pontife. Mais Nostradamus déclare aussi avoir transmis un
mémoire, daté du début de 1561, qu’il joint à son almanach pour 1562,
qu’il désigne comme une « Préface »- il faut comprendre ici une
esquisse brossée à grands traits- remise et soumise à la Reine mère,
l’Italienne Catherine de Médicis, devenue depuis la fin 1560, régente
du royaume, du fait de la mort de son fils François II et de la mort
en 1559, en tournoi, de son époux Henri II.... .
Dans cette Préface dont on ne connait d’impression d’époque qu’en
italien, mais dont il nous reste le manuscrit, Nostradamus annonce
rien moins que l’avènement de l’Antéchrist qu’il désigne, par quelque
jeu de mots, par le nom de Marcellinus. Il propose de supprimer la
lettre R de son nom, ce qui donne Macellinus. Or, en latin, le
macellum est une sorte d’abattoir, de marché de la viande. Nostradamus
emploie ailleurs pour désigner ce qui va se passer, dans le cours des
années 1560, le mot « boucherie ».
On trouve la trace de ce passage de la Préface dans les Centuries,
sous la forme francisée assez barbare de « macelin » à deux reprises
dans la huitiéme centurie : en . VIII 76
Plus macelin que roy en Angleterre » et en VIII 54 « D’espaignolz fait
second banc macelin’ qui rime avec « Fait magnanime par grand Chyren
selin’
La tradition exégétique nous incite à comprendre « boucher ». Nous
avons montré que Crespin avait extrait de la Préface, dont il a du
avoir connaissance, et en avait fait ce mot « macelin ». Par la suite,
le « travail » de Crespin servira à constituer une part importante des
quatrains centuriques, comme nous l’avons montré dans notre thèse
d’Etat et à la suite, en 2002, dans nos Documents Inexploités sur le
phénoméne Nostradamus..Et c’est ainsi que le mot « macelin » connaitra
une certaine fortune et sera appliqué à Cromwell et à Napoléon, entre
autres, sans qu’il soit replacé dans le contexte d’origine de la dite
Préface, laquelle ne néglige aucunement, quant à elle, les données
chronologiques. Mais dans les Centuries, le mot n’est plus associé à
la moindre date, comme si l’on avait voulu relativiser, gommer l’échec
de la datation de Nostradamus. Il y a là toute une apologétique à
l’œuvre, bien connue des historiens du prophétisme ancien comme
moderne. On pense au passage d’une prophétie (attribuée à
Regiomontanus) pour 1588 à propos de la fin du XVIIIe siècle, sous la
forme 1788..
Signalons que le nom de Marcelinus figure sur la page de titre de la
Prognostication nouvelle & prediction portenteuse composée par maistre
Michel Nostradamus de Salon de Craux en Provence,nommée par Ammianus
Marcelinus Saluvium. La Prognostication est dédiée à « Mgr le reverend
Prélat Mgr Ioseph des Panisses, prevost de Cavaillon, Primat du Conte
& premier gentilhomme Davignon ». Nous aborderons dans un autre texte
la question de la datation de la dite Pronostication pour 1555
P. Guinard nous donne, dans son étude sur ce texte, sans le vouloir la
clef de ce choix de Nostradamus pour ce prénom pour désigner
l’Antéchrist : Ammien Marcellin, mentionné au titre, fut le
chroniqueur des exploits militaires et adepte prudent de la politique
anti-chrétienne du dernier empereur païen Julien l'Apostat, lequel
répudie le christianisme et rétablit les cultes et religions à
mystères en l'an 361 » . L’Antéchrist serait associé à ce Julien
l’Apostat.
On ne saurait sous-estimer l’impact et de l’annonce de Nostradamus et
de son échec – mais peut-on parler véritablement d’échec dès lors que
Nostradamus conseillait de prier Dieu pour éviter l’engrenage cosmique
? - qui équivaut à une mort symbolique de l’astrologue prophéte, qui
coïncide, non sans quelque ironie de l’Histoire d’ailleurs avec son
propre décès en 1566, année annoncée comme terrible, comme le souligne
le commentaire de Francesco Barozzi en cette même année sur la Préface
rendue en italien.
Précisément, on connait mal le sort qui fut celui de la dite Préface
en France. Il nous reste un almanach pour 1562 comportant l’Epitre à
Pie IV avec des références à la « Préface » mais sans celle-ci. Cet
almanach semble vouloir brouiller les pistes en parlant de la «
présente » préface alors que le manuscrit annonce une « préface
suivante ». On ignore si cette contrefaçon est due à la censure de
l’époque ou si elle fait partie d’une production plus tardive visant à
évacuer, après coup, l’échec de Nostradamus. On sait en revanche que
sous la Ligue fut composée une fausse Pronostication de Nostradamus
pour 1562.(prétendument parue chez Brotot), du fait de la reproduction
par Barbe Regnault[4], une libraire parisienne, de l’épitre d’origine
non interpolée, dans un imprimé portant le même titre de
Pronostication pour 1562.
On peut ici parler d’un rêve icarien de Nostradamus, petit astrologues
besogneux voulant prendre une autre envergure. On comprend mieux tout
le débat autour du mot « prophète » et « prophéties » attaché à son
œuvre. Il est probable que l’aventure prophétique de Nostradamus en
ait échaudé plus d’un.
A la fin de sa vie, Nostradamus semble d’ailleurs avoir voulu
s’accorder un délai supplémentaire en « bottant » vers les années
1580, c'est-à-dire vers la conjonction Jupiter-Saturne suivante.
Encore faut-il préciser que si ces deux astres se rencontrent tous les
20 ans, ce qui compte c’est un cycle d’une quarantaine de conjonctions,
avec une échéance quasiment millénaire.
A partir de là, il faut comprendre à quel point est improbable le
texte de l’Epitre à Henri II, daté de 1558 et qui ne traite absolument
pas des années 1560 mais bien de 1585 (et de 1606). On est là placé
au-delà de l’échéance de 1570 avec le néonostradamisme d’un Antoine
Crespin Nostradamus qui, écrivant au début des années 1570, ne fait
aucunement allusion à l’échec prophétique de Michel de Nostredame,
comme si de rien n’était. Quant à Nostradamus le Jeune, il se contente,
dès 1568, de récupérer, sans le préciser, les Prédictions pour 20 ans
de l’italien Pamphilus Riccius, déjà parues en français en Hollande en
1565 – dont le contenu astronomique est des plus frustres comparé au
travail de Nostradamus – une planète étant associée à une année selon
une cyclicité fictive- en les complétant, en 1571, dans les Présages
pour 13 ans, par des considérations sur les années 1580..
On peut suivre au cours des épitres successives des almanachs et des
pronostications l’effervescence prophétique de Nostradamus. Mais Il
semble par ailleurs que Nostradamus ait conclu un accord avec un
astrologue qui signera « Mi. de Nostradamus » pour produire des textes,
comme ce dernier s’en explique, à la mort de Michel de Nostredame,
dans la Pronostication pour 1567, dont il ne faut pas négliger l’avis
conclusif qui vient compléter les propos introductifs, déjà abordés en
1983 par Jean Dupébe (Nostradamus. Lettres Inédites, Droz). Ce Mi. de
Nostradamus travaillait depuis quatre –cinq ans avec le médecin de
Salon de Craux et sans aucun doute avec son accord et il est donc
inapproprié de le traiter d’imposteur..
On peut penser que le terme « Préface » utilisée pour désigner
l’épitre à César[5] de Nostredame, datée de 1555 (et dont on est allé
jusqu’à produire de fausses éditions datées des années 1550-1560)
n’est pas étranger à cette fameuse préface prophétique quelque peu
fantomatique, encore que cette Préface soit suivie de quatrains dont
certains sont justement issus de la « vraie » Préface mais sous une
forme déconstruite, comme si le châtiment de l’échec prophétique avait
conduit à un tel retraitement sous forme de quatrains, à une forme de
castration, de neutralisation du texte, avec ce mot « macelin » qui
n’est plus que la trace d’une aventure avortée...
Mais même dans les Prédictions pour 1562 de l’almanach –lesquelles ne
figurent pas non plus dans l’imprimé- il y a des accents empruntés à
la littérature prophétique. Pour le mois d’octobre, on peut y lire au
passage « Ve, ve, ve habitantibus » (p. 185), Malheur ! sans apparent
rapport avec le contexte de la page. Il s’agit d’un extrait du Livre
de l’Apocalypse, ch XXII qui se poursuit par « in terra » ». Un
recueil prophétique est très à la mode dans les années 1560, c’est le
Livre Merveilleux, dont Benoist Rigaud réalisera une des éditions et
qui est centré sur la question de l’Antéchrist car c’est bien de lui
qu’il est question et de ces trois ans et demi que durera son règne,
d’où cette période cruciale dont traite Nostradamus pour les années
1566-1570.
Nostradamus s’est donc rapproché des Ecritures et pas seulement du
Nouveau Testament et de l’Apocalypse. Il fait ainsi montre d’une
certaine connaissance de l’hébreu dans son almanach pour 1563 (p.
72[6]), signalant le nom des planétes telle qu’on les désigne chez les
Juifs de l’époque : Zedek pour Jupiter, Mandin (en réalité Maadim)
pour Mars.
Cetté évolution de Nostradamus nous invite à revenir sur le cas de Mi,
de Nostradamus. En effet, celui-ci est sur la même longueur d’onde que
son « maitre » dans sa Prophétie Merveilleuse jusqu’à l’an de grande
mortalité que l’on dira 1568, Paris, Guillaume de Nyverd [1566] (Bib .
Arsenal 8°H 12864) (reparue en 1567 sous le nom de Prophétie ou
Révolution Merveilleuse, Lyon Michel Jove, 1567), alors que Denis
Crouzet semble ignorer un tel distinguo pourtant souligné chez les
nostradamologues tout comme il n’a pas connaissance de l’impact des
écrits de Nostradamus en Italie concernant l’échéance de 1570. Celui
qui se présente en tant que Mi. de Nostradamus (p. 14), reconnait, en
1567, devoir « conclure des susdites années des aflictions dont il est
fait mention au livre des Révelations de Sainct Iean ex son Apocalypse
16 dont le terme s’approche fort & par conséquent l’advenement du fils
de Dieu ». On peut se demander éventuellement quelle influence ce «
disciple » exerça sur le «maître » dans cette évolution vers un
syncrétisme astrologico-prophétique- « jugement de l’’astrologie
judiciaire avecques la consonance des sacrées écritures »(Almanach
pour 1563)- que Nostradamus ne revendique pas dans ses écrits
antérieurs et que ses adversaires des années 1558 ne lui reprochèrent
d’ailleurs point. Nostradamus en 1562 déclare, s’adressant parfois
directement au pape « O père saint » (p. 66) « .‘J’ai accordé les
saintes écritures à l’astrologie judiciaire je n’ose le centiéme de ce
que serait grandement nécessaire. Aussi à fin de qu’il ne me soit
donné à vice de surpasser les bornes de l’Astrologie, comme faussement
tous m’objecter, je m’en passeray le plus légérement qu’il me sera
possible ». Son propos prophétique, déclare-t-il (pp. 52-53), est
validé par le « parfait & infaillible jugement des astres »
Nostradamus insiste sainsi sur le fait que tant de planétes « se sont
assemblés au lieu de cette l’éclipse »de 1567. L’éclipse occupe, au
demeurant, une place très particulière au sein de l’astrologie savante
et reléve plutôt d’une astrologie populaire, à l’instar des cométes.
On n’est plus dans le cadre régulier des conjonctions
Jupiter-Saturne[7]. On pourrait nous objecter le cas des
Significations de l’Eclipse qui sera le 16. setembre 1559 mais il
s’agit d’une contrefaçon. D’une part, seul le début du texte figure
dans le Recueil des Présages Prosaïques (cf Chevignard, Présages, pp.
376-381), d’autre part, la mention d’une « interprétation à la seconde
centurie » est totalement anchronique du vivant de Nostradamus.
Chavigny note en marge (c 1589) « Cette interprétation ne fut jamais
vue’ », ce qui vient entériner sa thèse selon laquelle de nombreux
textes sont encore en attente. C’est une interpolation des années
1580, avec cette mention typique de l’an 1605 qui recoupe l’an 1606 de
l’Epître à Henri II. Encore que Nostradamus traite de l’an 1607 dans
son almanach pour 1561. Ces deux épitres ne correspondent pas à l’état
du discours de Nostradamus à ce moment là. On le voit notamment du
fait de la présence de références dans les deux cas au début du xVIIe
siècle, l’épitre à Henri II ayant d’abord été axée sur l’an 1585 puis
retouchée pour viser 1606. Dans l’Epitre au roi(version 1558),
Nostradamus est présenté comme situant le temps des persécutions de
l’Eglise entre 1606 et 1792 alors qu’il semblait avoir limité ce temps
à trois ans et demi jusqu’en 1570. Il semble qu’il s’agisse d’un
emprunt au Livre de l’Estat & Mutation des temps de Richard Roussat.(1550),
qui recoupe Pierre d’Ailly, ne correspondant pas aux calculs de
Nostradamus..
JHB
05. 10. 12
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[1] Nostradamus, Ed Payot, 2011
[2] « Les pronostications et almanachs de Michel Nostradamus »
[3] (Les guerriers de Dieu La violence au temps des troubles de
religion (vers 1525-vers 1610) Préface de Pierre Chaunu Avant-propos
de Denis Richet Champvallon, 1990 p. 129)
[4] Sur cette libraire, Cf Ruzo, Testament, pp ; 259 et seq
[5] Sur le choix du nom de César, cf Ruzo, Testament, p. 84
[6] Voir réimpression, Marienbourg, 1905.
[7] Cf E. Labrousse, L’entre de Saturne au Lion., sur l’éclipse de
1654. |
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125 - L’évolution du contenu de la production nostradamique
Par Jacques Halbronn
Si l’année 1559 fut importante pour Michel de Nostredame, ce ne fut
pas tant du fait de la mort d’Henri II que de l’arrivée de
l’Antéchrist en tant qu’élément essentiel de son prophétisme, lequel
subit alors une métamorphose, basculant d’une astrologie qui se
contente de donner des gages de soumission des astres à la divinité
vers une astrologie qui s’inscrit carrément dans le discours
eschatologique, conférant aux Ecritures une nouvelle dynamique. Le
sous titre des éditions italiennes des années 1560 [1] est édifiant :
Nostradamus propose à chacun « de defendersi delle perverse
Costellationi minacciate con l’aiuto de l’ onnipotente Iddio Optimo
qual per sua infinita bonta & misericordia voglia vietare tal corso de
gli influssi Celesti » ou encore il fournirait « il modo ancora da
guardarsi dalle perverse constellationi con l’aiuto dell onnipotente
Iddio qual voglia vietare tal influssi Celesti ». En gros, Nostradamus
propose un antidote aux influences astrales, ce qui fait que si ses
prédictions ne se réalisent pas, cela s’expliquera par une
intervention divine[2], les astres incarnant ainsi le mal à
neutraliser ?
Nous exposerons ici une méthodologie spécifique fondée non plus sur la
forme mais sur le fond, en faisant apparaitre certains clivages dans
le temps et dans l’espace. C’est ainsi qu l’épitre à Henri II ne peut
pas avoir été imprimée n’importe où ni n’importe quand. Jusqu’à
présent, on n’avait guère réussi à déterminer une quelconque évolution
dans le dicours de Nostradamus, ce qui nuisait à la qualité de
l’approche critique.
Or, le dernier tiers du XVIe siècle va être marqué par le mot «
Merveilleux »[3]. Il est vrai qu’existait déjà une tradition dans ce
sens, dès les années 1520, sous François Ier, autour du Mirabilis
Liber dont une traduction française de 1535 portera le nom de
Prophétie Merveilleuse (Bib. Des Beaux Arts, Paris) associée avec
Sainte Brigitte. En 1575 paraitra, à partir du même corpus, le Recueil
des révélations et prophéties merveilleuses (…) par Nostra Damus le
Jeune, Venise, Castavino. Soulignons que le Mirabilis Liber est
lui-même initialement issu d’une Pronostication de l’astrologue
allemand de la fin du XVe siècle Johann Lichtenberger qui va se voir «
complétée » par des éléments « prophétiques ». Le recueil sera
d’ailleurs associé aux centuries, au XVIIe siècle, mais sans le mot «
merveilleux » qui semble ne plus être de mise, sous le règne de Louis
XIV. D’où un titre expurgé « Recueil des prophéties et révélations
tant anciennes que modernes » .
Toutefois, sous le nom de « Livre Merveilleux », c’est un autre
recueil qui paraitra[4] et marquera particulièrement les esprits, sous
Charles IX..
A un certain stade, ce courant du « merveilleux » sera rejoint par le
courant « nostradamique », comme en témoigne en 1566, la Prophétie
Merveilleuse de Mi. de Nostradamus, Paris, Guillaume de Nyverd (Bib.
Arsenal) qui sera traduite en anglais sous le titre de « prodigious
demonstration ». En italien, paraissent Li mirabili et pretiosi
Secreti lasciati nella morte dell ‘eccelentissimo filosofo M.
Michaelle (sic) nostradamo, nel testament da lui fatto in la morte sua,
Al Piamontese Astrologo suo Nipote & nuovamente per lui ad universal
Humano benefitio messi in luce per Antonio Ruggiero 1568 (Wolfenbuttel,
Herzog-August-Bibliothek). Mais on ne saurait oublier les Présages
Merveilleux pour 1557, comportant une épitre de Nostradamus à Henri II
, datant du début de 1556[5].
On sait par ailleurs que des éditions des centuries sont censées être
parues à Rouen et à Anvers, dans les années 1588-1590 sous le nom de
Grandes et Merveilleuses Prédictions. On connait également à la date
de 1590 la Prophétie Merveilleuse d’Antoine Crespin Archiamus (sic
pour Archidamus), Paris, Pierre Mesnier.
Quant aux sixains, ils sont présentés dans certaines éditions
centuriques du xVIIe siècle en tant que « Prédictions admirables pour
les ans courans en ce siecle », admirable étant de même racine que
merveilleux.
Si le qualificatif de « merveilleux » ne marque pas formellement le
propos de Nostradamus et notamment les titres de ses publications, en
revanche, la tonalité de ses textes nous semble être en phase avec ce
courant qui sous tend l’idée d’une certaine intervention divine..
Il importe, en tout état de cause, de mettre en évidence une certaine
évolution de la rhétorique de Nostradamus. Nostradamus, dès ses
premières éditions ne manquait pas de temps à autre de rendre hommage
à Dieu, selon une formule assez proche de l’Inchalla des Musulmans.
Mais ce qui nous intéresse, c’est le moment où l’on découvre un
Nostradamus imprégné de littérure prophétique, apocalyptique et à
partir du début de 1559 se polarisant sur l’émergence d’un personnage
de type antéchristique, probablement sous l’influence du Livre
Merveilleux dont on connait plusieurs éditions non datées qui
correspondent à la fin des années 1550[6]. L’épitre de 1561 à Pie IV,
lequel n’avait été intronisé qu’en janvier 1560, n’initie donc pas le
processus. Elle est précédée par les almanachs pour 1560 et 1561
comportant des épitres à Claude de Savoie et à Marguerite de Savoie
respectivement ; C’est en effet à Marguerite de Savoie qu’est dédié
l’almanach pour 1561, ce qui ne ressort pas de la reconstitution
proposée par Catherine Amadou, qui ne replace pas correctement les
défets du dit almanach.[7]
Nous disposons pour notre enquête d’un corpus assez substantiel de
textes dont les dates ne font a priori pas problème, accessibles
notamment, le plus souvent en fac simile, sur le site propheties.it de
Mario Gregorio. Les textes conservés en français seront éventuellement
complétés par des traductions italiennes et parfois anglaises d’époque.
A la lumière d’un tel ensemble, il nous sera loisible de situer la
date de rédaction de la Préface à César et de l’Epitre à Henri II
1558, du fait même de leur contenu[8].
L’astrologie à la sauce « merveilleux » serait en fait une astrologie
plus catholique qui serait, en principe, mieux acceptable par l’Eglise,
laquelle astrologie perdrait de sa superbe mais se rapprocherait d’une
certaine forme de magie[9] qui est assez manifeste dans le Talmud.
L’apparition du mot « prière » dans le texte nostradamique sera
fortement significative de ce tournant, d’autant que l’on pourrait
parler au regard du déterminisme astrologique d’une forme de miracle
demandé à Dieu, le « Ciel » accédant dès lors une nouvelle dimension.
Ce côté merveilleux est marqué par l’annonce de catastrophes, non
seulement au sein des ouvrages mais en leur titre, ce qui constitue
une certaine escalade dans la communication.
On prendra le cas de La Prophétie merveilleuse de Mi. de Nostradamus.
La première édition parait sous un titre assez simple, vers 1566 :
Prophétie Merveilleuse commençant ceste presente Année & dure iusqyes
en l’An de grand’ mortalité que l’on dira MDLXVIII An de bissexte,
Paris, Guillaume de Nyverd
Mais en 1567, le contenu restant le même,le titre change et s’allonge
:
Prophétie ou Révolution merveilleuse des quatre saisons de l’an. Et
apparition des grands & tres horribles signes, comettes, estoilles &
tremblement de terre, qui pourront advenir depuis l’an present iusques
en l’an de grande mortalité 1568. An de Bissexte, Lyon, Michel Jove.
A l’évidence, cette nouvelle édition est pirate. Elle ne comporte pas
la signature manuscrite de Mi. de Nostradamus ni de privilége.
En revanche, on ferait fausse route en affirmant que ce Mi. de
Nostradamus n’a aucun lien avec Michel de Nostradamus. Certes, ce Mi.
de Nostradamus reconnait-il à la mort de Nostradamus, en 1566, la
supercherie en concédant qu’il n’en est, depuis déjà quatre ou cinq
ans le disciple mais nous préférons parler d’une équipe. La Prophétie
Merveilleuse sur l’an 1568 est dans la droite ligne de la parole de
Nostradamus dans le cours des années 1560.
Sous cet éclairage, le débat sur les Prophéties prend un autre relief
et nous apparait dans toute son ambiguité. Si Nostradamus n’avait pas
prétendu dans ses publications annuelles allier astrologie et Ecriture,
comme il le fera dans les années qui précédent sa mort, le mot
Prophétie devrait être compris comme un simple synonyme de prédiction.
Mais, au vu de l’évolution du discours de Nostradamus, on ne peut plus
sérieusement s’en tenir là. C’est pourquoi il était nécessaire de
rappeler la « fin » de Nostradamus et ne pas s’en tenir à ses premiers
almanachs et pronostications des années 1550[10] . Or, il se trouve
que récemment, les fac similés parus sont ceux des années 1557-1559, à
l’instar des éditions centuriques 1555-1557. Quant à Bernard
Chevignard, il n’aura publié que les années 1550 du Recueil des
présages Prosaïques qui va pourtant jusqu’en 1567 (Présages de
Nostradamus, Ed Seuil, 1999). Les almanachs pour 1562, 1563 et 1567
ont fait l’objet d’impressions au début du XXe siècle qui n’ont pas
été reprises au point que personne ne sait où se trouve la
réimpression de l’almanach pour 1567 que l’on connait heureusement du
fait de sa traduction italienne d’époque. Quant à l’almanach pour 1562
conservé à Bruxelles, il est fortement tronqué et dénaturé, Jusqu’à
présent, l’on s’en consolait en se disant que l’important était que
l’on ait conservé les quatrains des almanachs correspondants, comme si
la lecture des textes en prose importait peu. Le chapitre « Présages »
dans les éditions du xVIIe siècle recouvre uniquement des quatrains,
comme si la dimension prophétique –sa conversion – devait être peu ou
prou occultée, comme si les quatrains constituaient l’essentiel de son
propos, alors que cela n’en est qu’une forme d’excrétion.
Relisons les deux épitres à César et à Henri II, au prisme de cette
clef d’un Nostradamus se prenant pour un prophéte et mettons en
évidence l’empreinte d’un Nostradamus revenu vers Dieu, dont le nom
revient tout au long de la dite Préface à César, texte qui, selon nous,
est contemporain du testament de 1566 et ne saurait être daté de 1555
: on ne compte pas moins, au bas mot, de quinze mentions de Dieu,
divinité, divine, ange, angélique ou du Christ, du « Sauveur’ : On y
parle de l’ »homme prophétisant »’tout en s’appuyant sur l’astronomie/astrologie.
La version plus bréve et plus ancienne, selon nous, de l’édition
Besson-Garencières a le même profil. Et une telle Préface débouche sur
des quatrains, faute de pouvoir soumettre un texte comme celui de la «
Préface » de l’almanach pour 1562 couvrant le temps allant jusqu’en
1570. L’on peut comparer ce texte avec ceux que Nostradamus rédige par
exemple dans l’Epitre à Henri II, la première, celle de 1556, dans
laquelle le nom de Dieu ne figure pas une seule fois.
Qu’en est-il de l’Epître à Henri II de juin 1558 ?
« Dieu seul eternel », « devant Dieu et ses saints », « je confesse
bien que le tout vient de Dieu »
Par ailleurs, le texte est truffé de références aux « Sacrées
Escriptures » , avec deux généalogies bibliques. Hommage également à
l’ »Eglise Chrestienne », à l »Eglise catholique ». L’Antechrist
figure également dans cette nouvelle Epître à Henri II : «Le grand
empyre de l’Antechrist commencera »,« l abomination de l’Antechrist »
face au « royal qui sera le grand vicaire de Iesus Christ ». On évoque
« Dog & Dogam », c'est-à-dire Gog et Magog sans oublier Satan .
Nostradamus parle de la « cité de Achem », Achem signifiant en hébreu
le Nom et désignant chez les Juifs le tétragramme imprononçable.(Yahvé)
L’epitre se conclut : « Commencera entre Dieu & les hommes une paix
universelle »
La question qui se pose est la suivante : d’où vient cette épitre à
Henri II, si proche au fond du dernier Nostradamus ? On peut se
demander si elle n’accompagnait pas initialement la Préface à « mon
fils » (pas forcément à César mais à l’un de ses fils) qui en aurait
été l’avant propos, tant les deux textes se rejoignent. Bien
évidemment, le fait de dédier ce texte à Henri II est un subterfuge.
Les deux textes seraient en fait posthumes. Les faire paraitre en 1555
et 1558 est un contresens dans l’histoire spirituelle de Michel de
Nostredame. La lecture de la Pronostication pour 1559 (que nous
n’avons que dans sa traduction anglaise, en dehors du Recueil des
Présages Prosaiques) en date du 27 avril 1558 constitue un singulier
contraste. A cette date, Nostradamus n’était pas encore, à l’évidence,
entré dans une nouvelle voie/ Si l’on passe en revue rapidement le
volume édité par B. Chevignard (pp. 193- 383) pour les annés 1550 à la
recherche de nos mots clef, le résultat se révéle bien maigre
consistant en quelques références assez insignifiantes de pure forme.
Rien à voir avec l’intensité des deux épitres centuriques.
Si l’on examine, par ailleurs, le cas des Significations de l éclipse,
dont l’épitre qui le constitue intégralement est datée du 14 août
1558, dont une partie figure dans le Recueil des Présages Prosaïques :
la densité religieuse y est nettement plus faible que dans l’épitre à
Henri II de juin 1558, ce qui s’explique par le fait que si le
document a été retouché, a subi quelques interpolations, il reste
fondamentalement ce qu’il était.
A l’évidence, Nostradamus à force de vouloir reconnaitre ce que les
astres devaient à Dieu a fini par se prendre pour un prophéte. Dans un
Avertissement au lecteur bienveillant, placé en tête de la Première
Face du Janus François (1594), Jean Aimé de Chavigny reconnait qu’il
est bien difficile de fixer des limites :
« Pour ce que tu pourrois Lecteur estre offensé , en ce mot de
Prophete, qu’en aucuns lieux de cest œuvre, j’ay attribué à nostre
Auteur, je te veux apporter les raisons pourquoi je l’ay fait. Bien
que l’Auteur mesme par modestie, en l’epistre prémise à ses Centuries
& en celle qu’il a adressé au Roy Henry II. ait rejetté ce nom & titre
–(…) si est-ce qu’il a intitulé sesdites Centuries du nom de
Propheties & sous telle enseigne ont esté imprimés cinq ou six fois &
en quelques lieux, il a appelé ses présages, prophétiques Et en l’une
des dites Epitres soubs tierce personne il donne à entendre que par le
moyen de Dieu immortel & des bons Anges (voilà ses mots) il a receu
l’Esprit de vaticination ».
Chavigny se voit sommé de se rétracter :
« Advertissement (…) m’a esté fait par aucuns Docteurs en la faculté
de Théologie ; de changer ce dit mot de ¨Prophete d’autant que ce
seroit assurer toutes ses predictions avec certitude (…) comme si
c’estoit matière de foy, ce que nous ne prétendons asseurer. Pour ce
je t’advise, Lecteur, que je me rétracte & n’en pretens user sinon que
pour grand Prognosticateur & Prédiseur simplement «
JHB
03. 10 12
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[1] Cf Chomarat, Bibliographie Nostradamus, pp ; 30 et 42
[2] Cf J. Halbronn, Le Monde juif et l’astrologie, Milan, Arché, 1985
[3] Danielle Le Prado-Madaule « L’astrométérologie et évolution en
France 1520-1640 » 1996 Histoire économie et société 15-2
[4] Le texte prophétique en France, formation et fortune, 1999 ANRT,
SUDOC
[5] Document inexploités sur le phénomene Nostradamus, Ed Ramkat 2002
[6] cc
[7] Cf in Nostradamus et l’Astrologie, dossier dir. R. Amadou, Ed.
ARRC, Poissy, 1992 (depot à la BNF)
[8] Cf Laurence Bardin, L’analyse de contenu, Paris, PUF, 1977
[9] Cf notre ouvrage Le Monde Juif et l’Astrologie, histoire d’un
vieux couple, Milan, Ed Arché, 1985.
[10] Cf nos Documents inexploités sur le phénoméne Nostradamus, Ed
Ramkat, 2002 |
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126 - Les traductions des almanachs et pronostications
nostradamiques 1550-1570
Par Jacques Halbronn
Il est important de faire le point sur l’origine des textes
nostradamiques parus dans d’autres langues que le français avant la
période centurique, c'est-à-dire avant les années 1580. On notera
l’existence d’un axe Italie-France-Angleterre, qui offre une certaine
fluidité linguistique : un grand nombre de mots français existent
également en anglais et ne sont guère différents de l’italien..
Force est d’ailleurs de constater qu’aucune traduction n’existe des
centuries avant les années 1590, avec le latin du Janus Gallicus.(1594)
et encore pour un nombre limité d’entre eux. Ensuite, à notre
connaissance, on doit attendre la traduction anglaise de 1672 par
Théophile de Garencières.
Notre propos ici concerne la réception et la fortune des publications
annuelles de Nostradamus voire de ceux qui se situent dans son sillage
comme Mi. de Nostradamus.
Un obstacle à cette mise en rapport des textes français et de leur
pendant anglais, allemand ou italien tient d’une part au fait que
parfois l’original français peut avoir disparu - c’est le cas pour
l’almanach pour 1567 dont on dispose de la traduction italienne et de
la seule page de titre de l’impression française, ou bien dans le cas
de l’almanach pour 1562, il faut tenir compte d’un manuscrit pour
faire le lien avec les éditions italiennes, l’imprimé français étant
incomplet, et de l’autre au fait que les codes terminologiques ne sont
pas nécessairement les mêmes d’une aire linguistique à l’autre..C’est
ainsi que les Anglais parlent d’une Pronostication des 12 mois, ce qui
ne fait pas sens en France à la même époque/
I le cas allemand
PROGNOSTICON Michaelis Nostradami ad annum 1560. Ditë ist ein kurtze
Practica ...
Nous avons déjà abordé le cas du Pronosticon pour 1560. Il s’agit en
fait de la traduction de l’almanach pour 1560[1]. Le mot « Pronosticon
» ne correspond pas ici à la Pronostication. On le désigne aussi comme
« Practica »
Mais ce qui est mis en exergue dans le titre complet du Prognosticon,
c’est l’échéance de 1567. C’est dire que la portée d’un almanach
dépasse souvent l’année concernée.
II Le cas italien
De même en italien, le Pronostico correspond à l’almanach français
surtout quand il est suivi de Lunario qui renvoie directement à ce qui
fait la base même de l’almanach, à savoir les rapports soleil-lune.
On trouve un certain nombre de vignettes en Italie mais qui ne sont
pas reprises de la production française.
PRONOSTICO E TACOYNO FRANCESE, FATTO PER MAESTRO MICHEL Nostradamus.
Con la dechiaratione de giorno, in giorno, & anchora la dechiaratione
della Lune, de mese in mese. Con la lettera per la qual esso Taycono è
dedicato alla Christianissima e Serenissima Catarina, Regina di Franza.
Tradutto de lin. gua Francesa, in Italiana.
Mais un autre terme italien figure également, celui de Tacoyno. C’est
sous ce nom que parait la traduction italienne de l’almanach de
Nostradamus pour 1557 avec l’épitre à Catherine de Médicis, également
rendue en italien. Nous avons là la traduction en une autre langue, la
plus ancienne d’un almanach de Nostradamus.
PRONOSTICO DELL'ANNO M.D.LXIII Coposto & calculato per M.Michele
Nostradamo, Dottore in Medicina di Salo di Craux in Prove(n)za il
quale pronostica tutto q(ue)llo, ch'ha' da ci erq(ue)sto psente Anno
della Guerra, della pace, della carestia, della abo(n)da(n)tia e
daltri segni, che si scopriranno nel Cielo. Nel quale si co(n)tiene la
dechiaratione di tutti q(ue)sti Anni del 63. fino al 70. Dedicata al
nostro Santissimo padre Papa Pio Quarto Con privilegi di papa pio
Quarto, & dell'I tutti i s. Signor Duca di Fiorenza, & Siena. (Image)
Bologne, Alessandro Benaccio
L’almanach qui connaitra le plus de succés en Italie est celui pour
1562, avec l’épitre au pape Pie iV. Il paraitra sous différents
intitulés. En fait ce n’est pas tant l’almanach lui-même qui est
traduit que certaines de ses annexes, avec en ligne de mire l’année
1570..
Nous avons là une traduction toscane compléte de la « Préface » de
l’almanach pour 1562, ainsi que de l’épitre au Pape – donc du
manuscrit français dont nous disposons si ce n’est que la dite «
Préface » est présentée commen le Pronostic de l’an 1563 et qu’elle
est datée du 18 décembre 1562. Les autres éditions italiennes qui se
succéderont, au cours des années, seront moins complétes.
Toutefois cette édition comporte un contresens qui sera corrigée dans
les éditions suivantes, à propos de Marcellino « ma il suo proprio
nome sara Re » alors qu’il faut traduire le français « mais on lui
ostera de son nom l’R »-(p. 31) ce qui donne le terme italien pour
boucher - par « ma li sara levato dil suo nome la R » :
Cet almanach comporte quelques lignes sur les 4 saisons , en son
commencement mais on passe ensuite à de longs développements sur
chaque mois en quatre parties (nouvelle lune, quart de lune, pleine
lune, quart de lune et ainsi de suite)
Title: PRONOSTICO ET LVNARIO DE L'ECCELLENTISS. FILOSOFO, MEDICO, ET
ASTROLOGO M. MICHELE NOSTRODAMO. CALCULATO NELLA CITTA DI SALON de
Craux in Provenza. sopra l'anno MDLXIII. Tradotto fiedelmente della
lingua francese nella italiana, & con diligentia corretto. CON
PRIVILEGIO DELL'ILVSTRISSIMO & eccellentissimo Signor Duca di Ferrara:
Per tutto il suo Dominio, Sotto pena della perdita de libri, & danno
che a s. Eccell. parera. IN PADOA Nella stamperia del Griffo. MDLXIII.
Cet almanach comporte une épitre adressée au roi de France Charles IX,
en date du mois du 15 décembre 1563. Dans l’almanach pour 1565, une
autre épitre au roi fait allusion à une première épitre. . A la suite
on trouve un petit texte signé Io. Ch. Bel, c’est à dire Jean de
Chevigny Beaunois. 1564 est l’année du tour de France que Charles IX
effectuera et au cours duquel il rencontrera Nostradamus. A la fin de
l’almanach, le même Chevigny adresse quelque compliment à Nostradamus
en signant cette fois de son nom complet: Io. Chevignaeus Beln.
On a l’équivalent anglais de cet almanach (cf infra) qui inaugure un
nouveau format, regroupant l’étude des mois (avec les quatrains) et
celle des saisons, en un seul volume, à la différence de ce qui
s’était pratiqué jusque là, sauf dans le cas de la Pronostication pour
1555, qui est selon nous une contrefaçon... En effet, les almanachs
pour 1565 et 1566 intégrent bel et bien, également, sous diverses
formes, les données mensuelles et saisonnieres au sein du même volume.
Mais l’on doit accorder toute son importance au Sommario del
Pronostico pour cette année 1564 et qui est bien plus qu’un résumé de
ce qui est annoncé pour 1564 mais couvre la période allant jusqu’en
1570, comme c’était déjà le cas pour 1562.: En effet, le Discours
général sur l’année constitue une “préface” aux développements sur les
12 mois. L’ensemble de ces “préfaces” constitue un ensemble
extrémement précieux pour appréhender la démarche de Nostradamus, bien
plus, on s’en doute que les quatrains ou les épitres.
On sait par le libraire italien que l’almanach français lui avait été
envoyé depuis Lyon. :Mais cet almanach italien ne comporte pas de
quatrains à la différence de ce qui se passe en Angleterre, ce qui
montre bien que les quatrains n’étaient pas alors un élément
significatif de l’oeuvre de Nostradamus, même si la translation de la
prose en quatrains a pu constituer une sorte d’alchimie pratiquée par
Nostradamus lui-même, sous la forme d’un jeu divinatoire, pouvant
consiter à appliquer sur une page une feuille de papier avec des trous
isolant les mots à combiner.
. En fait nous pensons que les libraires italiens n’étaient pas
intéressés par le calendrier de l’almanach et donc n’ont pas fait
attention aux quatrains qui l’agrémentaient, sauf pour l’almanach pour
1567 (cf infra). A contrario, les Anglais traduisirent également la
partie calendrier des almanachs. On a un almanach et une
pronostication de Nostradamus en anglais pour 1564,(cf infra)
PRONOSTICO ET LUNARIO DE L'ANNO BISSESTILE MDLXIIII. calculato da
l'eccellente medico m. Michele Nostradamo di Salon di Craux in
Prouenza Tradotto di lingua Franzese, in Toscana, (Image) IN FIORENZA
appresso Giorgio Marescotti nel Garbo 1564.
Florence, Giorgio Marescotti
FI0098 Biblioteca nazionale centrale - Firenze - CNCE 55336
Deux éditions reprenant une partie de la Préface de l’almanach pour
1562, dédié à Pie IV :
LI PRESAGI ET PRONOSTICI DI M. MICHELE NOSTRADAMO, QVALE PRINCIPIANDO
L'ANNO M.D.LXV. diligentemente discorrendo di Anno in Anno fino al
1570. Chiaramente ci dimostra tutto quello che gli influssi Celesti
dinotano tanto di bene, quanto di male, si delli raccolti boni, quanto
delli rei. ANCORA PREDICE NELLI DETTI ANNI 1565. fina al 1570, tutte
le perverse calamita di che de ve incorrere, cioe' guerre, carestie,
pestilenze, certissimamente cose horrende da intendere. Come per vere
ragioni Astronomiche lo dimostra, con vna bellissima dichiarazione,
ove ciascheduno facilissi mamente potra difendersi dalle perverse Co
stellazioni minacciate, con l'aiuto de l'onnipotente Iddio Optimo,
qual per sua infinita bonta', & mise ricordia voglia vietare tal corso
de gli influssi Celesti Diligentemente estratti dalli originali
francesi, nella nostra italica lingua. MICHELE NOSTRADAMO MEDICO DI
Salon di Craux in provenza. Alla Santita di Papa Pio. III. di questo
nome Composto, Con Privilegio del re, & di S.S. Gênes, B.N.F. RES V.
1195
LI PRESAGI ET PRONOSTICI DI M. MICHELE NOSTRADAMO FRANCESE QVALE
PRINCIPIANDO L'ANNO M.D.LXV. diligentemente discorrendo di Anno in
Anno fino al 1570. Chiara mente ci dimostra tutto quello che gli
influssi Celesti dinotano tanto di bene, quanto di male, si delli
raccolti boni, quanto delli rei. ANCORA PREDICE NELLI DETTI ANNI 1565.
fina al 1570, tutte le perverse calamita di che deve incorrere, cioe'
guerre, carestie, pestilenze, certissimamente cose horrende da
intendere: Come per vere ragioni Astronomiche lo dimostra, con vna
bellissima dichiara zione, ove ciascheduno facilissimamente potra
difendersi dalle perverse Costellazioni minacciate, con l'aiuto de
l'onnipotente Iddio Optimo; qual per sua infinita bonta', &
misericordia voglia vietare tal corso de gli influssi Celesti
Diligentemente estratti dalli originali francesi; nella nostra italica
lingua. Michel nostradamo Medico di Salon di Craux in provenza. Alla
S. di Papa Pio. III. di questo nome Composto
B.N.F. RES-V-1194
PRONOSTICO O VERO GIVDICIO SOPRA L'ANNO MDLXVI. Eccellente philosopho
& Astrologo M. Philippo Nostradamo. Tradotto di Francese in lingua
Italiana. (Image) Stampato in Milano & Ristampato in Firenze MDLXV.
Florence and Milan, Giorgio Marescotti
Bayerische Staatsbib. München (Sigel 12) ID BV001464031
Il s’agit d’une prognostication et non d’un almanach. L’épitre datant
d’octobre 1565 situe l’auteur comme le neveu de Michel Nostradamus. On
rappellera que dans l’Epitre à Henri IV, il est question d’un certain
Henri, neveu de Nostradamus. Nous n’excluons pas, pour notre part, que
parmi ceux qui se revendiquent de Nostradamus, il n’y ait eu un neveu.
I IL VERO, ET VNIVERSALE giuditio di m. Michiele Nostradamo, astrologo
eccell. & medico di Solon di Craus di Prouenza, nel quale si vede
breueme(n)te quanto mostrano le stelle, & pianeti di mese in mese, &
di quarto in quarto dell'anno 1566 sì dell'abondanza, & carestia, si
delle malattie diuerse, sì ancora delle guerre, & roine di città, &
castella, con presaglia, e spoglie grandissime di soldati all'imprese
de' loro nemici, & Deo semper laus, & gloria.
Trino, Biblioteca nazionale Marciana - Venezia - CNCE 59086
Il s’agit là uniquement des “prédictions” de l’almanach pour 1566, qui
sont en fait le coeur même de l’Almanach. Dans l’almanach pour 1566 de
Nostradamus, le titre même d’Almanach figure en tête des prédictions.
Pronostico universale di tutto il mondo, il qual comincia dal
principio dell' anno 1565 e finisce al principio dell'anno 1570,
raccolto dalli ″Presagi″ del divino Michiele Nostradamo et dalli
pronostici di molti altri eccellentissimi autori... per M. Francesco
Barozzi,... Bologne : libraria del ″Mercurio″, 1566
On trouve ici un commentaire (Annotations) de Barozzi sur la “Préface”
de l’almanach pour 1562 mais seulement à partir de 1565. Contrairement
à ce qu’écrit R. Benazra, ce qui correspond au manuscrit a bien été
imprimé, comme l’atteste le Recueil des Présages Prosaïques qui ne
recense que des pièces ayant été imprimées et de là traduit en italien
et si les Prédictions pour 1562 une part importante du manuscrit,
elles sont bel et bien précédées d’une étude allant jusqu’en 1570 qui
fera beaucoup pour l’image d’un Nostradamus qui n’est plus simplement
faiseur d’almanachs, année après année, mais « prophéte ».
ALMANACH PER L'ANNO D.M. LXVII COMPOSTO PER M.MICHEL NOSTRADAMO DOTTOR
IN MEDICINA ET CONSIGLIERO DEL RE CHRISTINISSIMO, Tradotto fidelmente
del Francese nell'Italiano. Con duoi diuersi Calendarii & molto
stupende dichiarationi dell'Eclisse del Sole del presente anno 1567 &
per duoi altri anni seguenti.
Monte Regale, B. Cracovie (Pologne) - Biblioteka Jagiellonska -
Mathesis 1397
L’almanach qui suit, dédié au Sieur de Birague « en l’absence du Duc
de Nemours » est le seul à comporter une traduction italienne des
quatrains d’almanach de Nostradamus, en l’occurrence pour 1567. Il est
aussi le seul à restituer les indications jour par jour du calendrier..
Cette formule assez particulière «en l’absence de « figure déjà dans
la pronostication pour 1560 : A M O N S E I G N E V R M O N S E I-
gneur de Savigni Lieutenant general pour le Roy au
pays de Lyonnois en l'absence de Monseigneur le Ma-
reschal S. André : M. Nostradamus son treshumble &
obeissant serviteur, desire Salut, & Felicité.
Nous y retrouvons, à la suite, un nouveau mémoire daté du 22 avril
1566, à distinguer du mémoire du 20 avril 1561 dans cet almanach
italien qui signale la mort de Nostradamus survenue au mois de juillet
1566, nous précise-t-on. Il n’est pas certain que ce mémoire ait
figuré dans l’almanach français pour 1567, que nous n’avons pu
consulter, il se pourrait qu’il soit paru séparément à l’origine-
Li mirabili et pretiosi Secreti lasciati nella morte Michaell
Nostradamus, nel testamento da lui fatto nella la morte .édité par
Antonio Ruggiero. - 1568 Wolfenbüttel, Herzog-August-Bibliothek Cote:
A: 69.8 Astron
Seul le titre nous intéressera ici: il est fait référence à la mort de
Nostradamus et ce qui a été laissé mais le titre complet parle d’un
testament, alors qu’on n’a pas retrouvé une telle mention dans un
imprimé français...Il y est question une fois de plus de son neveu «
nipote ». Cela évoque d’assez près la production d’un Nostradamus Le
Jeune,.
III Le cas anglais
C’est celui qui nous retiendra le plus dans la présente étude car
c’est celui que nous avons le moins traité jusqu’à présent.
Nous utiliserons pour ce faire les reproductions en ligne de la
Bibliothèque Nostradamus de Mario Gregorio, à laquelle d’ailleurs nous
avons contribué en 2008..
Un cas intéressant est celui de l’almanach pour 1563 qui comporte une
des vignettes utilisées en France dans la production nostradamique.
En ce qui concerne l’ouvrage ci-dessous, il s’agit de l’almanach pour
1559. L’usage du mot Prognostication ne doit pas tromper. Il s’agit
d’un texte sur les 12 mois de l’année et non sur les quatre saisons
comme ce serait le cas si le texte dérivait d’une Pronostication de
Nostradamus. On n’y trouve pas de quatrains. En effet, cela vient en
complément du calendrier lequel, comme il est normal, comporte les
dits quatrains. On dispose donc ainsi avec les deux pièces ci-dessous
de l’intégralité de l’almanach pour 1559. Les Anglais ont dissocié les
deux volets et ont qualifié le commentaire de « Prognostication »
alors que l’expression consacrée en France est « Prédictions », comme
dans le cas de l’almanach pour 1562. On notera que pour l’année 1557,
il n’y avait pas encore deux volets séparés, les « déclarations » se
trouvant sous le mois et le quatrain. Dans l’almanach pour 1559, la
disposition a changé. C’était peut être déjà le cas pour l’almanach
pour 1558 dont on ne dispose pas.
: The PROGNOSTICAtion of Maister Michael Nostradamus Docteur in
Phisick. In Province for the yeare of our Lorde, 1559. VVith the
predictions and presages ov euery moneth. Anvers
British Library C.71.A.15
On note que la « Prognostication » indique « with the predictions and
presages of every month », ce qui est la description propre à l’
almanach qui stricto sensu consiste non pas dans le calendrier mais
dans l’interprétation des configurations soli-lunaires de chaque mois..
et
An Almanacke for the years of our e Lorde God, 1559. Composed by
Mayster Mychael Nostradamus, Doctour of Phisike. Faure lynes upon all
the yeare Feare, yee, greate pillynge, to passe the sea, to en crease
the raygne. Sectes, holy thinges beyond the sea more polished
Pestylence, hest, fyer, the enseygne of the Kyng of Aquilon To erect a
signe of victory, the city Henripolis.
London, Henry Sutton, Bib. H. Huntington de San Marino (California)
B. Chevignard donne une copie des quatrains anglais[2].
Notons le cas du quatrain comportant « Henripolis ». Ce quatrain est
constitué d’extraits des présages en prose : Celui pour le mois de Mai
(cf le Recueil de présages prosaïques, cf Chevignard, Présages de
Nostradamus, p. 339) : « A la France supreme victoire (…) édifiée
neuve cité en Septentrion dite HENRICOPOLIS & SALVE VICTOR ».
Henricopolis s’est changé en Henripolis.
An excellent tretise, shevving suche perillous, and contagious
infirmities, as shall insue.
1559. and .1560. with the signes, causes, accidentes, and curatio, for
the health of such as
inhabit the. 7.8. and. 9. climat. compiled by Maister Michael
Nostrodamus, Doctor in
Phisicke, and translated into Englysh at the desire of Laurentius
Philotus, Tyl. Imprinted at London : By Ihon
Une prognostication des 4 temps pour 1559, dédiée à l’évéque de Mâcon,
datée de 1558, accompagnée de développements à caractère médical. 1560
a été retouché en 1566. : On ne connait pas l’original français. :
An Almanach FOR THE YERE M.D.LXII made by maister Michael Nostradamus
Doctour of phisike, of salon of Craux in Provence 1562.Londres, Henry
Sutton
Folger Shakespeare Bibl. Et Birmingham ML Spec.Coll STC1 cote 1647:19
Cet almanach pour 1562, publié par Sutton comme l’almanach pour 1559,
ne comporte que la partie calendrier [3]. Il est probablement la
traduction d’un « faux « almanach français ayant le même profil pour
cette même année 1562. On possède l’almanach Barbe Regnault pour 1561
– doté d’une épitre à un personnage imaginaire, le Duc d’Operta, «
grand gouverneur de la Mer du Levant », ce qui est une contraction
satirique de Gouverneur de Provence et Amiral des Mers du Levant, ce
qui désigne Claude de Savoie auquel Nostradamus avait dédié justement
son almanach pour 1560[4]-– lequel parait sans quatrains à la
différence de celui de l’année suivante-au vu de la traduction
anglaise—ce dont certains nostradamologues, à la suite de Daniel Ruzo
– de son temps, on n’avait pas encore retrouvé l’édition de l’almanach
pour 1561, chez Guillaume Le Noir, à Paris (Bib. Sainte Geneviève)
avec ses quatrains- ont tiré des conclusions en rapport avec la
présence des dits quatrains dans les éditions centuriques de la Ligue-
et pour 1563 mais non pour 1562 alors que nous avons la Pronostication
Regnault pour cette année 1562. Cet almanach aurait donc donné lieu à
la confection de nouveaux quatrains avec une pique pour le mois de
septembre avec le jeu de mots nostradamus/amuse. Mais au vu de
l’almanach pour 1563, il serait intéressant de connaitre le contenu de
l’épitre et l’identité de son dédicataire car selon nous, la
production Regnault obéissait à des enjeux politiques.. L’année
suivante, on aurait repris les mêmes quatrains de certains mois –
comme le quatrain de septembre « à quoi tu t’amuses « - auxquels on
aurait ajouté certains quatrains authentiques des almanachs années
précédentes[5] 1557 et 1562, Ce sont les quatrains de ce faux almanach
pour 1562 qui auraient, selon nous, servi à confectionner une
Pronostication pour 1555, étrangement dotées de quatrains[6]
Benazra note à juste titre « Cet almanach en vers ne contient pas les
présages pour 1562, mais ceux de l'almanach pour 1555. Cependant, les
phases de la Lune, les éclipses, la date de Pâques, etc., conviennent
à 1562. Cette contrefaçon, composé en Angleterre et mis sous le nom de
Nostradamus, comporte donc des quatrains pris à l'Almanach pour 1555.
».
An almanack for the yere. M. D. lxiij. Composed by M.Michael
Nostradamus Doctour in Phisicke, of Salon of Craux in Prouince
University of Illinois (Urbana-Champaign Campus). Library. Cote : A p2
s A-B C p4 s.
Il s’agit d’un almanach, en dépit d’un titre intermédiaire «
Pronostication » d’autant que les mois qui suivent portent le nom de «
predictions ». :P. Guinard note : Le collectionneur et révolutionnaire
Wilfrid Michael Voynich était en possession au début du XXe siècle
d'un "Nostradamus" daté de 1563, mis en vente pour 21 shillings : "Mr.
Voynich, of Shaftesbury Avenue, continues his short catalogues, full
of rarities, as usual. Among many of interest we note (...)
Nostradamus, 1563, 1l. 1s." (Notes & Queries, 10.2, 1905, p.340).
S'agit-il de notre édition des Prophecies, ou de l'almanach connu pour
1563, suivi de la pronostication pour la même année ? « En fait, il
s’agit du seul almanach suivie de ses prédictions et nullement d’une
Pronostication pour 1563 dont on n a d’ailleurs pas d’exemplaire, si
tant est qu’elle ait jamais existé.. Guinard en effet s’est beaucoup
intéressé au libraire londonien William Powell qui avait été
sanctionné pour avoir publié un « Nostradamus », sans que l’on en
sache davantage et dont il imagine qu’il pourrait s’agir d’une édition
des Centuries. Guinard ajoute « On ignore son contenu, mais il est
probable que cette traduction s'appuyait sur une édition parisienne,
peut-être celle de Barbe Regnault dont les contrefaçons étaient
diffusées outre-Manche. L'édition Powell pourrait donc ne contenir
qu'environ 600 quatrains. » . Guinard s’explique : « Un tel succès ne
peut concerner un simple almanach ». Il suffit de lire l’almanach pour
1562 et son impact en Italie pour ne pas se permettre de minimiser
l’impact d’un « simple almanach ». Apparemment Guinard n’a lu que
l’almanach pour 1557 ou la version expurgée de l’almanach pour 1562. A
partir de 1560, l’écriture de Nostradamus est tout à fait susceptible
de créer des remous dans le public, bien au-delà de ce que pourraient
le faire des « centuries de quatrains » et d’ailleurs, les almanachs
de Nostradamus ne comportent-ils pas chacun une douzaine de quatrains
? Il est temps de prendre toute la mesure de la prose de Nostradamus
éclipsée par les Centuries, ce qui est un contresens du moins dans les
années 1550-1560. Même la lecture des « prédictions » de l’almanach
anglais pour 1563 peut fort bien avoir excité les esprits et
d’ailleurs dans le cas des Centuries, c’est parfois un seul quatrain,
extrait de l’ensemble, qui aura marqué l’opinion, à une certaine
époque.
Cet almanach comporte une vignette que l’on retrouve chez le libraire
parisien Pierre Ménier sous la Ligue et dans une édition antidatée à
1560, censée parue chez la Veuve N. Buffet, une autre libraire
parisienne dont on connait l’ impression d’un Almanach pour l'An Mil
cinq cens soixante & un. Compose par le disciple de M. Michel
Nostradamus, Docteur en medecine An de grande neige, également
spécialisée dans la production pseudonostradamique.. Nous pensons que
Ménier a emprunté la vignette à la production de cette Veuve qui
pourrait être la libraire ayant publié l’almanach pour 1562, traduit
en anglais.
On y trouve tous les éléments d’un almanach, les quatrains, les
formules lapidaires au quotidien et les prédictions mensuelles, mais
sans aucune épitre. Il s’agit en fait des quatrains de l’almanach pour
1563, paru à Paris, chez Barbe Regnault et non de l’almanach pour
cette même année, imprimé à Avignon, chez Pierre Roux. L’almanach
Barbe Regnault présente il est vrai toutes les apparences d’un
almanach de Nostradamus avec une épitre à François de Lorraine, duc de
Guise, signée Nostradamus – alors que Nostradamus avait dédié son
almanach pour 1563 à François Fabrice de Serbellon- à cela près que
cet almanach pour 1563 comporte une vignette alors que le vrai
almanach de Nostradamus n’en comporte pas, celle-ci étant réservée aux
seules pronostications, ce qui cessera d’ailleurs d’être le cas dans
les almanachs pour 1565, 1566 et 1567. Nous ignorons ce qu’il en est
pour l’almanach pour 1564, non conservé. Etrangement, la vignette de
l’almanach anglais pour 1563 n’est pas identique à celle de l’almanach
français parisien. On peut supposer qu’il a du exister une autre
impression française avec cette vignette, absente d’ailleurs de
l’almanach anglais pour 1562.
Nous pensons, par ailleurs, que cette épitre à François de Guise est
bel et bien la raison d’être de ce faux almanach, au vu du contexte
politique de l’époque. Le duc de Guise est assassiné le 23 février
1563, donc peu après la parution du dit almanach. L’année 1562 avait
été très mouvementée. Le duc était un adversaire acharné des
Huguenots. Le Ier mars, le massacre de Wassy eut lieu sur ses terres
de Champagne et cela déclenche la première guerre religion. On voit
donc un almanach de Nostradamus instrumentalisé comme outil de
propagande comme ce sera le cas vingt ans plus tard sous la Ligue,
dans laquelle d’ailleurs un autre Guise s’illustrera et marquera
d’ailleurs un certain nombre de quatrains.
On retrouve donc dans cet almanach anglais comme dans celui de l’année
précédente le quatrain de Septembre s’adressant apparemment à
Nostradamus : A quoi tu t’amuses » mais les vers sont rangés dans un
ordre différent.
A prognostication for the yere of our Lorde God M.D.lxiii composed by
Maister Michel Nostradamus ; translated out of French into English
Londres: s.n, 1563
Birmingham ML Spec.Coll STC1 Bobine 1739:7
7 et Bibl. Henry E. Huntington Library and Art Gallery
Est ce un almanach ou une “vraie” prognostication? On n’a que la page
de titre. Or, nous savons que l’emploi du mot Prognostication, en
anglais, à cette époque, n’est pas aussi codifié que dans la pratique
nostradamique..
An almanack for the yere. M. D. lxiv
Londres Shakespeare Inst, STC1 Bobine 1647:2
Cet almanach comporte des quatrains mensuels que l’on ne retrouve
nulle part dans une autre langue car son équivalent italien ne
comporte pas de quatrains. On note une importance accordée aux Turcs.
Lui fait suite une Pronostication des quatre saisons, prolongée par
toutes sortes de savoirs populaires. On notera cependant que nous
n’avons aucun imprimé en français pour l’année 1564. Celui-ci
comportait une épitre à Charles IX qui nous est restituée par
l’édition italienne. . La seule source française est le Recueil des
Présages Prosaïques- dont le manuscrit est très difficile à déchiffrer.
Or, la partie consacrée aux années 1560 n’a pas été publiée par B.
Chevignard.
An almanacke and prodigious premonstration, made for the yeare of
grace. 1566. By Mi. Nostrodamus, Henry Denham, 1566 British Library.
Avec au titre le quatrain
The God which eche mans visage well doth see, His temple gates to come
for to vnbarre: And Pandores boxe vncouered shall bee, A great thicke
cloude for to dissolue fro[m] farre
Cet almanach comporte en sa page de titre un quatrain, ce qui est
étranger aux pratiques des publications de Nostradamus mais est
pratiqué notamment. Ainsi dans la PROGNOSTICATION, ET AMPLES
Prédictions, pour l'an de Jésus Christ, mil cinq cens soixante-sept.
An Embolismal. A MONSEIGNEUR François Duc d'Alençon. PAR MI DE
NOSTRADAMUS, Paris, Guillaume de Nyverd
avec en page de titre le quatrain
La forte race bazanee Vent ouurir les portes d'arein Mais vne heureuse
destinee Rompe le fil de son vain dessein.
Or, c’est le nom « Mi. Nostradamus » qui figure au titre mais cette
fois pour un almanach. Il s’agit probablement de la traduction d’une
pièce française disparue, dont il ne reste plus que la page de titre
en anglais.. Antoine Crespin Nostradamus utilisera aussi ce procédé[7]
au début des années 1570. On notera- ce qui contribue à une certaine
confusion terminologiqu - que Mi. de Nostradamus publie son almanach
avec prédictions mensuelles sous le titre de PROGNOSTICATION OV
REVOLVTION, Auec les Presages, Pour l'an Mil cinq cens Soixante-cinq.
A Monfeigneur le Duc d'Aniou, tref illustre Prince Royal .Par Mi. de
Nostradamus. Calculée sus l'Orizon de la tres-triumphante,
tres-magnifique, tres-renommée, tres-antique, & Royale Ville de Paris,
Capitale de France.A LYON, Par Benoist Rigaud. Auec Permission.(CF.
B.N.F : RES pV 219 (110 X 180 MM, 8 FF. N.
Mais c’est déjà le cas pour les almanachs pour 1561 et 1562 mais pas
encore en ce qui concerne l’almanach pour 1560. Cela correspond à une
certaine dramatisation du propos de Nostradamus.
ALMANACH, Pour L'an 1561. Composè par Maistre Nostradamus Docteur en
Medicine, de Salon de Craux en Prouence. A PARIS, Par Guillaume le
Noir, Rue S. Iacques : à la Rose blanche Couronnée. Auec Priuilege.
Avec au titre : Le roy roy naif tre du doulx la pernicie, L'an
pestilent les esmeus nubileux, Tien'qui tiendra, des grands non
leticie, Et passera terme des cauilleux.
ALMANACH NOUVEAV, Pour l'An 1562 , Composé par Maistre Michel
Nostradamus, Docteur en Médecine, de Salon de Craux, en Provence.
PARIS, Par Guillaume le Noir, & Iehans Bonfon, lequel almanach
comporte en page de titre le « Quatrain de l'An universel ». Saison
d'hyuer ver bon sain mal esté Pernicieux automne sec froment rare. Du
vin assez mal yeulx faitz moleste Guerre mutins séditieuse tare
The prognostication of the. xij. monethes for this present yeare.
1567.
[Londres STC 18696 on UMI microfilm Folger Shakespeare Inst, Mic. S 61
In stock Con.
Une traduction de l’almanach pour 1567 en dépit du titre
Prognostication qui peut induire en erreur. Pas de quatrains..
L’exemplaire est tronqué : pas de page de titre et début des «
prédictions » au mois de Juin.
Une autre langue jouera un rôle dans la diffusion du nom de
Nostradamus, à savoir le flamand, notamment à partir d’Anvers mais
cela concerne une période plus tardive à l’instar de cet .Almanach
ende prognosticate vanden jare [...] M.D.LXXVII, deerste na tschrickel
jaer [...] ghemaeckt na de elevatie vande Poel sterre boven onsen
horizon [...] opden meridiaeu [!] vanden Nederlanden, aïs Brabant,
Hollat [!], Zeelant, Henegouwe [...] Door den jonghen de Nostradamus
[...], Thantwerpen, Radaeus dr. G. van Parijs verk.
Kortrijk SB. - Belgica Typographica 7728
En revanche, plus au nord, en Hollande, c’est en français qu’on lira
Nostradamus, notamment du fait des impressions de Leyde et d’Amsterdam,
au milieu du XVIIe siècle.
En guise de conclusion, nous dirons que les traductions témoignent de
l’impact du vivant de Nostradamus de ses textes en prose. La part des
quatrains y est dérisoire et marginale et aucune édition des Centuries
n’est attestée pour cette période. Un certain nombre de lacunes sont
comblées : d’une part en ce qui concerne l’almanach pour 1562, dont on
n’a conservé, en tant qu’imprimé, qu’une mouture réduite, d’autre part
pour ce qui est de la première épitre de Nostradamus à Charles IX. Le
cas de la traduction anglaise d’un almanach français pour 1562
comportant des quatrains qui ne sont attestés en français que dans la
Pronostication pour 1555 met en évidence le rôle des publications
parisiennes de Barbe Regnault dans les années 1560, l’influence de Mi.
de Nostradamus semblant également établie. C’est donc autour de 1559
que Michel de Nostradamus aura particulièrement rayonné outre Manche,
laissant ensuite le relais à des sous-produits. A contrario, en Italie
et en Allemagne, c’est bel et bien le message «prophétique » de
Nostradamus qui marquera la décennie 1560, ce qui conduit à des
représentations différentes du personnage..
JHB
03. 10. 12
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[1] CORPUS NOSTRADAMUS 95 -- par Patrice Guinard « Les publications de
l'année 1559 pour l'an 1560 »
[2] Présages de Nostradamus, pp 461 et seq. Nostradamus propose le nom
d’Henripolis à la gloire du roi pour le quatrain de l’année qui sera
celle de sa mort ; « Four lynes upon all the year »
[3] Cf Benazra, RCN, p. 51
[4] CORPUS NOSTRADAMUS 97 -- par Patrice Guinard « L'épître inédite à
Claude de Savoie dans l'Almanach pour l'an 1560 » qui ne signale pas
le cas du duc d’Operta.
[5] Cf Benazra, RCN, p. 59
[6] Voir l’approche de P. Guinard sur le caractère satirique du
quatrain anglais de septembre 1562, qui reprend selon nous une édition
française contrefaite perdue non pour 1555 mais bien pour 1562 CORPUS
NOSTRADAMUS 18 -, « Une contrefaçon anglaise : un almanach Sutton pour
l'an 1562 », voir aussi notre étude « Les pseudo-contrefaçons des
nostradamologue »s
[7] Cf Benazra, RCN, pp. 94 95
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127 - Le corpus nostradamiques au prisme des conventions numériques
des années 1550-1560
Par Jacques Halbronn
En France, de nos jours, nous ne prononçons pas correctement les
mentions indiquant les chiffres ordinaux, ce qui nous distingue de nos
voisins britanniques tant pour les jours de la semaine que pour les
prénoms. Cela tient au non respect de la ponctuation, du signe
diacritique qu’est le point placé après un chiffre. Ce point convertit
le cardinal en ordinal, le un en premier, le deux en second et ainsi
de suite. L’étude des prénoms sera indissociable de ce facteur,
notamment pour ce qui est documents antidatés, contrefaits, ignorant
des pratiques qui sont par la suite tombées en désuétude. Les années
sont toutes suivies d’un point, ce qui implique de lire « 1568. « ,
non pas mil cinq cents cinquante huit mais l’an miil cinq cents
cinquante huitiéme (de l’ère chrétienne). Rares sont les libraires qui
ne respecteront pas cette régle, y compris au XVIIe siècle. L’absence
de point ne serait-elle pas le signe d’une contrefaçon ?
I La numérotation des quatrains et des centuries
Cette erreur est due notamment au fait qu’une convention existait
autrefois consistant à placer un point après un chiffre pour indiquer
son caractère ordinal et non plus cardinal. Dans le cas des Centuries,
on doit lire sur la page de titre du second volet non pas Centuries
huit, neuf, dix, mais centuries huitième, neuvième, dixième puisqu’il
est écrit : VIII. IX. X., ces points n’étant pas des ponctuations, car
il faudrait des virgules qui manquent en l’occurrence. Dans les
éditions datées de 1555 et 1557, on trouve centurie première, centurie
seconde etc. En revanche, dans les éditions de 1558, on a les chiffres
romains suivis d’un point, ce qui fait qu’on doit prononcer ces
chiffres sur un mode ordinal et non point cardinal. On devrait donc
dire Centurie huitième, quatrain douzième par exemple et non centurie
huit, quatrain 12. On notera que les éditions 1568, placent un point
après chaque numéro de quatrain, ce qui ne nous semble pas avoir été
signalé jusque là. En revanche, dans l’édition Macé Bonhomme 1555,
impossible de trouver un point après chaque numéro de quatrain. Dans
l’édition Du Rosne 1557 Budapest, les numéros des centuries, en haut
de page, sont suivis d’un point mais ce n’est pas le cas des numéros
des quatrains. En revanche, l’édition de Rouen 1589 est en régle au
regard des points, tant pour les centuries que pour les quatrains. En
fait même les années devaient être lues sur un mode ordinal comme
c’est le cas pour 1557 Utrecht ou pour Rigaud 1568, où l’année est bel
et bien suivie d’un point car c’est telle année de l’ère chrétienne.
C’est aussi le cas de l’édition Pierre Chevillot, au XVIIe siècle, qui
n’omet aucun point. Il faudrait donc lire l’an mil cinq cent cinquante
septiéme, l’an mil cinq cens soixante huitiéme etc Dans l’édition 1557
Utrecht, les numéros de centuries en haut de page sont suivis du point
« ordinal » mais pas les numéros des quatrains. Idem pour Rousseau
1590..Dans les éditions Macé Bonhome 1555, les numéros des quatrains
ne sont pas suivis d’un point. Pas de points non plus pour les
quatrains des éditions parisienne de la Ligue. On a donc toute une
signalisation à décrire qui a été totalement négligée par les
bibliographes du corpus Nostradamus, de Chomarat à Guinard. On peut
considérer que l’absence de point conduit à une datation plus tardive
même si, a contrario, le respect d’une telle convention n’est pas
concluant car l’on peut avoir affaire à des faussaires
particulièrement avertis
On est frappé par le fait que les éditions Benoist Rigaud respectent
remarquanblement les codes numériques. Mais les éditions troyennes
Pierre Du Ruau sont tout aussi impeccables de ce point de vue là ;
Quant à la Première Face du Janus François, elle respecte
scrupuleusement les conventions numériques pour les Centuries comme
pour les Quatrains.
A ce stade de notre étude, que conclure ? On observe qu’un strict
respect des conventions numériques est à noter dans un corpus
constitué du Janud Gallicus, des éditions Rigaud, des éditions de
Troyes. En revanche, l’éditon Cahors 1590 ne respecte les points en ce
qui concerne les quatrains et nous pensons que certaines contrefaçons
en dérivent : Macé Bonhomme 1555, Antoine du Rosne 1557 Budapest
etUtrecht qui ne respectent pas les codes « ordinaux » pour les
quatrains.
II Le cas des numérotations de prénoms
Dans le cas de la numérotation cardinale des prénoms, il ne suffit pas
de placer un point après le prénom mais aussi de faire suivre cet
élément de la forme « de ce nom ». Signalons IV 54 « Du nom qui
oncques ne fut au Roy Gaulois ». Ainsi devrait-on dire Henri second de
ce nom, comme dans les Présages Merveilleux pour 1557, ce qui n’est
pas le cas des éditons 1568 Rigaud, ce que ne reléve pas Patrice
Guinard..On a donc deux niveaux possible d’omission : absence du point
et absence de la mention « de ce nom ».
Prenons le cas de l’Epitre de Chavigny à Dornano, rajoutée à la fin de
la Première Face du Janus François. Henrici IIII. Christianiss.
Franciae et Navarrae Regis Benigna Fata. Il faut lire Henricus Quartus.
On a là une abréviation.
On notera que la version française qui fait pendant à la latine et qui
la précéde est plus ancienne :
De l’Advénement à la Couronne de France de (…) Henry de Bourbon, Roy
de Navarre.
Le Béarnais n’y est pas encore signalé comme Roy de France, ce qui
montre que le Janus Gallicus est constitué de strates successives,
correspondant à une évolution de la situation politique sur le
terrain. Notons cependant qu l’épitre de Chavigny placée en tête de
l’ensemble s’adresse à « Henry IIII. Roy de France et de Navarre »,
sans préciser « de ce nom » après IIII. L’usage semble avoir décliné
sous Henri III, ce qui explique que les contrefaçons ne le respectent
pas..
Les exemples abondent de l’emploi de la double convention : chiffre
plus « de ce nom » comme dans l’Almanach de Nostradamus pour 1565 avec
une épitre ainsi adressée « A tres chrestien Roy Charles IX. de ce nom
» ( RCN p 65)
Pierre de Ronsard dédie ses Odes ainsi : Les odes de P. Ronsard,
gentilhomme Vandomois, au Roy Henry II de ce nom
Donnons un autre exemple de la façon dont on désigne Henri II de son
temps lors du Traité du Cateau Cambrési, en 1559 à la veille de sa
mort:
La Paix, Faicte entre Treshaults & Trespuissants Princes Henry II. de
ce nom, Treschrestien Roy de France, & Philippe Roy d'Espagne
trescatholique, les Roy & Royne d'Escosse, Daulphin, & la Royne
d'Angleterre.
Si l’on observe les pages de titre des traductions italiennes de
l’almanach de Nostradamus dédié au Pape, on trouve « Alla Santita di
papa Pio IIII. Di questo nome », soit Pie IV. de ce nom.
Cette pratique se prolongera au XVIIe siècle, chez les Montmorency
Relation de la fin qu'a faict Henry II du nom, duc de Montmorency et
Damuville ["sic"], premier baron, pair, admiral et maréchal de France,
chevalier des Ordres du Roi, etc., gouverneur et lieutenant général
pour Sa Majesté au pays de Languedoc, comte de Dammartin et vicomte de
Melun, etc., baron, etc., de L'Isle-Adam, etc., de Chantilly, etc., le
30 octobre, à deux heures après midy, à Tolose, l'an 1632...:
Que conclure à ce stade ? On n’a retrouvé aucune édition comportant la
forme « Henri II. de ce nom » ou « Henri Second de ce nom » alors que
la forme est largement attestée en dehors du champ nostradamique et
même en son sein, pour les Présages Merveilleux. : « Henri deuxième de
ce nom »
Cela nous conduit à penser que l’épitre à Henri II datée de 1558 que
l’on connait, en tête des centuries est tardive. Elle doit
correspondre à un temps où une telle convention tombe en désuétude,
Cela serait déjà le cas à la fin du règne de Charles IX.
Edict et declaration faicte par le Roy Charles IX de ce nom : sur des
troubles de ce Royaume (1563)
Abel Jouan. Recueil et discours du voyage du roy Charles IX. de ce nom
à, present regnant, : accompagné des choses dignes de memoire faictes
en chacun endroit faisant son dit voyage en ses païs & prouinces de
Champaigne, Bourgoigne, Daulphiné, Prouence, Languedoc, Gascoigne,
Baiõne, & plusieurs autres lieux, suyuant son retour depuis son
partement de Paris iusques à son retour audit lieu, és annees
M.D.LXIIII. & LXV, Lyon, Benoist Rigaud, 1567.
1573 :
EPISTRE ENVOYEE A M. CRESPIN NOSTRADAMVS, SEIGNEUR DE HAVTE VILLE,
Docteur & Conseiller, Astrologue ordinaire du grand Roy & Empereur de
France, Et de la Ducheffe de Sauoye, & de l'Admirai dudit Royaume :
Par les six Philofosophes d'Egipte, & l'Astrologue du grand Seigneur
de Constantinople (…) Dédié audit grand Roy Empereur de France,
Charles IX. Et aux Autheurs des disputations Souphistiques de ce
Ciecle.
A Vienne, Par Nicolas Martin. 1573. BNF. : V 21371
Mais on trouve encore pour Henri IV :
Discours de la joyeuse et triomphante entree de tres-haut, tres-puissant
et tres.magnanime. Prince Henry IIII de ce nom, ...
Il semble, en tout cas, exclu que la forme « Henri Second » non suivie
« de ce nom » ait pu exister en 1558 et plus généralement du vivant de
Nostradamus.
On connait le point du M. placé devant le nom de Nostradamus et qui
peut soit signifier Michel soit Maître. Nous avons gardé cette
habitude des initiales suivies d’un point pour les prénoms. Revenons
en conclusion sur le cas des éditons Antoine du Rosne. En effet, si
l’on prend les éditions des Centuries, censées parues chez ce libraire/imprimeur
lyonnais, on note que l’édition 1557 conservée à Utrecht comporte une
date suivie d’un point alors que celle conservée à Budapest n’en
comporte pas et pas davantage d’ailleurs, les deux éditions de la
Paraphrase de Galien (1557 et 1558), dans la traduction de Nostradamus,
n’en comportent pas. Mais pas davantage la Pronostication de Jean
Scanners pour 1558. Ou plutôt, il y a un point après le libellé de
l’année en toutes lettres mais pas après les chiffres.[1] ; Un sondage
nous montre qu’Antoine du Rosne respectait les points des années comme
pour cette épitre catholique de A. Cathalan, parue chez ce libraire en
1562. Nous dirons que si la présence du point n’est pas significative
et ne saurait suffire en soi à prouver quelque authenticité mais tout
au plus un certain soin apporté par des faussaires, en revanche,
l’absence du point nous semble rédhibitoire et cela vaudrait donc pour
les éditions de la Paraphrase, non pas que celle-ci n’ait pas
existé-elle est attestée dans la correspondance manuscrite- mais pas
sous la forme des impressions qui nous sont parvenues et qui portent
les mêmes vignettes que les éditions centuriques parues chez Du Rosne
et dont nous savons pertinemment que ce sont des faux antidatés.. Dans
ce cas, la vignette des fausses éditions centuriques aurait été
initiée, au début des années 1560 à Paris dans les faux almanachs et
les fausses pronostications de Nostradamus publiés par Barbe Regnault
qui auraient servi sous la Ligue, par mégarde, à la réalisation des
contrefaçons par des personnes peu averties des contrefaçons des
précédentes décennies.
On notera que l’Epitre à Henri IV placée en tête du Janus Gallicus
(1594) comporte seulement « Henri IIII. Roy de France », - à
rapprocher de « Henry Second Roy de France » ce qui indique que
l’usage de faire suivre par « de ce nom » se perdait, ce qui
expliquerait les carences des contrefaçons à ce sujet. Ce serait
l’épitre de 1594 qui aurait, qui sait ?, servi à produire l’épitre
datée de 1558
JHB
13. 10. 12
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[1] Cf Catalogue Librairie Th . Scheler « Nostradamus en son siècle »
2010
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128 - Les avatars de l’Epitre de Nostradamus à Henri II
Par Jacques Halbronn
L’épitre à Henri II est mentionnée deux fois avant les années 1590.
Une fois, en 1558, chez Barbe Regnault, dans le Monstre d’Abus par La
Daguenière, une autre par Crespin. Dans le premier cas, c’est
manifestement la version de 1556, dans l’autre, la date de juin 1558
est signalée en toutes lettres et chiffres mais s’agit il bien du
texte qui nous est conservé dans le canon centurique ou bien d’une
autre mouture ? Rappelons que nous disposons de deux versions de la
dite Epitre de 1558, celle longue que tout le monde connait et une
sensiblement plus courte- et vraisemblablement antérieure, recueillie
par le libraire lyonnais Antoine Besson et imprimée au début des
années 1690. En outre, la façon dont Antoine Crespin évoque, à deux
reprises et dans les mêmes termes la dite Epitre de juin 1558 nous
interpelle.
« & si tu ne veux croire à ladicte conjonction de Saturne à Jupiter ,
que sera audict an 1583. Regarde à une Prophétie qui est faicte le
XXVII. Iour de Iuin 1558 à Lyon, desdiée au feu Henry grand Roy &
Empereur de France, l’Autheur de laquelle Prophétie est mort & décédé
» (Epitre à la Reine Mère (Catherine de Médicis) par Crespin
Archidamus Lyon 1573, chez Benoist Rigaud) & Epitre envoyée à M.
Crespin Nostradamus », la même année[1])
En effet, force est de constater que l’Epitre à Henri II que nous
trouvons en tête des trois dernières centuries n’aborde pas de front
cette question. Certes y trouve-t-on mention de l’an 1585 mais on n’y
découvre ni le nom de Jupiter, ni celui de Saturne. En revanche, il
existe un quatrain I, 16 qui n’appartient même pas au second voler.
« Faulx à l’estang (sic estaing, métal de Jupiter) ioinct vers le
Sagittaire », ce qui correspond à l’an 1603, soit à la conjonction
faisant suite à celle de 1583, située à la frontière des Poissons et
du Bélier. C’est le passage de la série des conjonctions en signes
d’eau à celle des conjonctions en signes de feu, chaque série devant
durer environ 200 ans et la conjonction se situant à cheval sur le
dernier et le premier signe du zodiaque étant le point de départ d’un
cycle de plus de 800 ans.(4x 200, 4 triplicités ou triangles, les
conjonctions se faisant en trigone d’une fois sur l’autre). Ce sont là
des « révolutions » en ce sens que les deux planétes reviennent à leur
situation conjonctionnelle initiale, mais dans des signes différents à
chaque fois./ On notera d’ailleurs que dans l’Epitre à Henri II ; à
côté de l’an 1585 figure l’an 1606, ce qui restitue grosso modo le
passage d’une conjonction à la suivante, avec une certaine
approximation pouvant être due à une erreur de lecture pour les
derniers chiffras des deux dates., L’une de ces deux dates aura, selon
nous, été surajoutée, si l’on en juge par l’édition de Cahors qui
précède celle de Benoist Rigaud et de ses fils, mieux toilettée..
Il reste que l’on ne peut que s’étonnait du peu de développements
astrologico-astronomiques en rapport avec ces échéances qui ne
s’expliquent que par les configurations planétaires, sur lesquelles se
plaque un discours prophétique à caractère antéchristique, comme en
témoigne ce passage de l’Epitre au Roi :
« tant que mon calcul astronomique & autre scavoir s’a peu (sic pour «
se peut » ) entendre, où les adversaires de JC & de son Eglise
commenceront plus fort de pulluler » qui reprend une thématique chère
à Nostradamus à partir de sa production paraissant en 1560 mais qui
n’est pas encore en œuvre en 1558, date de la dite épitre.
Si l’on compare l «épitre à Henri II aux publications de Crespin, on
est frappé par le fait que Crespin fournit des développements
autrement substantiels concernant ces conjonctions. Par ailleurs, il
nous semble que Nostradamus visait surtout les années 1560 et la
conjonction précédente dans le signe d’eau du cancer. L’almanach pour
1562, dédié à Pie IV, notamment par ce qui nous en est parvenu par le
truchement des traductions italiennes en témoigne amplement. Mais cela
vaut aussi pour le Pronosticon en allemand pour l’an 1560, issu de
l’almanach de Nostradamus pour cette même année..
On notera qu’en 1590, paraitra chez Pierre Mesnier, un des libraires
parisiens impliqués dans la publication parisienne des centuries, sous
le nom d’Antoine Crespin, une Prophétie Merveilleuse mentionnera en
son titre une situation qui est justement celle des années 1580 : « ce
qui s’est ja passé soubs le regne du grand Empereur Charlemaigne &
maintenant se prépare à nous donner un Siècle & Triangle nouveau », en
masquant le fait que la conjonction a déjà eu lieu.
Selon nous, les épitres à Henri IV dont nous disposons ne faisaient
qu’introduire des développements qui ne leur font pas suite, comme
dans le cas de ce qui s’est passé pour l’Epitre à Pie IV en 1561,
laquelle aurait du être suivie d’une substantielle « Préface » qui ne
nous est conservée qu’en manuscrit, du moins en français, mais dont
une partie significative parut bel et bien en toscan, peu après, sous
divers intitulés....
L’Epitre que nous a conservée Besson est assez éclairante sur ce
point, il est clair qu’elle ne se suffit pas à elle-même. Quand
Crespin mentionne cette épitre, il y inclut ce qui lui fait suite et
qui n’est évidemment pas des centuries de quatrains. Si l’on songe à
un projet initiale de 9 centuries, sur le modèle du Memorabilium de
Mizauld, on arrive à près de 1000 modules prophétiques « je voudrais
consacrer ces miennes premières Prophéties & divinations parachevant
la milliade »
Nostradamus- si tant est que ce soit lui- résume ainsi son entreprise
: » j’ay consacré le chetif présent de mes nocturnes & prophetiques
supputations astronomiques, correspondant aux ans, mois, semaines &
jours (…) pour les événemens & singularitez obstruses qui écloront
dans leur tems fixé »
Quand on se reporte sur l’Epitre « longue », il est clair que l’on
tente de donner l’impression que ce texte se suffit à lui-même, qu’il
ne manque rien d’où la mention de l’échéance de 1585 (avec 1606
surajouté) qui ne figure pas dans l’Epitre « courte ». Il est possible
que l’on ait intégré au sein de l’Epitre des éléments figurant dans le
corps du texte qui suivait la « courte » Epitre, notamment avec ses
généalogies bibliques. De tels montages peuvent d’ailleurs être
observé en Italie, en ce qui concerne cette fois l’épitre de 1561 où
la partie « exposé » est présentée comme étant celle de l’épitre. La
dite adresse au pape sera ensuite requalifiée au profit d’un certain «
duc d’Orléans ».
Le parallèle donc, entre les deux épitres au Roi (1558) et au Pape
(1561) nous semble assez flagrant mais nous pensons que c’est l’épitre
au Roi qui a été calquée sur l’Epitre au pape et donc antidatée car sa
tonalité ne nous parait pas en adéquation avec ce qu’écrit Nostradamus
en 1558, d’où un certain nombre d’anachronismes, comme d’oublier que
l’on doit écrire « Henry second de ce nom », comme on le fait pour Pie
quatrième (en abrégé IIII.) de ce nom ». En outre, faut-il rappeler
que Nostradamus avait déjà adressé au roi une épitre datée du début de
1’an 1556, en tête de ses présages Merveilleux pour 1557, ouvrage au
demeurant dépourvu de tout quatrain, qu’il s’adresse à lui, dès la
page de titre comme « Henri, deuxième de ce nom » et qu’il ne prend
même pas la peine de rappeler qu’il s’est déjà adressé au souverain
deux ans plus tôt. Par comparaison, quand Nostradamus adresse sa
seconde épitre à Charles IX, dans son almanach pour 1565, d’une part
il indique bien Charles neuvième (en abrégé IX.) de ce nom et d’autre
part, il signale qu’il s’adresse à lui pour la seconde fois,
Nostradamus s’étant adressé au roi dans l’almanach pour 1564, dont
nous avons la traduction dans un imprimé italien.....On peut
d’ailleurs penser que les deux épitres successives à Charles IX ont pu
inspirer le scénario de deux épitres successives à son père Henri II
mais quelques maladresses ont été commises dans l’exécution. Dans ce
cas, la seconde épitre à Henri II, aurait été produite, en tant que
publication posthume, éventuellement assurée par un Nostradamus le
Jeune, autour de 1571, d’où la mention qu’en fait Crespin, quelques
années plus tard, en 1572/73.. La raison d’être de ce subterfuge nous
semble assez évidente, à savoir reporter l’échéance astro-prophétique
d’une vingtaine d’années, des années 1560 aux années 1580 en laissant
entendre que Nostradamus avait vu les choses ainsi dès 1558/ Bien
évidemment, par la suite, c’est une Epitre à Henri II, sous une forme
réaménagée (cf supra) qui figurera en tête des centuries VIII-X. avec
d’ailleurs, à nouveau, une nouvelle échéance, celle de 1606, une fois
les années 1580 passées. Mais cette fois, l’Epitre se suffit à
elle-même et les centuries qui lui font suite ne correspondent guère
au programme détaillé annoncé. Antoine Crespin sera un adepte de ces
Epitres prophétiques, qui constituent un tout par elles-mêmes, et qui
remplacent le modèle qui était celui d’une Epitre suivie d’une «
Préface », comme dans le cas de l’almanach pour 1562. Ce genre était
d’ailleurs assez hybride puisque cette épitre n’en était pas moins
inscrite au sein d’un almanach pour une année donnée, dont les
prédictions constituaient une sorte de second volet pour une année
donnée. Or, quand nous observons l’Epitre à Henri II, on a
l’impression que l’on a affaire, par certains côtés, à un almanach
pour une année donnée, d’où une série de positions planétaires/
Ne lit-on pas dans cette Epitre condensant à la fois une préface
prophétique et les prédictions d’almanach pour une année donnée, un
passage comme celui là :: »Saturne qui tournera entrer ) sept du moys
d’Avril iusques au 21. d’aoust Jupiter à 14. de Iuin iusques au 7.
d’Octobre (…) Saturne en Capricorne, Iupiter en Aquarius, Mars en
Scorpio (….) l’année sera pacifique sans eclipse » . Mais le lecteur
ne se voit pas fournir l’indication de l’année, probablement parce que
cette information allait de soi si l’ouvrage était voué à cette année..
On a l’impression que l’on a recopié des données d’un almanach un peu
n’importe comment. Or, il s’agit de positions astrales correspondant à
l’année 1606. Il semble qu’elles aient été ajoutées avec la mention de
1606 à côté de celle de 1585. On notera qu’en 1603, paraissait une
Nouvelle Prophétie de M. Michel Nostradamus qui n’ont iamais esté
veues, n’y imprimées que en ceste présente année. Dédié au Roy, Paris,
Sylvestre Moreau, ne comportant que les Centuries VIII –X et l’épitre
à Henri II de 1558 (« Lettre au Roy de France »). Selon nous, le titre
Prophétie désigne l’Epitre à Henri II et non les centuries qui n’en
constituent qu’une annexe et qui étaient déjà parues précédemment et
commentées, pour certaines d’entre elles, dans la Première Face du
Janus François.(1594).
Est-ce à dire que cette épitre à Henri II ne serait parue qu’au début
du XVIIe siècle ? Rappelons que Chavigny est toujours en activité,
qu’en 1603, il publie chez Pierre Rigaud les Pléiades qui sont en
partie articulées sur le Recueil des Présages Prosaïques. Il ne nous
souvient pas d’avoir rencontré la moindre mention de l’épitre à Henri
II – après la mention crespinienne de 1573- en dehors du canon
centurique alors que Chavigny cite la Préface à César à la fin du
Brief Discours sur la Vie de M. Michel de Nostredame, l’Epitre
centurique à Henri II citant également la dite préface..L’épitre à
Henri IV datée de 1605, en tête des sixains, ne mentionne pas
davantage la dite Epitre.
Nous pensons donc que l’Epitre à Henri II ne va entrer dans le canon
centurique qu’à la fin du règne d’Henri IV. On va l’intercaler, assez
laborieusement entre la centurie VII et la centurie VIII.
On nous objectera que l’on connait un certain nombre d’éditions des
Centuries avec l’Epitre à Henri II dès les années 1590. Le dossier de
ces éditions est des plus fragiles, en vérité. Au départ, il a du
exister des éditions non datées comportant les 10 centuries en deux
volets, avec la seule Préface à César, qui n’ont pas été conservées.
On notera que les titres de ces éditions ne comportent jamais « Au Roi
» comme il se devrait, ayant gardé selon nous le titre d’origine et
comme le fait l’édition de 1603 comportant, pour la première fois, la
dite Epitre. Par la suite, le second volet fut doté de cette Epitre à
Henri II. avec la mention «trois Centuries du restant de mes
Prophéties parachevant la Miliade »- on comparera avec la version
courte Besson. Les éditions Pierre Rigaud sont les premières à avoir
intégré cette Epitre, parallèlement à la parution des Pléiades. Cela
constitue un diptyque souligné par la similitude des adresses. »à
Lyon, rue Mercière au coin de la rue Ferrandière » .Les éditions sans
date et sans adresse, « Benoist Rigaud » et « Héritiers Benoist Rigaud
» auront été réalisées dans la foulée..Quant au second volet de
l’édition Jaques Rousseau, le fait qu’il porte comme le premier
mention de l’année 1590, ne semble guère réaliste puisqu’il comporte
un quatrain VIII, 86 qui n’a pu avoir été composé qu’en 1593 ou 1594,
juste avant ou après le couronnement d’Henri IV en la cathédrale de
Chartres. Il est cependant fort possible que l’édition de Cahors ait
précédé celle de Pierre Rigaud car elle comporte une juxtaposition des
années 1585/1606 qui sera ensuite remaniée plus élégamment en « mesmes
de l’année 1585. & de l’année 1606 ». En ce qui concerne l’activité de
Rousseau, Jaques Rousseau aurait cessé ses activités vers 1597, comme
Benoist Rigaud, mais son fils, Claude, prendra la succession, puis la
veuve de celui-ci et cela continuera, dans la famille, jusqu’en 1656.
Une dynastie de libraires comme celle des Rigauds.
Signalons qu’en 1595 paraissait à Anvers, en flamand des publications
situant Nostradamus à Cahors dans le Quercy [2]:
M. Michiel Nostradamus, Docteur Inder Medicine van Salon vâ Craux in
Provence, Medicin van de Conincliche ..... door Meester Michiel
Nostredamus Doctoor van Cahors in Quercy. T'HANTWERPEN. Gedruct by
Gheleyn Janssens, 1595.
Een overzicht van titels met betrekking tot Nostradamus, uitgegeven
... Door M. Michiel Nostredamus / Doctoor van Cathors in Quercy.
Antwerpen. 1595 ... ende Duytslant door Meester Michiel Nostredamus
Doctoor van Cahors in Quercy.
Selon nous, l’épitre à Henri II serait parue dans le cadre d’un
almanach pour 1606, conçu sur le modèle de l’almanach pour 1562, dédié
au Pape Pie IV, d’où les mentions détaillées et quelque peu incongrues
relativs à cette année. Si l’on regarde par exemple en annexe de
l’almanach de Nostradamus pour 1557, l’on trouve une description des
rétrogradations tout à fait comparable à celle incluse dans l’Epitre à
Henri II sous le titre ‘Les rétrogradations des planétes ou le
mouvement des globes célestes », sans mention d’année. C’est dire que
cette épitre à Henri II est une compilation assez incohérente de
pièces, à la façon d’ailleurs d’un quatrain résumant un peu n’importe
comment quelque présage en prose. Nous avons affaire à une sorte de
condensé combinant trois volets en un seul l’épitre (cf la version
Besson), la « Préface »,et les Prédictions de l’almanach.
JHB
01/ 10. 12
[1] J. Halbronn, Documents Inexploités sur le phénoméne Nostradamus,
Ed Ramkat, 2002
[2] Cf www.nostradamusresearch.org/.../1566-almpro-nl.
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129 - Une version facétieuse des Significations de l’Eclipse de
1559
Par Jacques Halbronn
Il ne faut pas, dit-on, jeter le bébé avec l’eau du bain. Une
contrefaçon peut cacher un texte authentique, d’autant qu’elle n’en
est souvent qu’une imitation. Nous disposons pour les Significations
de l’Eclipse d’un texte placé dans le Recueil des Présages Prosaïques,
ce qui vaut aussi pour la Pronostication pour 1555 qui reléve, on le
verra, d’un même traitement. Nous envisagerons ici tous les cas de
figure. C’est ainsi qu’au cours de cette étude, nous serons conduits à
nous interroger sur l’éventualité selon laquelle Nostradamus ne se
serait finalement jamais adressé à Henri II mais uniquement à son
épouse, Catherine de Médicis, dont on connait le vif intérêt pour
l’occultisme. Seul l’almanach pour 1557 adressé à la reine serait
authentique alors que les Présages Merveilleux adressés au roi
seraient un faux paru peu après. Ce texte est au demeurant absent du
Recueil des Présages Prosaïques du moins jusqu’on y ajoute des
éléments puisés chez un adversaire de Nostradamus. On peut lire en
effet au Livre Second du dit Recueil pour l’année 1557 : « D’un autre
présage sur la mesme année qui ne se trouve point, dédié à la Magesté
du Roy Tres Chrestien. Passages sugillez et calomnieux par un des
haineux de l’auteur pour ne les avoir entendus et retirez d’un sien
livre imprimé à Paris 1558’[1]
Dans cette attaque contre Nostradamus figurant étrangement dans un
ouvrage supposé être de Nostradamus, on relévera une référence à
Boccace. « que tu as prins de Boccace dedans la généalogie des dieux
ou il parle des poétiques narrations » (cf Chevignard, Présages, p.
457.) Or, dans l’almanach pour 1563( Avignon, Pierre Roux,
réimpression p. 57), on trouve une référence à « Jean Boccace (…) à la
préface de son Décaméron que fut 1348’
Comment concevoir donc que Nostradamus lui-même s’en soit pris à ses
Présages Merveilleux, en plein milieu de ces Significations de
l’éclipse qui sera le 26. septembre 1559.[2]
L’étude d’une éclipse constitue un troisième volet, par rapport à
l’almanach et à la pronostication. Chacun de ces volets s’articule sur
des données astronomiques différentes. Le cas des « significations de
l’éclipse » est spécifique en ce que chaque année n’est pas
systématiquement marquée par une éclipse et que celle-ci correspond à
une réalité astronomique objective alors que les thèmes mensuels ou
saisonniers correspondent à une certaine représentation plus
astrologique qu’astronomique du ciel.
L’Eclipse constitue donc comme le formule d’ailleurs le Recueil des
Présages Prosaïques un troisième « traité » ou « volet » qui vient
apporter une dimension supplémentaire en certaines années.
Normalement, le thème de l’éclipse devrait figurer, ce n’est pas le
cas dans l’imprimé. Torné Chavigny a montré (cf sa lettre à Raoul de
Tricqueville de 1879[3]) que le texte est repris de l’Eclipsium de
Cyprian Leovitius.
Si l’on compare le manuscrit du Recueil de Présages Prosaïques à
l’imprimé, paru à Paris, chez Guillaume Le Noir - on ne dispose ni de
l’almanach ni de la pronostication pour 1559, sinon par le biais de
traductions anglaises qui ne reprennent pas d’ailleurs les
Significations de l’Eclipse- à moins que l’imprimé anglais en ait été
perdu-- - on note inévitablement que l’imprimé est sensiblement
augmenté par rapport au manuscrit que nous connaissons. Il y a eu une
considérable interpolation qui prend un tour très polémique et
personnel qui n’existe pas dans le manuscrit. Cette digression se
ponctue d’ailleurs assez vainement d’un « Or retournons à noz moutons
» qui sera repris par Pagnol, dans Topaze.
Cela dit, le manuscrit ne prétend pas être complet puisqu’il
s’intitule, concernant cette pièce : « Extrait d’un IIIe Traité
contenant plus amples déclaration de l’éclipse de Lune apparue le
16.septembre 1559». (on ne trouve pas le point après le 16 ni après le
1559 dans l’édition Chevignard 1999 qui ne les reprend pas d’une façon
générale- mais bien dans l’imprimé). Peut être Chavigny croyait-il lui
même que le manuscrit était issu de l’imprimé, ce qui serait assez
surprenant, avouons-le, s’il ne faisait qu’un avec Jean de Chevigny
qui devait être au fait des choses. Nous pensons au contraire que
l’imprimé amplifie le manuscrit. L’on peut penser que Nostradamus ait
jugé bon in extremis de joindre une diatribe contre ses adversaires,
ce qui apparait d’ailleurs au titre « Avec une sommaire responce à ses
detracteurs »
Après cette digression, l’imprimé retrouve in fine le texte du
manuscrit. Mais la composition de ce texte absent du manuscrit en
réponse à ses détracteurs est assez étonnante puisqu’à un moment donné
l’auteur s’en prend à quelqu’un en ironisant sur ses présages
merveilleux, ce qui laisserait à supposer que Nostradamus n’en serait
pas l’auteur.
« Mais scais-tu que tu seras philosophe avec tes pronostique que tu
dis estre merveilleux. Vrayment pour un tel gallophe que tu es, tu
debvais bien mettre merveilleux » Dans le Recueil de présages
prosaïques (cf Chevignard, op. cit. p. 283), il est au vrai fait
référence, on l’a dit, à ‘un « autre présage sur la mesme année qui ne
se trouve point, dédié à la Magesté du Roy Tres Chrestien ». Dans ce
cas, il est évident que le manuscrit est dérivé d’un imprimé mais
c’est l’exception qui confirme la règle. On sait que La Daguenière (Le
Monstre d’abus, Paris, Barbe Regnault, 1558) cite des passages d’une
telle épitre de Nostradamus au Roi mais il n’en donne pas le titre et
il n’est pas certain, pour autant, qu’il ne s’agit pas d’une
contrefaçon.
Il nous semble en tout cas que Nostradamus n’utilise pas le mot «
merveilleux » dans sa production, en dehors, précisément, des dits
Présages Merveilleux pour 1557. Le terme sera employé en revanche en
1567, après sa mort, par Mi. de Nostradamus.(cf Benazra , RCN, p.. 90
La page de titre des Présages Merveilleux pourrait avoir été calquée
sur celle de l’Almanach de Nostradamus pour 1557. La disposition en
est extrêmement proche quand on place les deux titres en vis-à-vis.
Certes, le privilège du Roy énumère-t-il « les Almanachz, Presages &
Pronostications de maistre Michel de Nostradamus (..) pour l’an mil
cinq cens cinquante sept » mais cela peut viser l’almanach qui
comporte des présages « Item la déclaration lunaire de chacun moys
présageant les choses advenir en ladite Année », formule qui figure
sur la page de titre de l’Almanach pour 1557.
Le Privilège, d’ailleurs, ne se réfère par la suite et à trois
reprises qu’aux «Almanachz & prognostications » .
Ces « présages merveilleux » ne sont rien d’autres que les présages ou
prédictions de l’almanach pour 1557, avec l’étude des lunes, nouvelles
lunes etc pour chaque mois, sans les quatrains qui de toute façon se
placent au sein du calendrier et non au sein des présages. La
présentation du Recueil des Présages Prosaïques peut à ce propos
induire en erreur puisque l’éditeur a placé les quatrains en tête des
présages mensuels en prose, ce qui ne correspond pas à l’imprimé. Mais
peut être en était-il effectivement ainsi dans le brouillon.
Si l’on compare l’Almanach et les Présages, ces derniers s’articulent
sur les mêmes données astronomiques. L’almanach emploie le mot «
Déclaration » pour interpréter les configurations mensuelles. Chaque
déclaration se place à la suite de chaque mois du calendrier. Ce n’est
que plus tard (on pense à l’almanach pour 1562, celui pour 1561 étant
en piètre état) que l’on assistera à une division entre calendrier et
présages avec entre les deux une épitre. Pour l’heure, l’épitre se
trouve tout en tête de l’almanach. En fait, nous n’avons pas d’autre
exemple imprimé d’almanach en français que celui pour 1557 pour les
années 1550.
Nous avons un doute sérieux quant à l’authenticité de ces Présages
Merveilleux et donc on peut se demander si Nostradamus s’est jamais
adressé publiquement à Henri II. D’ailleurs, rappelons que la
Pronostication pour 1557 est adressée à Catherine de Médicis. L’idée
d’adresser une épitre à son royal époux a pu en dériver. A contrario,
il nous semble assez incongru que Nostradamus ait pu s’adresser
parallèlement aux deux époux royaux, ce même 13 janvier 1556.
En fait, comme on l’a déjà signalé, les Présages adressés au Roi nous
semblent et bien calqués sur l’Almanach. A l’épitre à la Reine fait
pendant l’épitre au Roi. A l’étude des mois de l’année 1557 de
l’almanach fait pendant celle des mêmes mois pour la même année des
Présages Merveilleux. Ce sont des pièces jumelles, à ce détail près
que. si l’on examine les privilèges, on note que celui invoqué pour
les Présages est daté du 13 octobre 1556 alors que celui invoqué pour
l’Almanach et pour la Pronostication est du 14 octobre.
Ajoutons que si la visite de Nostradamus à la Cour eut lieu en 1555,
on voit mal pourquoi Nostradamus aurait attendu aussi longtemps pour
remercier le roi par une épitre, ce dont d’ailleurs l’épitre
contrefaite tente de s’expliquer. Quant à la thèse d’une seconde
épitre à Henri II, en juin 1558, ne se référant même pas à la première
tout en étant calquée sur elle, il s’agit bien évidemment d’un cas de
figure assez classique d’un faux constitué à partir d’un autre faux
comme ce sera le cas pour l’utilisation des vignettes Barbe Regnault
pour décorer les contrefaçons de 1555 et 1557.
Si l’on examine l’Epitre à « Catherine de France », dont a une
traduction italienne par ailleurs, on note que Nostradamus ne se
référe aucunement à son voyage à la Cour, probablement parce qu’il a
déjà eu, entre temps, l’occasion de s’adresser à la reine à ce sujet,
On ne voit donc pas pourquoi le même jour, il aurait évoqué ce voyage
dans une épitre au Roi. Nostradamus. Quand il écrit « Par les presages
& par le present Almanach est amplement déclarée la constitution de la
présente année », il se référe en fait à la Pronostication (adressée à
Antoine de Bourbon) qui sera publiée un peu plus tard et au présent
almanach. Dans l’épitre au Roi de Navarre, Nostradamus écrit le 21
mars 1556 étrangement : « Combien que plus amplement je l’aye déclaré
en l’almanach avec les prédictions que j’ay consacré au plus grand des
Roys ». Or l’almanach, on l’a vu, est adressé non pas à Henri II mais
à son épouse, comme si Nostradamus avait initialement caressé un tel
projet avant de préférer s’adresser à la princesse italienne. Dans les
« déclarations » pour le mois de juin, il mentionne le roi par une
anagramme, celui du « grand CHYREN »
.. Dans l’imprimé de la Pronostication pour 1555, il y a un
développement consacré spécifiquement à la France, que l’on retrouve
dans le Recueil des Présages Prosaïques, il est question à propos du «
sang troyen » d’un HENRICUS CAESAR GERMANICUS AUGUSTUS [4] ce qui
réfère nous semble-t-il à Henri II et à un avenir impérial qui avait
déjà obnubilé son père, François Ier face à Charles Quint. Cela aurait
pu être une des raisons de l’invitation de Nostradamus à la Cour en
1555.
Nostradamus ne refuse pas au demeurant l’emploi de l’adjectif «
merveilleux » : dans l’épitre à la Reine, il parle de « l’année
merveilleuse LVIII. & encore quelque chose de l’année LIX. qui sera
l’année de la paix universelle ». Ce passage est fort proche de
l’épitre liminaire du manuscrit de l’almanach pour 1557 ; «ces
présages contiennent une partie de ceux qui appartiennent à celle qui
suit & encore quelque chose de 1559 qui sera l’année de la paix
universelle etc » [5] . On notera aussi que le second titre du Recueil
des Présages Prosaïques : « se peut dire à la vérité Les Merveilles de
nostre temps »
Nostradamus annonce, toujours dans cette épitre liminaire, qu’il a en
vue de publier des « Présages » pour couvrir la période allant
jusqu’en 1559 précisant cependant « mais ce sera pour un autre temps &
loisir ». Cette épitre liminaire sans dédicataire dans le manuscrit,
ce qui prouve bien que c’est bien l’imprimé qui reprend le manuscrit
et non l’inverse se retrouve littéralement dans l’épitre à la Reine,
placée en tête de l’almanach pour 1557. En fait, Nostradamus repousse
la publication de certains de ses travaux : « La carte ( comprendre
ici la place) ne seroit suffisante pour en recevoir les discours qui
s’en peuvent faire mais ce sera pour un autre temps & loisir ». En
fait, aucune des pièces qui nous sont conservées pour 1557 ne couvre
cette période de 1558 et 1559 et certainement pas les Présages
Merveilleux qui se concentrent sur les seuls mois de 1557. Dans la
Pronostication pour 1558, dans son épitre à Guillaume de Gadagne,
Nostradamus revint sur ce projet : il promet, s’il est encouragé de
prendre « peine vous consacrer œuvre qui ne sera d’un an « il semble
que l’idée d’une publication qui couvre plusieurs années ait couvé un
certain temps et qu’elle ait été repoussée. On peut dire qu’avec les
Significations de l’Eclipse de 1559 laquelle fera sa maligne extension
inclusivement iusques à l’an 1560, Nostradamus se sera rapproché d’un
tel objectif ( son épitre à J. M. Sala est datée du 14 aout 1558) [6].
Mais le véritable chef d’œuvre sera l’Epitre à Pie IV de 1561 qui
pousse jusqu’en 1570 dans la partie « Préface » qui l’accompagne.
C’est alors que Nostradamus passera à une autre dimension.
Mais une comparaison avec le cas de la Pronostication pour 1555 ,nous
semble décisive et devoir mettre fin à certains questionnements. En
définitive, nous pensons que nous nous trouvons en face d’une
interpolation. Les Significations ont bien été publiées sous la forme
qui est celle du Recueil des Présages Prosaïques. Ce n’est pas
Nostradamus qui in extremis aurait rajouté une diatribe ou bien cett
diatribe elle-même aura été elle-même interpolée pour inclure un
développement s’en prenant à ses Présages Merveilleux pour 1557 dont
nous pensons qu’ils furent et bien publiés [7] formant un triptyque
avec l’almanach et la pronostication. Le « A quoy tu t’amuses » du
quatrain de septembre 1555 a ici son pendant : « ‘sais-tu que tu seras
philosophe avec tes tes Pronostique (sic) que tu dis estre merveilleux
». Voilà donc un complément à situer dans le même corpus que ceux
étudiés par Olivier Millet, dans « Feux croisés sur Nostradamus »
(1987) et qui comporte les Prophéties du Seigneur du Pavillon, ouvrage
lui-même interpolé en incluant un passage contre Nostradamus qui n’y
figurait pas initialement, au stade du manuscrit (cf la liste dressée
par le neveu d’Antoine Couillard, à la fin des Antiquitez &
Singularitez) et dont l’édition que nous connaissons est posthume et
donc bien postérieure à 1556, ce qui explique d’ailleurs qu’elle fasse
écho à la Préface à César, mais aussi, dans les années 1550 le Monstre
d’abus de La Daguenière, paru, chez Barbe Regnault, en recourant en
son titre à des passages de la Guide des Chemins de France de Charles
Estienne, et qui précisément s’en prend aux Présages Merveilleux et à
l’Epitre à Henri II (cf supra) ou la Déclaration des abus ignorances
et seditions de Michel Nostradamus. Le comble, c’est que de tels
détournements sont certes susceptibles, on l’a vu, de jeter quelque
suspicion sur certains textes du à Nostradamus ; c’est ce qui
conduisit notamment un Giffré de Réchac , dans son Eclaircissement des
véritables quatrains de Nostradamus (1656) à ne pas retenir, au cours
de son approche critique, les publications de Nostradamus en dehors
des Centuries, à commencer par les quatrains des almanachs.[8].
JHB
08 10.12
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[1] Cf B. Chevignard, Présages de Nostradamus, Paris, Seuil 1999, p ;
283
[2] Sur les Significations, cf CORPUS NOSTRADAMUS 74 -- par Patrice
Guinard « Les publications de l'année 1558 pour l'an 1559 « qui ne
remarque pas que les attaques de Nostradamus sont en fait dirigées
contre lui.
[3] Cf Chevignard, Présages de Nostradaus, op. cit p.446
[4] (cf Chevignard, Présages de Nostradamus, op. cit. p. 245
[5] (cf Chevignard, op. cit, p. 268
[6] cf Chevignard, op. cit. p. 447
[7] Cf nos Documents inexploités sur le phénoméne Nostradamus, Ed
Ramkat 2002
[8] Voir Jean Giffré de Réchac et la naissance de la critique
nostradamique au XVIIe siècle, sur propheties.it |
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130 - La source de la centurisation des quatrains de Nostradamus
Par Jacques Halbronn
Une des toutes premières apparitions du mot « centurie » dans la
production nostradamique semble se situer dans les Significations de
l’Eclipse de 1559
« Les Roys, princes et monarques, tant temporels que spirituels & les
souverains seigneurs de la terre devroient adviser que cecy a la
religion Chrestienne p. infideles de la loy, menasse quelque cas que
tel autre & beaucoup plus sinistre & calamiteux adviendra l’an 1605
que combien que le terme soit fort long, ce nonobstant les effects de
cestuy ne seront gueres dissemblables à celuy d’icelle année, comme
plus amplement est déclaré à l’interprétation de la seconde centurie
de mes Prophéties ». On retrouve là une terminologie typique des
almanachs de Nostradamus des années 1560. L’almanach de Nostradamus
pour 1561 mentionne ainsi l’an 1607« « la pénitence en sortira mais
bien tard en l’an 1607, guere dissemblable à ce que fut 1504 »
. Mais quid, enfin, de ces « centuries de mes prophéties » ? Cela fait
20 ans que nous avions signalé ce passage à Pierre Brind’amour comme
étant un des très rares éléments susceptibles d’étayer la thèse de
parution des centuries du vivant de Nostradamus avec l’épitre de Jean
de Chevigny à Larcher (en tête de Dorat, L’Androgyn né à Paris le 21
juillet 1570, , Lyon Michel Jove, 1570, Bib. Arsenal) pour une
parution posthume, avec mention également du mot « centurie » mais
dans ce second cas, il semble avéré qu’il s’agisse d’une contrefaçon
postérieure à la parution en 1586 des Poematia de Jean Dorat...
Donc, que penser de cette mention dans cette contrefaçon des années
1560 qui singe le style déclamatoire du dernier Nostradamus ? En tout
état de cause, celui qui écrit n’a pas inventé de toutes pièces cette
formule, il a du l’emprunter à Nostradamus lui-même. Mais comme le
note Chavigny, en 1589, en marge, personne n’a connaissance d’une
telle « déclaration » sur les Centuries de prophéties dont Nostradamus
serait l’auteur. Notons d’abord que le mot « prophéties » ne désigne
nullement de façon certaine les « Centuries » au sens de série de
quatrains mais probablement plutôt des textes en prose, ce qui est
évoqué dans la Préface à César, texte qui, en dépit de certaines
retouches (date, destinataire etc) reste une pièce importante, comme
une sorte d’avenant au testament de 1566 : « espérant toy déclarer une
chacune prophétie » . On notera que Nostradamus ne prononce jamais le
mot « quatrain » si ce n’est dans ces dernières lignes, selon nous,
retouchées, de la dite Préface/. Sur la fin de sa vie, il est clair
que Nostradamus – on a vu quelle avait été son évolution dans ce sens-
n’avait pas de problème à employer le mot « prophétie » au sens fort
du terme, ce qu’il n’aurait pas fait dix ans plus tôt, en 1555. D’où
des formules de la dernière page de la Préface « que la plupart de mes
prophéties seront accomplies’ et viendront estre par accomplissement
révolues », - lire lors que- et « comme plus à plain j’ay rédigé par
escript aux miennes prophéties qui sont composées tout au long », la
forme « aux miennes prophéties » pouvant se référer à un commentaire
de celles-ci. On notera ce passage de la Prognostication pour 1555 : «
la prophétie de Jesus Christ sera bien accomplie » pour noter
l’enflure du discours nostradamique « la plupart de mes prophéties
seront accomplies »
Donc tout le problème réside dans l’usage du mot « centurie » . Nous
pensons qu’il faut aller chercher la réponse du côté d’un autre
médecin astrologue fort connu notamment en Allemagne, Antoine Mizauld
(1510-1578), de Montluçon [1][2] installé à Paris, auteur, dès les
années 1550, d’Ephémérides mais aussi d’un recueil d’aphorismes
médicaux, le . Memorabilium, utilium, ac jucundorum centuriae novem,
in aphorismos arcanorum omnis generis locupletes, perpulchrè digestae.
Paris, Frederic Morel 1566 ,... ( Bib Arsenal 8° S 8994) et 1567 (,
reed 1584, ibidem), ouvrage donc disposé et divisé en neuf centuries.
Il est désigné, en 1584, par Morel comme « Antonii Mizaldi
Memorabilium Centurias IX », les neuf centuries de Mizauld en hommage
aux neuf muses, comme s’en explique le médecin de Montluçon dans son
épitre à Henri d’Angoulême, fils naturel d’Henri II et de Jane Stuart,
fille du roi d’Ecosse Jacques IV, : « ut hasce novem Centurias
Memorabilium ac incundorum, novem Musarum nomine. » . Chavigny, quant
à lui, optera, en 1603, pour un division en sept, celle des Pléiades
On y trouve des textes en prose numérotes de 100, avec une
présentation qui nous semble avoir fortement influencer la mise en
pages des Prophéties, le nom de l’auteur étant repris pour chaque
centurie.
Antonii Mizaldi Monluciani Memorabilium Centuria I.
Propheties De M. Nostradamus Centurie Première
On notera aussi que le Recueil des Présages Prosaïques comporte des «
livres » ainsi numérotés. Ajoutons que dans la Première Face du Janus
François, figure un index des versets – Index des choses plus
mémorables/ Index rerum memorabilium qui ressemble fort à celui du
Memorabilium. 1566,
Index rerum praecipuarum qui in singulis Centuriarum Aphorismis
continentur
Cet index du Memorabilium fonctionne centurie par centurie et
paragraphe par paragraphe numéroté.
Index quaternionum ad hanc historiam facientium
c’est l’année du testament et nous pensons que Nostradamus aura opté
pour une telle présentation, comme cela ressort de la Préface à César,
et comme cela aura été repris dans la contrefaçon des Significations
de l’Eclipse..
Ajoutons que le projet de 9 centuries a même pu se former, étant donné
que la centurie VII semble une pièce rapportée, ce qui donne, sans
elle, 9 centuries de 100 quatrains comme chez Mizauld, en résonance
avec les muses..
En outre, le Memorabilium reparait à Paris en 1584, toujours chez
Frederic Morel, et donc serait contemporain de l’émergence du
centurisme nostradamique . On aura compris que le terme centurie ne
désigne aucunement d’office des textes en vers. Il s’agit en fait d’un
découpage de pure commodité- articulé sur un index, qui permet de se
retrouver assez facilement au sein d’un ouvrage, sur le principe de
l’Ancien et du Nouveau testament, divisés en chapitres et en versets.
L’absence d’index dans les éditions centuriques est une lacune que
Chavigny aura tenté de combler au niveau de son commentaire. Rien
n’est plus simple, en vérité, que de diviser un ouvrage en prose en
centuries et les centuries en « articles » numérotés – nous employons
à dessein le terme « article » qui figure pour les additions au titre
des éditions parisiennes de la Ligue, le mot « proposition » étant
également de mise au XVIIe siècle pour désigner de telles subdivisions
numérotées. Que le terme « centurie » soit devenu d’abord une façon de
désigner une série de quatrains voire de sixains puis n’importe quel
quatrain mensuel reléve d’une évolution sémantique témoignant de la
prégnance du prophétisme en France. C’est dire que les explications
cryptographiques, à partir du Testament de 1566 autour des 1085
quatrains de Nostradamus d’un Daniel Ruzo[3], reprises par P. Guinard
semblent quelque peu décalées et notamment l’intégration des 169
quatrains des almanachs au sein du système centurique.
Si les centuries nostradamiques ont pris exemple sur le Memorabilium,
force est de contester que l’ouvrage semble ne pas être paru avant
1566, année de la mort de Nostradamus, par ailleurs. Or, en 1558, a
priori, on ne connaissait pas encore un tel ouvrage, dont il existe
également des éditions latines parues en Allemagne dans les années
1580, notamment à Nuremberg, chez Johann Zigler.
Dans l’article consacré à Mizauld, sur Wikipedia, on lit que « son
ouvrage, composé de 1200 aphorismes, est un mélange de curiosités
naturelles et surnaturelles, au partage de science et de superstition
si typique de ce siècle de transition que fut le XVIe siècle. Contient:
De plantis, herbis, floribus, arboribus, fructibus & ligno (Les
plantes et leurs vertus) / De animalibus (les animaux) / De elementis,
nempe: igne, aere, terra & aqua, variisque liquoribus & astris / De
metallis, mineralibus, aliisque fossilibus / De mulieribus &
Infantibus (Femmes et enfants) / De sensibus & partibus humani
corporis / De morbis, vulneribus & medicamentis (maladies, blessures
et remèdes) / De nutrimento (alimentation) / De artibus & rebus
artificiosis (techniques diverses, teintures, insecticides) / De rebus
quodlibeticis / Il semble donc hors de question que Nostradamus ait pu
en prendre connaissance en 1558, date de l’épitre en tête des
Significations de l’Eclipse. En revanche, l’ouvrage était encore bien
diffusé, en latin, dans les années 1580. Les quatrains ont pu exister
mais comme on le sait par l’édition Rouen 1588 des Grandes et
Merveilleuses Prédictions, les dits quatrains furent d’abord imprimés
sans cadre centurique. C’est tout l’intérêt de trouver des sources que
de permettre de dater les documents au plus tôt. Selon nous
Nostradamus ne se référait nullement dans ce passage à des centuries
de quatrains mais bien à des centuries de textes en prose, ce à quoi
correspond d’ailleurs peu ou prou le Recueil de Présages Prosaïques,
dont chaque livre est divisé en plusieurs centaines de segments dument
numérotés. En 1566, au lendemain de la première parution du
Memorabilium de Mizauld, à Paris, chez F. Morel, Nostradamus aurait
mis la dernière main aux Significations, ouvrage qui ne portait pas
d’ailleurs nécessairement ce nom au départ.[4] mais il peut aussi bien
s’agir d’une interpolation opérée après la mort de Nostradamus avec
une parution au début du siècle suivant conjointement avec l’épitre à
Henri II, les deux épitres étant datées de 1558, à quelques semaines
d’intervalle. Comme pour les Présages Merveilleux pour 1557, il ne
s’agit là que d’une amplification de textes déjà parus pour la même
année, respectivement en 1557 et en 1559. Les deux textes ont en
commun d’évoquer les années 1606 et 1605, ce qui doit correspondre à
peu de choses près à leur date de publication.
JHB
03. 10.12
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[1] sujet de la thèse d’Etat de Jean Dupébe, Paris X, 1999. Dupébe qui
publiera également la correspondance de Nostradamus ne semble pas
avoir établi un quelconque rapport structurel entre les centuries de
Mizauld et celles de Nostradamus.
[2]
[3] Testament de Nostradamus, Ed Rocher, 1982, pp. 43 et seq.
[4] (cf Chevignard, Présages de Nostradamus, p. 376 |
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