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Researches 111-120 |
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111 - Nostradamus et ses Quatrains & (ou) Prophéties |
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HR112 - Le rôle majeur de la production avignonnaise au XVIIIe
siècle |
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113 - Le passage du premier au second volet des Centuries |
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HR 114 - Les quatre temps de la formation du canon à dix
centuries |
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HR 115 - Comment lisait-on les Centuries au XVIe siècle |
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116 - La production nostradamique face au doute (XVIe-XVIIIe
siècles). Imposteurs et impostures. |
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117 - Avatars de l’épitaphe de Nostradamus |
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118 - Nouvelle approche des éditions parisiennes de la Ligue «
Garde toy bien qu’en ton pays ne vienne/ Il y auroit de terribles
dangers/ En maints contrees, mesme en la Vienne » (Centurie VIII, 6,
Prophéties, Paris, 1588) |
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HR 119 - Les tribulations du nostradamisme au prisme de l’Italie |
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120 - La grande « Préface » oubliée de Nostradamus et l’épitre au
pape Pie IV de 1561 |
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Researches 111-120
111 - Nostradamus et ses Quatrains & (ou) Prophéties
Par Jacques Halbronn
Si le nom de Prophéties a été choisi pour désigner ce qui allait être
connu comme les « Centuries », terme qui au départ a une connotation
plus historique que prophétique, ce n’est probablement pas sans raison
mais connait-on des œuvres de Michel de Nostredame parues de son
vivant sous ce nom, en dehors bien entendu des éditions antidatées des
dites « Centuries » (1555-1560) ? L’article Nostradamus de La Croix du
Maine (1584) emploie ce terme de « prophétie » à propos des œuvres de
Nostradamus et ce sans référence aux centuries dont il semble bien
ignorer totalement- et pour cause- l’existence ?.
La Croix du Maine parle des « quadrins ou prophéties » de Nostradamus,
parus en 1556 et un peu plus haut des «quadrains & prophéties », à
propos du commentaire (inconnu) de Jean Dorat, mais cela ne désigne
–t-il pas plutôt les quatrains des almanachs, bien que l’on ne dispose
pas des quatrains pour cette année 1556. Il faut ajouter à cela, nous
dit-on, les Prophéties d’Antoine Couillard, en cette même année 1556.
Ce qui nous interpelle, à vrai dire, c’est l’importance accordée aux
quatrains. Faut-il d’ailleurs opter pour la forme « Quadrains ou
prophéties » ou pour « Quadrains & Prophéties » ? Nous préférons la
seconde expression car il est clair que les « prophéties » de
Nostadamus ne se réduisent pas à des « quatrains » mais viennent en
sus des quatrains, comme le montre le contenu des almanachs. Bien
plus, ce ne sont pas les quatrains qui tiennent lieu de « prophéties
».
La Croix du Maine cite parmi les œuvres de Nostradamus les Prédictions
pour vingt ans, imprimées chez Guillaume Nyverd en 1567 dont il est
dit qu’il a « imprimé plusieurs de ses prophéties, conjointement («
ensemble ») avec Jaques Kerver & autres qui ont imprimé ses almanachs
& Prognostications » . On sait que Kerver a publié en 1566 l’almanach
ainsi que la Prognostication pour 1557 et également les Présages
Merveilleux pour cette même année.[1]
La Croix du Maine semble avoir pris le pli de désigner par le mot «
Prophéties » les diverses activités prédictives de Nostradamus. Mais
on notera aussi qu’il mentionne une édition des Prédictions pour 20
ans parue chez Nyverd que Benazra reléve, à partir justement de
l’article de La Croix du Maine en notant » L’auteur est sans doute «
Michel Nostradamus le jeune » en se référant à l’édition de Rouen
Brenouzer 1568. Il est possible en tout cas qu’avant l’édition de
Rouen ait existé une édition de Paris, l’année précédente. La Croix du
Maine, en tout cas, pense que ce « Nostradamus le Jeune » est bien,
selon ses propres termes, le fils de Michel de Nostredame puisque à la
suite de la notice du père on nous fournit celle du fils. dont il dit
qu’ il a publié un « almanach ou Prophéties de l’an 1568 » à Paris et
« autres lieux ». Une fois de plus le mot Prophéties apparait dans une
combinatoire encore différente. Il est vrai que l’on connait une
Prophétie ou Révolution Merveilleuse (…) par Mi. de Nostradamus «
depuis l’an présent iusques en l’an de grande mortalité 1568 » ( Lyon,
Michel Jove,, 1567), ce qui montre bien que le mot Prophétie est
employé en dehors de toute référence « centurique ».[2] Mais selon
nous, ce Mi. de Nostradamus ne saurait être confondu avec Nostradamus
le Jeune ou Mi. de Nostradamus le Jeune. Dans la Pronostication pour
1567, comme le note Jean Dupébe[3], ce Mi. de Nostradamus reconnait
être un disciple de Michel de Nostredame mais ne plus souhaiter
poursuivre, à présent que celui-ci est décédé, ce qui nous a conduit à
penser qu’il continuera sous le nom de Florent de Crox.
Nostradamus le Jeune, selon nous, ne compose pas d’almanach mais se
contente de publier des textes de son père, en 1567 et 1568, et par la
suite en 1571 : il s’agit toujours du même ouvrage posthume. Le fait
que les « Prédictions » - c’est le terme utilisé - commencent en 1564
n’a rien pour nous surprendre puisque par définition ce qui est
posthume est composé (sinon publié) du vivant de l’auteur.
Rappelons qu’en 1588, vingt ans plus tard, les « centuries paraitront
à Rouen puis à Anvers sous le titre de « Grandes et Merveilleuses
Prédictions de M. Michel Nostradamus » mais cette fois avec un contenu
« centurique » alors qu’à Paris, paraissent, avec un contenu du même
ordre les « Prophéties de M. Michel Nostradamus », ce qui montre que
le titre est indifférent. En 1571, les Prédictions étaient parues sous
le nom de Présages, autant de synonymes interchangeables.
Ce qui ressort de l’article de La Croix du Maine, c’est que les
quatrains sont bien un élément essentiel de la production
nostradamique, ce qui nous explique précisément pourquoi les Centuries
seront constituées de quatrains. On peut même penser que l’article de
la Bibliothèque de La Croix du Maine a pu directement inspirer les
faussaires, qui ont d’ailleurs probablement commis un contre-sens en
considérant que quatrain et prophétie étaient synonymes, ce qui
ressort de l’intitulé du premier volet des « Centuries » : « Les
Prophéties de M. Michel Nostradamus dont il en y a trois cents qui
n’ont encores iamais esté imprimées ». Or ce volume comporte
exclusivement des quatrains, en dehors de la Préface à César. Trois
cents prophéties correspondent ici bel et bien à 300 quatrains. On a
vu plus haut que La Croix du Maine emploie la formule « Prophéties ou
Quatrains » qui semble avoir inspiré la formulation de la page de
titre du premier volet, laquelle formulation figure dès 1589 au titre
de l’édition de Rouen, Raphaël du Petit Val, et Anvers 1590 St Jaure,
à sept centuries. La même faute de français est commise dans l’édition
Antoine du Rosne (1557, Budapest et Utrecht) : « dont il en y a », ce
qui sera corrigé chez Rousseau, 1590 et Rigaud.
Tout se passe comme si les faussaires étaient partis sur cette base
erronée à savoir que Michel de Nostradamus aurait de son vivant publié
des recueils de quatrains. L’article Nostradamus de la Bibliothèque de
Du Verdier entérinera cette version des choses : « Dix Centuries de
Prophéties par quatrains » mais cette fois le mot « Centurie »
apparait. On est passé de l’article de La Croix du Maine qui génère un
malentendu à partir d’une production qui ne comporte jamais
exclusivement des quatrains mais qui n’en est pas moins caractérisée
par ce couple « quatrains/prophétie « à un concept de Prophéties
intégralement constituées de quatrains, en précisant que l’article de
Du Verdier ne paraitra qu’après sa mort, entre 1605 et 1610, soit
après la publication des deux volets de centuries qui n’eut pas lieu
avant le début des années 1590. (Cahors, J. Rousseau)
Si l’on examine la liste des ouvrages comportant le nom de Nostradamus
suivi de Le Jeune, , nous trouvons les Prédictions des choses plus
mémorables depuis cette présente année [1572] iusques à l’an 1585,
Troyes, C. Garnier, qui ne mentionnent même pas le nom de Nostradamus
ni même sa bibliothèque, en tant qu’auteur, En revanche, au même
moment, à Paris, le même Nostradamus le Jeune publie un ouvrage censé
avoir été trouvé dans la bibliothèque de son père.
Ces deux ouvrages obéissent au même principe de prédictions ou
présages « an par an ». Dans les deux cas, le texte est censé être une
compilation de différents auteurs, nommé dans un cas et point dans
l’autre !
A « prinse tant de (…) que du….. & autres »
-B « recueillies de divers autheurs & trouvées en la bibliothèque de
défunct maistre Michel de Nostredame »
En 1575, Nostradamus le Jeune est signalé comme le compilateur des
Annotations de plusieurs revelations et prophéties extraictes de
divers livres, Venise, Sgr de Castavino.
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On connait enfin une réédition parue vers 1569, chez Guillaume de
Nyverd : Bastiment de plusieurs receptes, pour faire diverses Senteurs
& lavemens pour l'embellissement de la face & conservation du corps en
son entier : Aussi de plusieurs Confitures liquides, et aultres
Receptes secretes et desirées non encore veües. Avec la formule
suivante : "ces deux Opuscules, jadis composez par nostre predecesseur
maistre Michel de Nostre Dame" P. Guinard signale[4] que « le portrait
au titre du dit Nostradamus le Jeune est celui apposé au titre des
Predictions pour vingt ans du même (Rouen, Pierre Hubault, vers 1569),
Ce Nostradamus le Jeune ne semble avoir rien publié qui ne soit une
réédition ou une compilation, à la différence de Mi. de Nostradamus
avec lequel certaines bibliographes comme Benazra[5] le confondent
allégrement. Le seul texte de Nostradamus qu’il publie est la
réédition du Traité des fardements et confitures, qui date de 1552,
traité dont il reconnait d’ailleurs qu’il ne s’agit que d’une
réédition de son « prédecesseur «, sinon il semble qu’il s’agisse de
documents se trouvant éventuellement dans la bibliothèque de son père,
ce qui pose le problème du testament et de la biographie de
Nostradamus, sur lesquels nous ne reviendrons pas ici.
Benazra rapppelle dans un développement sur Dorat [6] dont traite La
Croix du Maine dans son article sur Nostradamus que le fait que Dorat
ait été un interprète de toutes sortes d’oracles se retrouve dans
l’épitre de Jean de Chevigny à Larcher, en tête de l’Androgyn de Dorat
(M. Jove, 1570). Selon nous, cette épitre date au plus tôt de 1586
(date de la parution des Poematia de Durat comportant le texte du
poéte sur l’Androgyn) donc serait postérieure à l’article de La Croix
du Maine et l’on peut penser que c’est plutôt le texte de La Croix du
Maine qui aurait inspiré la rédaction de la dite épitre. On notera que
Du Verdier, dans sa Bibliothèque cite cette fausse édition de 1570, ce
qui n’est pas concevble si l’on admet que cet ouvrage date de 1585..
La présence d’un quatrain référencé selon sa centurie dans la dit
épitre nous situe cette contrefaçon au lendemain de la parution des
quatre premières centuries.
Pource donc que luy mesme [Dorat] confesse qu’il a profité & allegue
les carmes d’un Prophete, qui fut Monsieur de Nostradame (auquel en
son vivant ay esté fort familier & ami, & duquel j’ay encores riere
moy tous les œuvres tant en oraison prose que tournee, que bien tost
je mettray en lumière) je vous en ay bien voulu donner ce contentement.
C’est le quatrain quarante cinquieme de sa seconde Centurie
prophetique, où il dit ainsi,
Trop le ciel pleure. Androgyn procreé
Pres de ce ciel sang humain respandu.
Par mort trop tarde grand peuple recreé.
Tard & tost vient le secours attendu.”
On notera que la première attestation de la présende de quatrains
centuriques (extraits des seules quatre premières centuries) figure
dans l’almanach pour 1587 d’Himbert de Billy (cf BNF Gallica).
C’est à ce moment là qu’un basculement s’opére et que les « quatrains
» ; sur la base d’une lecture biaisée de l’article Nostradamus de La
Croix du Maine, au lieu de n’être qu’une addition aux « prophéties »
le & plutôt que le « ou ») de Nostradamus en deviennent la substance
même, au prix de la fabrication ou de la récupération de quelques
centaines. Et ce n’était là qu’un début puisque début des années 1590,
on en arrivera à près d’un miillier, par vagues successives...Mais
cette substitution n’aura au départ que des effets limités puisque
Chavigny, dans le Janus Gallicus, accorde encore aux quatrains des
almanachs la part du lion dans son commentaire historique et que
Cormopéde, comme l’a noté Benazra recycle[7] , avec la bénédiction de
Chavigny, dans son Almanach des Almanachs, pour 1592, 1593 et 1594,
paraissant chez Benoist Rigaud, divers quatrains des almanachs de
Nostradamus, sans trop se soucier de la parution des premières
éditions, non conservées, des Centuries.(à partir de
1586-1587)...Quant au mot centurie, il n’entre dans le champ
prophétique que vers 1586 et probablement d’abord chez himbert de
Billy avant de passer chez le pseudo-Nostradamus. Par là nous
n’entendons pas Nostradamus le Jeune, qui selon nous, avait un réel
lien familial avec Michel de Nostredame mais ce Nostradamus auteur
prétendu de Centuries de quatrains.
En ce qui concerne Antoine Couillard, on notera qu’il n’est pas oublié
par les deux Bibliothèques de La Croix du Maine et de Du Verdier.
C’est au sein même de l’article Nostradamus que La croix du Maine cite
les Contreditz à Nostradamus de 1560 chez L’Angelier. Il ne cite pas
en revanche les Prophéties du Seigneur du Pavilon (alias Couillard)
qui reprennent des éléments de la Préface à César mais qui
initialement sont un ouvrage sur les prophéties au sens biblique du
terme (cf liste Muireau à la fin des Antiquitez et singularitez du dit
Couillard). D’ailleurs, la notice Nostradamus de Du Verdier cite les
Prophéties du dit Pavillon sans pour autant se référer à Nostradamus.
Nous pensons que cet ouvrage est une contrefaçon parue au moment des
premières centuries et qu’il ne date nullement de 1556. D’ailleurs il
y est précisé que l’auteur est mort alors que l’on connait une épitre
du dit Couillard datant de 1573. Rappelons que la notice de Du Verdier
concernant Nostradamus comporte un passage sur un recueil couvrant les
années 1550-1567 à l’évidence repris du « Brief Discours de la Vie de
M. Michel de Nostredame » (Janus Gallicus 1594)
L’article Nostradamus dans la Croix du Maine (1584) aura, selon nous,
joué un rôle clef dans la programmation des Prophéties de quatrains
attribuées à Nostradamus On aura voulu créer une suite à la production
du dit Nostradamus. Si les premiers quatrains allaient de 1555
jusqu’en 1567, comme le note Chavigny, il était logique que l’année
suivante, 1568, .il y eut une nouveau train de « prophéties » pour un
certain nombre d’années.. Mais là encore, il y a une mauvaise lecture,
Chavigny ne dit pas que l’on a en 1555 publié des quatrains pour une
série d’années mais que ceux-ci ont été recueillis non sans peine, ce
qui explique que manque l’année 1556, ce qui ne ferait guère sens si
tout avait été composé d’un seul bloc à l’instar de Prédictions pour
20 ans –(1567) publiées par les soins de Nostradamus le Jeune et dont
il est question dans l’article Nostradamus de La Croix du Maine.
L’existence même de ces séries étalées sur 20 ans explique que l’on
ait cru qu’il en avait été de même pour les quatrains des prophéties (ou
almanachs).
En fait, il nous semble que l’on se trouve en face d’une formulation
assez inhabituelle qui qualifie de « prophéties » tout ce qui traite
peu ou prou du futur, sous les appellations les plus diverses :
almanachs, prédictions, présages, pronostications, sans que le terme
lui-même ait nécessairement désigné un genre particulier. D’où la
tentation de produire des documents portant justement le titre de «
prophétie » et d’y mettre un contenu spécifique à savoir des séries de
quatrains. Paradoxalement, le mot « prophétie » ne désigne pas des
quatrains mais des textes en prose éventuellement accompagnés de
quatrains. Il aura suffit d’un article de la Bibliothèque de La Croix
du Maine où, selon nous, par erreur, l’on a écrit « Quatrains ou
Prophéties »- au lieu de « Quatrains & Prophéties « pour que l’on
puisse considérer que chaque quatrain pouvait être une prophétie. Le
quatrain qui était un élément annexe – la cerise sur le gâteau- est
devenu prédominant.
JHB
07. 09. 11
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[1] Cf Documents inexploités sur le phénoméne Nostradamus, Ed Ramkat,
2002
[2] Cf planche in M. Chomarat, Bibliograhie Nostradamus, p 55
[3] Nostradamus. Lettres inédites, Droz, Géneve, 1983
[4] CORPUS NOSTRADAMUS 9 – « Le Traité des Fardements et des
Confitures «
[5] « Les imposteurs et pièces apocryphes sur Nostradamus » Espacz
Nostradamus
[6] cf RCN, p..96
[7] ,(RCN, p. 129) |
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HR112 - Le rôle majeur de la production avignonnaise au XVIIIe
siècle
Par Jacques Halbronn
Nous voudrions montrer que l’affaire de l’édition Pierre Rigaud 1566
produite à Avignon, au XVIIIe siècle pourrait n’être que le sommet de
l’iceberg. Précédemment, nous avions envisagé que l’ensemble des
éditions Benoist Rigaud 1568 datait lui aussi de ce siècle et ce sont
d’ailleurs ces deux documents qui seront à la base des travaux d’un
Torné Chavigny au siècle suivant. Rappelons que Le Roux déclare en
1710 ne jamais avoir mis la main sur une édition Rigaud 1568 dont les
éditions troyennes du XVIIe siècle (Du Ruau) ne cessèrent d’évoquer et
d’invoquer l’existence. Mais, d’autres observations nous conduisent à
élargir notre champ, d’une part vers la production des Grandes et
Merveilleuses Prédictions, laquelle se réfère à une publication
avignonnaise d’origine- ce dont Ruzo a traité à sa manière dans le
Testament de Nostradamus et de l’autre le dossier Antoine Crespin qui
comporte certaines zone d’ombre, un Crespin apparemment concerné par
ce qui se passe en Avignon...
I Les Grandes
et Merveilleuses Prédictions
Rappelons qu’à la fin de cette série, il est fait
référence à une édition Pierre Roux
Avignon 1555. On ne trouve certes une telle mention que dans
l’exemplaire
d’Anvers, F. Sainct Jaure, 1590 mais tout invite à penser que la même
mention
devait figurer dans la même série, pour Rouen 1588 et 1589, si ce
n’est que
dans le premier cas, le document est introuvable et dans le second, le
seul
exemplaire conservé est tronqué sur le cahier final.
On notera qu’au XVIIe siècle, il est fait référence
sur les pages de titre de la série Vrayes Centuries et Prophéties à
des éditions 1556 et 1558 mais pas à une
édition 1555. Reste bien évidemment le cas de Macé Bonhomme 1555 mais
toute la
question est justement de savoir quand cette contrefaçon a été
confectionnée et
à quelle date la dite contrefaçon a été confirmée. Le temps n’est plus
en effet, en 2012, à débattre du fait qu’il y a eu contrefaçon
ou non mais de quand cela date..
Pourquoi, au vrai, y aurait-il eu au même moment des
éditions portant le nom de Prophéties et d’autres celui de Grandes et
Merveilleuses Prédictions ? Cela fait désordre. Si l’on compare le
contenu
de ces deux séries, le décalage est considérable. En 1588, on trouve
une
édition parisienne qui en est encore à terminer la centurie VI, à
évoquer un
rajout au milieu de la Centurie IV, embourbée dans la formation d’une
centurie
VII récupérant des quatrains de
l’almanach de Nostradamus pour 1561 et en cette même année 1589 une
édition de Rouen sans marque d’ajout à la
IV, avec une centurie VI à 99 quatrains et une centurie VII ayant
dépassé les
30 quatrains. L’édition parisienne des « Prophéties » de la Ligue se
réfère à une édition
augmentée de 1560, celle de Rouen à l’édition Pierre Roux Avignon
1555. :
« Fin des Professies de Nostradamus réimprimées de nouveau sur
l’ancienne
impression imprimée premièrement en
Avignon, par Pierre Roux, Imprimeur du Légat en l’an mil cinq cens
cinquante
cinq. Avec privilège du dit Seigneur »
Si l’on met de côté la série Grandes et
Merveilleuses Prédictions, en la plaçant au XVIIe voire au XVIIIe
siècle, la
formation du premier volet se présente sous un jour quelque peu
différent.
On serait amené à supposer une édition manquante
faisant interface entre Paris 1589
Pierre Mesnier et Cahors 1590 Jaques
Rousseau, à 40 quatrains à la VIIe centurie. Cette édition manquante,
c’est justement celle que reprend la
contrefaçon avignonnaise Anvers 1590
mais aussi la contrefaçon Lyon Antoine
du Rosne 1557 (Budapest) à 40 quatrains à la VII, sans l’avertissement
latin ni
le quatrain VI 100. On a pu observer que les contrefaçons permettent
de restituer des chaînons
manquants ou tout simplement sont bel et bien les chainons manquants.
D’ailleurs, on note que les Grandes et Merveilleuses Prédictions
comportent la
même coquille au titre que Du Rosne 1557 : « dont il en y a «
au lieu de « dont il y en a », ce qui nous conduit à penser que du
Rosne 1557 a servi à
fabriquer Rouen 1589 et si ce n’est pas
cette édition, c’est en tout cas une
édition très proche avec quelques quatrains en moins à la VII. (Anvers
a 35
quatrains à la VII).
On notera aussi le cas de l’édition Rouen, Pierre
Valentin, sous le titre Les Centuries et
Merveilleuses Prédictions » qui se terminent également par « Fin des
Centuries et merveilleuses Prédictions de Maistre Michel Nostradamus
de nouveau
imprimées sur l’ancienne impression, premièrement imprimées en Avignon,
par
Pierre Roux, Imprimeur du Légat. Avec privilège du dit sieur » Il est
précisé que l’édition de Rouen « iouxte la copie imprimée en Avignon.
1611 ».
En revanche, l’année 1555 n’est pas mentionnée cette fois, à la
différence de
l’édition Anvers 1590 (cf supra). Le mot « prophétie » a cette fois
carrément disparu alors qu’il figurait sur Anvers 1590.
La seule mention de 1555, en dehors de certaines éditions centuriques
se trouve dans
le Petit Discours ou commentaire sur les
Centuries de Maistre MichelNostradamus, imprimées en l’année 1555,
paru en 1620, sans nom de libraire, sur
les seules sept premières centuries[1].
Pourquoi ce changement de titre ? Cela peut
tenir à certaines considérations locales dans les territoires du Pape,
au
XVIIIe siècle. En consultant le répertoire chronologique nostradamique
de
Benazra, on reléve ainsi sur plus de 20
ans( entre 1765- et 1790, date de l’annexion d’Avignon à la France)
une série
intitulée « Nouvelles et curieuses prédictions de Michel
Nostradamus (… ) augmentée de
l’ouverture du Tombeau de Nostradamus «
Salon de Provence. (bib. Amiens) avec une variante « Nouvelles
Pronostications » (dans certains cas) avec le même sous titre
nécrologique
qui rejoint celui de Pierre Rigaud 1566, comportant également
référence à
l’épitaphe. Certes, Salon de Provence n’est pas Avignon mais ce sont
des villes
provençales voisines et surtout le nom de Salon figure dans l’édition
Pierre
Rigaud 1566, tant au titre que sur l’épitaphe.
Par
ailleurs, ce sont des prédictions sur plusieurs années, donc datées.
Il reste
qu’à cette époque il se vendait dans la région des Prédictions de
Nostradamus,
non pas merveilleuses mais curieuses.
II Crespin.
« Roy de Bloys en Avignon régner »
En ce qui concerne le dossier Crespin, on est dans
un scénario posthume en rapport avec Benoist Rigaud 1568 et concernant
les 2
volets. Il semble qu’au XVIIIe siècle,
l’on se soit acheminé vers un scénario mixte : une partie des
centuries
serait dite parue du vivant- celle du premier volet- et une autre
parti après
sa mort, à la façon d’une suite inédite. C’est ainsi que certaines
pièces sont datées de 1569.[2],
selon la permission d’imprimer, même si elles ne paraissent qu’un peu
plus
tard..
Crespin est, nous dit-on, un provençal. Dans la
première pièce qui nous est conservée du moins au regard de la date, à
savoir
la Prognostication avec ses présages pour 1571, Paris, Robert Colombel,
Crespin est présenté comme « M.
Anthoine Crespin dict Nostradamus, de Marseille en provence (…)
Médecin ordinaire de Mgr le Comte de Tande,
Admiral du Levant » Benazra note que « le quatrain du titre est une
combinaison des quatrains (X, 1) et
(VIII, 29), quatrains du second volet. Mais dès les années suivantes,
la
qualité de provençal de Crespin ne figurera plus et l’on passe «
Crespin
Nostradamus » et non plus « dict Nostradamus ». Dans les Prophéties
dédiées à la puissance divine et
à la nation françoise, ce sont des dizaines de lambeaux de quatrains
qui
sont ainsi stockées, issues des seules centuries – aucun emprunt aux
quatrains
des almanachs.
Nous accordons une importance particulière à une
pièce de Crespin visant directement Avignon[3] . Il s’agit de la
Demonstracion de l’Eclipse lamentable du Souleil qui dura le long du
jour de la Sainct
Michel dernier passé 1571 (…) par M. Anthoine Crespin Nostradamus de
Provance (sic) (..) dédié à nostre S. Père le Pape, Paris, Nicolas du
Mont,
1571. Ce texte aborde la question des Juifs d’Avignon et offre un
caractère assez nettement hostile aux Juifs.
On y trouve notamment le verset doublement présent dans le second
volet, « Roy
de Bloys en Avignon regner ».
La production parue sous le nom de Crespin semble
vouloir valider la parution des centuries dans les années 1568 et
suivantes.
Dans deux œuvres différentes, il est fait mention d’une Epitre à Henri
II datée
du 27 juin 1558. « dédiée au feu Henry grand Roy & Empereur de France,
l’autheur de laquelle Prophétie est mort & décédé’. Le mot
‘ »prophétie » désigne ici l’épître en prose et non point quelque
quatrain[4].
On perçoit là un caractère posthume.
On pourrait ajouter au dossier une autre épitre de
1558, cette fois dédiée à J. M. Sala, évêque de Viviers, vice légat
d’Avignon, parue sous le titre de Significations
de l’Eclipse qui sera le 16. septembre 1559, Paris, Guillaume Le Noir
et qui selon nous est une
contrefaçon comportant le mot « centurie » terme qui n’est pas entré
en usage dans le champ des prédictions avant 1586. ..L’épitre est
datée du 14 août 1558, donc peu après la
date de l’Epitre à Henri II. Il faudrait
aussi considérer le cas de l’édition contrefaite Michel Jove 1570, de
l’Androgyn de Dorat,
comportant le mot centurie et le texte d’un quatrain dans l’Epître de
Jean de Chevigny adressée à
Mgr L’Archer. On notera que le nom de
L’Archer, superintendant pour le Roy sur
la justice de Lyon figure sur le privilège daté du 21 mai 1571,
accordé à A. Crespin
Nostradamus[5] (Démonstracion d’une Comette, Lyon, Iean Marcorelle,
1571). Chavigny connait bien
les œuvres de Dorat, dont il traite notamment dans son épitre sur l’ »Advenement
à la Couronne » placé à la fin du Janus. On y trouve mentionné l’ «
Epithalame de Dorat sur le mariage d’Anne duc de Joyeuse & M. Marie de
Lorraine au 4. livre de ses Poémes ».
Toute cette production datée des années 1570 vient ainsi accompagner l’édition lyonnaise Benoist Rigaud 1568 et aussi
Pierre
Rigaud 1566. Il semble que Crespin exista d’abord réellement sous le
surnom – c’est le cas de le dire- de
Crespin Archidamus, dont le nom figure à partir de 1574 dans des
publications couvrant plusieurs années
de suite et ne comportant pas d’épitres adressées à des grands. C’est
ainsi qu’on le nomme en 1585 et 1586
pour ses Prognostications Astronomiques pour cinq/six ans. Sous la
forme Crespin Nostradamus, en revanche, il semble que l’on ait affaire
à des
contrefaçons du XVIIIe siècle. .[6].
On signalera notamment cette publication
de Archidamus, parue chez Benoist Rigaud, en 1578, comportant pour
vignette
un motif qui sera repris pour l’édition Benoist Rigaud 1558. : Au Roy.
Epistre et aux autheurs
de disputation sophistique[7]
La vignette avec le nom d’ Archidamus en blason,
calquée sur celle des Pronostications de
Nostradamus, avec en blason M. de Nostre Dame, est retouchée en
Nostradamus et non l’inverse. Ce sont les premières
éditions qui sont antidatées et les
dernières qui sont authentiques, comme dans le cas des éditions
centuriques...Crespin
Archidamus se présente comme Sieur de Hauteville, qualité qui n’est
pas
associée à Crespin Nostradamus.
Il n’y aurait donc pas eu de Crespin Nostradamus
avant le XVIIIe siècle mais seulement un Crespin Archidamus de
Hauteville. C’est dire que ce siècle aura connu une
présence nostradamique nettement plus importante que celle qui ressort
des
bibliographies Chomarat et Benazra puisque toute une partie de la
production
des années 1568-1572 serait à déplacer du XVIe au xVIIIe siècles mais
cela
vaudrait aussi pour une partie des éditions 1588-1590 type Grandes et
Merveilleuses Prédictions..
Nous pouvons dès lors mieux
décrire, par élimination, la genése des premières éditions des
« Centuries » en privilégiant la filière parisienne et en oubliant la
filière rouennaise et anversoise. Toutefois, la filière de Rouen nous
restitue
un état extrémement ancien, en l’exemplaire daté de 1588 puisque l’on
y trouve
une série de 349 quatrains non encore divisés en centuries. (en dépit
du titre
« divisées en quatre centuries »). Cette date de 1588 est au
demeurant fort improbable, elle est contemporaine d’une édition
parisienne
(Veuve Nicolas Roffet 1588, qui reparait
l’année suivante, cette fois avec sa
«rose blanche » et non plus une vignette nostradamique, par le
truchement
de l’imprimeur Charles Roger) qui se référe à une édition à 4
centuries
augmentée au-delà non pas du 349e quatrain mais du 353e., Augmentation
due à une actualisation prophetico-politique liée au départ d’Henri
III de
Paris pour Tours (cf IV, 46). Les éditions parisiennes ne nous sont
pas toutes
parvenues. Entre 1589 et 1590, une édition à six centuries a du
exister se
terminant par un avertissement latin . Puis, nous apprenons par les
pages
de titre des éditions parisiennes, à dissocier de leur contenu, qu’une
édition
à 7 centuries a existé comportant successivement 38 puis 39 quatrains
à la
VII (voir la mention au titre des
éditons parisiennes où est indiqué un
addition à la dernière centurie de 38/39 articles, pour 1561). On sera
passé à
42 quatrains, au premier volet de Cahors 1590. Toute la production
Rouen Du Petit Val 1588-1589 est donc fictive. Le sous titre «
esquelles se voit représenté une partie de ce qui se passe en ce
temps, tant en
France, Espaigne, Angleterre que autres parties du monde » est selon
nous
repris de celui de la série des Vrayes Centuris et Prophéties qui
constitua une
partie de la production centurique de la seconde moitié du XVIIe
siècle mais
qui est encore attestée au début du siècle suivant avec une édition de
Rouen
1710 –comme par hasard – chez J. B. Besongne : « où se void
représenté tout ce qui s’est passé tant en France, Espagne, Italie,
Allemagne, Angleterre qu’autres
parties du monde ». On notera que la forme « ce qui s’est
passé » de 1710 est plus correcte
que la forme « ce qui se passe » de 1588-1590 (Rouen, Anvers). On
notera aussi que l’adresse du
libraire Raphaël Du Petit Val est indiquée
dans l’édition 1588 « devant la grand porte du Palais » mais non dans
celle de 1589. Quant à la forme qui figure égalment au titre de
l’édition Rouen
1589 et Anvers 1590, elle n’a pas été utilisée avant la mise en place
des deux
volets. : « dont il en y a trois cens qui n’ont encores iamais esté
imprimées », texte mal recopié à
partir de Cahors 1590, dont il a du
exister une édition à un seul volet, à partir du quel la contrefaçon
Du Rosne 1557 Budapest fut réalisée, à 40
quatrains seulement à la VIIe centurie.[8]
Ajoutons que les éditions
parisiennes datent la Préface à César du Ier mars 1557 (ce qui
pourrait
correspondre au Ier mars 1558, selon la pratique actuelle, soit très
peu de temps avant
l’epitre à Henri II de juin 1558). Le passage à 1555 n’aurait eu lieu
qu’en
1590 avec l’édition Cahors. Or, les éditions Rouen 1588 et Anvers 1589
sont
datées du 22 juin 1555. Il est fort peu
probable qu’un tel décalage de 2 ans ait eu lieu entre éditions parues
en même
temps. On aura fixé définitivement la date de la Préface au Ier mars
1555 (ou
1556, selon la pratique actuelle) qu’à partir de 1590, alors que le
style de
Pâques n’a plus cours..
Pourquoi donc cette première option 1557 pour la
Préface à César et donc pour les premières centuries avant de préférer
1555 ? Est-ce lié à la question du voyage de Nostradamus à la Cour ?
A-t-on voulu faire paraitre ces centuries avant le voyage pour laisser
entendre
que c’est le succés même des Centuries qui aura été cause du dit
voyage comme
on le lit dans certaines biographies ? Patrice Guinard situe[9] ce
déplacement durant l’été 1555 et non, comme l’indique Chavigny, en
1556
(Brief Discours, in Janus, 1594, p. 3) :
Nostradamus « se mit à escrire ses Centuries
(…) De ce bruit & fame empennée esmeu le tres puissant Henry II Roy de
France, l'envoya querir pour venir en Cour l'an de grace 1556 & ayant
avec
iceluy communiqué de choses grandes, le renvoya avec presens."
Il fallut donc avancer la rédaction à 1555 (achevé
d’imprimer 4 mai 1555), soit plus d’un an avant le voyage de 1556, ce
qui se
concevait alors que quelques mois seulement avant n’aurait pas été
crédible..
Mais au départ, ce scénario des Centuries en rapport avec le voyage
n’avait pas
encore été considéré, d’où la date de 1557 pour la Préface à César.
D’ailleurs, l’Epistre de Nostradamus à Henri
II, en tête des Présages Merveilleux pour 1557 est datée de janvier
1556, donc au retour du
voyage de 1555. Mais Chavigny ne
disposait pas du texte de la dite épitre : dans le Recueil des
Présages Prosaïques, il est signalé que l’on n’en
dispose point. Il semble bien que le
passage de 1557 à 1555 ait été marqué par une intervention de Chavigny
dans la
mise en œuvre des éditions centuriques. C’est dire que l’édition Macé
Bonhomme dotée d’une préface datée de
1555, comme étant le premier stade du processus centurique est
désormais encore plus douteuse. .
Dans son Testament de Nostradamus, Daniel Ruzo a
développé il y a 30 ans, en 1982 (du
moins pour la traduction française, aux ed. du Rocher, qui avaient
publié
l’année d’avant Fontbrune), une thèse à propos de cette dualité
Rouen-Paris,
dans les années 1588-1589. Selon lui, il y aurait eu, dans les années
1550 deux foyers « centuriques », l’un à
Avignon et l’autre à Lyon. R. Benazra considére qu’un tel intitulé ne
correspond pas à la manièrere de Nostradamus : « . La sobriété dans
les titres des éditions 1555 et 1557 est plus authentiquement
nostradamienne »[10].
P. Guinard situe les éditions
avignonnaises, à la fin des années 1550[11].
La série des Vrayes Centuries et Prophéties, - à dix centuries - à
partir de
1649 - mentionne, en son titre « éditions imprimées en
Avignon en l’an 1556 et à Lyon en l’an 1558 », ce qui implique que le
premier et le second volet se sont
succédées sur un court laps de temps. Elles sont accompagnées d’une
‘Vie de
l’Autheur’ qui situe le voyage à Paris en 1556. Rien ne prouve que
cette
édition d’Avignon aurait porté le titre de Grandes
et Merveilleuses Prédictions. Etant donné que Nostradamus publia chez
Pierre Roux son almanach pour 1563, on peut supposer que l’on ait
imaginé, sous
la Ligue, une édition du premier volet des centuries chez le dit
libraire, ce qui aurait conduit, par la suite, les
éditeurs avignonnais à produire la série
en question mais en la situant, cette fois,
en 1555 et non en 1556. Mais pour les éditions avignonnaises, le
second volet
ne serait parue qu’en 1568, à Lyon, chez Benoist Rigaud et c’était
déjà le cas
dans les éditions troyennes du XVIIe siècle. Pour les unes (Vrayes
Centuries), la date de 1558 de l’épitre
indique celle de parution, pour les autres (Prophéties), ce n’est que
la date
de la composition et l’Epitre est placée en tête du volume et non du
second
volet. Au XVIIIe siècle comme au siècle
suivant (XIXe), la thèse d’un second volet posthume prédominera
(Pierre Rigaud
1566, Benoist Rigaud 1568), ce qui
n’était nullement incompatible avec des épîtres datées respectivement
de 1555 et 1558, la préface à
César ayant un caractère testamentaire et l’Epitre à Henri II étant
supposée
être confidentielle..
JHB
10.09/12
________________________________
[1] Cf Benazra, RCN, p . 162
[2] Cf Benazra, RCN, p.103
[3]Cf notre etude ; "Roy de Bloys en Avignon regner" The Centuries and
the Avignon context of the years 1560-1570”, Halbronn’s researches.
[4] Cf Documennts inexploités sur le phénomène Nostradamus, pp. 52-53
[5] Cf Benazra, RCN, p. 99
[6] Cf planche in Chomarat,, Bibliographie Nostradamus, p. 76
[7] Planche Cf Répertoire Chronologique Nostradamus, propheties.it
[8] Cf planches, in Benazra, RCN, p. X
[9] CORPUS NOSTRADAMUS 43 « Le voyage à la cour durant l'été 1555, la
lettre à Morel (1561) et le Cum nostra damus nil nisi nostradamus »
[10] Voir aussi CORPUS NOSTRADAMUS 25 -- par Patrice Guinard « Les
premières éditions des Prophéties 1555-1563 (État actuel des
recherches, repères bibliographiques, et conjectures) «
[11] « Les principales éditions des Prophéties de Nostradamus »,
Espace Nostradamus |
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113 - Le passage du premier au second volet des Centuries
Par Jacques Halbronn
Comment est-on passé de quatre centuries à sept et de sept à dix, et à
quel moment le passag s’est-il effectué, à quel rythme ? Il reste
encore des zones d’ombre dans la chronologie de la bibliographie
centurique. On a souvent préféré négliger de telles interrogations :
rien à signaler ! De toute façon, nous explique-t-on , il ne
s’agissait de rien d’autre n’est-ce pas que de restituer un texte déjà
établi avant même la mort de Nostradamus et qui va resurgir quelques
décennies plus tard. Mais pour nous les choses sont loin d’être aussi
simples pour l’excellente raison que ce qui nous intéresse, c’est
précisément de comprendre comment le premier volet a atteint sa forme
finale et comment un second volet s’y est adjoint. Or si l’on s’en
tient à la chronologie « factuelle » de la fin des années 1580 et du
courant des années 1590, le moins que l’on puisse dire est que c’est
très encombré. Ce sont les embarras de Paris.
En fait, nous avons affaire à quatre volets et non pas à deux, en
laissant de côté les additions du XVIIe siècle avec les Sixains et
l’Epitre à Henri II.
.Les éditions parisiennes indiquent bien que ce que les
nostradamologues qualifient de premier volet en comporte en réalité
trois. (le quatriéme étant celui des Centuries VIII-X, cf infra)
Il y a deux marques d’addition : après le 52e quatrain de la Ive
centurie et après le 71/74e quatrain de la Vie centurie (cf infra).
A Début du second volet :
« Propheties de M. Nostradamus adioustées outre les précedentes
impressions.
Centurie quarte
Prophéties de M. Nostradamus Centurie cinquiesme puis Prophéties de M.
Nostradamus. Centurie sixiesme
B Début du troisiéme volet:
Prophéties de M. Nostradamus adioustées nouvellement. Centurie
septiesme. Prophéties de M. nostradamus Centurie huictiesme et FIN
Disons tout de suite que le troisiéme volet aboutira à une centurie
VII mais qui ne correspond en rien au contenu de cette addition. Comme
lors du passage du premier au second volet, cela se fait au milieu
d’une centurie, la Ive et la Vie sii ce n’est que probablement par
erreur, au lieu de garder sixiéme centurie, on a mis septiéme centutie
mais tout en poursuivant la numérotation de la Vie centurie, comme
cela avait été le cas pour la Ive Centurie. En fait, dans cette série
des édtions parisiennes de la ligue, la septiéme centurie correspond à
ce que l’on a appelé la huitiéme centurie, qui trouvera un nouveau
souffle avec les trois denières centuries VIII, IX. X.. Autrement dit,
ces trois centuries feraient partie du troisiéme volet mais en tant
que supplément, elles constituent bien un quatriéme volet.
Or, on notera que les titres des premiers volumes, dans la version
Cahors 1590, comportent et bien la mention de quatre parties :
Première partie : les Prophéties de M. Michel Nostradamus
Deuxiéme partie : Dont il y en a trois cens qui n’ont encore jamais
esté imprimées ; c’est l’édition à Six centuries
Troisiéme partie : Adioustées de nouveau par le dict Autheur. Cela
correspond à la centurie VII et fait écho à l’addition de 1560.
Quatriéme partie : Centuries VIII, IX, X qui n’ont encores iamais esté
imprimées.
Les éditions parisiennes correspondent aux trois premières parties, si
ce n’est que leur troisiéme partie n’a rien en commun avec la
troisiéme partie qui prévaudra comme dans Cahors 1590.
L’édition Pierre Mesnier, non datée, à la différence de l’édition
Pierre Mesnier datée de 1589[1], comporte trois quatrains de plus à la
sixiéme centurie, mais tout en conservant l’ancienne numérotation de
la VIIe, si bien que l’on a deux quatrains 72, deux quatrains 73 et
deux quatrains 74., comme si la centurie VII n’avait plus rien à voir
avec la centurie VI tout en conservant une numérotation dans la
continuité dans l’ancienne version de la VI à 7& quatrains..
Les trois quatrains en question de cette édition non datée seront
conservés dans la version à 100 quatrains de la VI. Mais ensuite, on
n’a plus conservé que des éditions à sept centuries sans plus aucune
marque d’addition au sein du premier volet mais ce sont là des
éditions singulièrement plus tardives, on pense notamment aux editions
de Rouen 1589 et d’Anvers 1590 ou aux éditions du Rosne 1557, aucune
de ces dates ne correspondant à la réalité.(cf nos études sur ce sujet).
Et puis, en ligne de mire l’édition de Cahors à dix centuries en deux
volumes. Les quatrains des centuries VIII à X sont déjà utilisés avec
ceux des autres, dès 1591 dans l’Almanach des almanachs de Cormopède
pour 1592, 1593 et 1594, sans parler de leur commentaire dans le Janus
de Chavigny..
Comment en aussi peu de temps sera-t-on passé d’une centurie VI qui ne
dépasse par 74 quatrains dans l’éditon Mesnier augmentée par rapport à
celle datée de 1589 (cf supra)[2], à un ensemble de 10 centuries,
numérotées de I à X comme il se doit.(Cahors 1590) ? Apparemment, une
année 1590 singulièrement chargée. Comment sera-t-on passé de six à
sept centuries puis de là à 10 centuries ? Ajoutons que tout semble
indiquer qu’il y eut un pallier à 600 quatrains, se terminant par un
avertissement latin (Legis Cautio), à la fin d’une centurie VI à 100
quatrains français. Ce pallier à six centuries n’a pas été conservé et
par la suite, le quatrain VI, 100 sera introuvable, bien que commenté
dans le Janus.. Et tout de suite, la centurie VII est mise en chantier
et on élabore à ce propos la fiction d’une addition réalisée en 1560
du vivant d l’auteur. On a gardé la trace d’une telle présentation par
les éditions parisiennes de la Ligue et celles qui sont antidatées.
Nous avons expliqué dans de précédents études qu’il convenait de
dissocier totalement et presque toujours titre et contenu dans le
maquis centurique.
Cela vaut au demeurant pour le titre d’une pièce intitulée Nouvelle
Prophetie (sic) de M. Michel Nostradamus qui n’ont iamais esté veues
n’y imprimées que en ceste presente année Dédie au Roy qui correspond
à un état antérieur à celui de Cahors 1590, dont le second volume
s’intitulé :
Les Prophéties de M. Michel Nostradamus. Centurie VIII. IX. X qui n’
ont encores iamais esté imprimées. On aura supprimé « que en ceste
présente année ». Le titre de cette pièce (dont on connait une édition
Paris, Sylvestre Moreau, datée de 1603 et une autre de 1650[3]) nous
montre qu’une édition ainsi appelée, au sous titre plus approprié,
aura précédé celle de Cahors 1590. Où serait parue cette première
édition, probablement séparée, de ce qui allait être le tome II des
Centuries ? Il semble que l’on puisse décaler la date de parution de
l’édition de Cahors 1590 d’un an environ, ce qui laisserait un petit
peu plus de place pour caser autant d’éditions., à savoir
-Pierre Mesnier 1589 , à 71 quatarains à la VI/
- Pierre Mesnier sans date (adresse Saint Victor, à Paris) à 74
quatrains à la VI, avec une annexe comportant à 12 centuries à la VI
(par erreur indiquée VII)
-Une édition à 100 quatrains à la VI. (non retrouvée), sans cette
annexe.
-Une édition augmentée à VII centuries, avec plusieurs stades : 35,
40, 42 quatrains, notamment (Anvers, Antoine du Rosne 1557 Budapest et
-Utrecht, correspondant au titre des éditions parisiennes de la Ligue.
-Une édition séparée de 3 nouvelles centuries (cf. Sylvestre Moreau)
-Une édition à dix centuries, de I à X. (cf. Cahors) à 42 quatrains à
la VII, suivie d’éditions Rigaud non datées.
Ajoutons au tableau, la mise en place du procédé des mots mis
intégralement en capitales : Si l’on examine la « Prognostication de
l’Advenement à la Couronne (…) le tout tiré des Centuries de M. Michel
Nostradamus », Paris, Pierre Sevestre (conservée à la Bibliothèque
Mazarine), on note qu’il ne s’y trouve pas de mots en capitales alors
que le même texte au sein du Janus en comporte un nombre assez
appréciable. Cette épitre est datée du 19 février 1594. A cette date,
Chavigny n’aurait pas encore adopté un tel procédé qui est pourtant
généralisé dans tout le Janus. On notera que l’épitre à Henri IV
placée en tête du dit Janus est datée du premier juillet de la même
année 1594. Le procédé aurait été appliqué au cours du premier
semestre de la dite année, dont l’usage n’a pas été élucidé mais qui
se retrouve dans Macé Bonhomme 1555 et Antoine du Rosne 1557 Utrecht.
C’est dire l’intensité de l’activité nostradamique entre 1589 et 1594,
ce qui pourrait avoir été fonction du basculement politique exigeant
un certain réajustement. C’est ainsi que Chavigny reprochera, dans son
épitre à d’Ornano, écrite au lendemain du couronnement à Chartres,
début 1594, de s’être trompé du fait du même prénom porté par Henri
III et Henri IV.
En ce qui concerne les deux éditons Antoine du Rosne, celle de la
Bibliothèque de Budapest n’annonce que deux parties alors qu’elle en
comporte trois en réalité, avec une centurie VII à 40 quatrains. La
page de titre de cette édition est celle d’une édition à six
centuries. En revanche, celle de la Bibliothèque d’Utrecht mentionne
bien en son titre les trois parties du premier volet., tout comme le
premier volume de l’édition Cahors 1590 et les éditions Rigaud qui
suivront. Dans la plupart des cas, le second volet ne porte pas de
date. (par exemple Benoist Rigaud 1568). Une des rares exceptions pour
les éditions à 10 centuries (et donc à 4 parties) est Cahors 1590 mais
l’on peut sérieusement douter de la valeur de cette date pour le
second volet, d’autant que la mise en page des deux volets diffère
sensiblement.
Ce qui est quand même assez étonnant, c’est que le premier volet ait
gardé la trace de ces trois strates successives tout en supprimant
toute marque d’addition à l’intérieur dans les éditions du Rosne,
Cahors, Rigaud. En revanche, la série des Grandes et Merveilleuses
Prédictions Rouen1589 Anvers-1590 – qui sont à situer au XVIIIe
siècle- s’en tient à la présentation des éditions à six centuries
alors même qu’elles comportent une troisième partie. Quant à l’édition
Rouen Du Petit Val 1588, la seule « authentique » - le seul vrai faux
de la série - elle ne porte en son titre que l’annonce d’une seule
partie : « divisées en quatre Centuries », ce qui devait être le titre
d’origine d’une édition à une seule partie.
A-t-il existé une contrefaçon pour le second volume, datée de 1558,
comme l’indiquent les Vrayes Centuries et Prophéties en leur sous-
titre « Lyon 1558 » ? On n’en a pas de preuve. Il est possible que
cela ne renvoie qu’à la génése du premier volet :
1556 : 4 centuries, 1558 : 6 centuries, 1560 : 7 centuries. On sait à
quel point les titres des éditions sont décalés par rapport à leur
contenu, comme dans le cas de ces éditions à sept centuries (série
Grandes et Merveilleuses Prédictions) qui se présenteront, à la
dernière page, comme reprises d’une édition de 1555 tout en comportant
en leur titre « dont il en y a (sic) trois cens qui n’ont encores
iamais esté imprimées »
JHB
12/ 09/ 12
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[1] Cf CORPUS NOSTRADAMUS 65 -- par Patrice Guinard L'édition Regnault
1561, modèle des éditions parisiennes facétieuses de 1588-1589
[2] Conservée à la réserv e de la Bibliothèque Mazarine
[3] Cf BEnazra, RCN, pp. 153-154 |
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HR 114 - Les quatre temps de la formation du canon à dix centuries
Par Jacques Halbronn
On parle souvent des deux volets des Centuries mais en fait on a
affaire à une structure quaternaire qui a été maintenue dans la
présentation du « canon » depuis le XVIIIe siècle à travers les
éditions Rigaud et Chevillot qui ont depuis prévalu sur les autres
éditions et ce en dépit des tentatives de présenter les Centuries
comme un seul bloc ou en deux blocs. Par ailleurs, la question d’un
volet supplémentaire constitué de la lettre à Henri IV et des sixains,
sans oublier la question des « présages » aura fait débat pour finir
par être évacuée du canon.
De nos jours, les avis sont partagés mais l’on s’en tient généralement
à trois stades : le stade 4 centuries, le stade 7 centuries et le
stade 10 centuries et parfois à deux seulement : le stade 7 centuries
et le stade 10 centuries, correspondant aux deux textes en prose qui
les introduisent respectivement, dédiés l’un à César, l’autre à Henri
II. Quant au stade 5, il n’a pas la cote et rares sont ceux qui
l’intègrent dans le canon centurique, ne serait-ce qu’en raison du
passage du quatrain au sixain et ce en dépit de l’existence d’une
troisième épitre adressée à Henri IV et datée de 1605, et qui n’est
donc pas signée Michel de Nostredame mais de celui qui est supposé
avoir exhumé les dits sixains..
Se pose également la question de savoir si les 10 centuries seraient
parus du vivant de Nostradamus ou seulement les 7 premières ou aucune,
ce qui correspond à la thèse posthume intégrale, sans oublier la thèse
de la contrefaçon intégrale que nous défendons, pour notre part. Mais
restons-en, ici, à la description du scénario par delà la réalité des
productions.
Parmi les positions en présence, nous trouvons celle qui laisse
entendre que les 7 premières centuries seraient toutes parus dès 1555.
C’est ce qui semble ressortir de l’édition Anvers St Jaure qui se
réfère à une édition avignonnaise Pierre Roux. Etant donné que nous ne
disposons pas actuellement de l’exemplaire Rouen 1588 des Grandes et
Merveilleuses Prédictions à 349 quatrains, nous ignorons si cela
renvoie déjà à 1555. Mais c’est très probable et dans ce cas les
additions successives à 6 puis à 7 centuries n’auraient fait que
reprendre la date initiale de 1555. D’ailleurs, cette thèse nous
semble relativement récente et dater en fait du XVIIIe siècle. Les
éditions concernées qui ne sont qu’à 7 centuries- ce qui correspond à
l’état existant sous la Ligue- suppriment d’ailleurs toute mention
d’addition au sein des 7 premières centuries et ne conviennent que de
l’addition d’un second volet.
Elle est en tout cas bien peu compatible avec les titres des autres
éditions de la fin du XVIe siècle qui, quant à elles, ne dissimulent
nullement un processus d’additions successives, ce qui vaudra aussi
pour les éditions Antoine du Rosne 1557 (cf.infra).
En fait, à la fin du XVIe siècle, l’on admet tout à fait l’idée de
quatre couches centuriques en dépit de l’existence de seulement deux
épitres, la Préface à César introduisant de ce fait aussi bien 4 que 6
ou que 7 centuries, ce qui laisse un certain flou sur ce qu’elle était
censée accompagner initialement. Car de deux choses l’une, ou bien
elle introduit les 7 centuries ou bien elle n’introduit que trois
centuries et demie environ, le reste des centuries ne constituant que
des annexes, des avenants comme pour le testament de Nostradamus doté
d’un codicille. On notera aussi que l’on a une version de la préface
datée de 1555 et une autre, sous la Ligue, datée de 1557, ce qui
serait une façon de tenir compte de l’addition aboutissant à un
ensemble de six centuries tout en évacuant la préface –d’ailleurs
identique- datée de 1555...
On évoque en vérité rarement, chez les nostradamologues, le stade des
six centuries qui est pourtant crucial. Il est formalisé par le sous
titre de l’édition Du Rosne 1557 Budapest : « dont il en y a trois
cents qui n’ont jamais esté imprimées » et dans celui des Grandes et
Merveilleuses Prédictions, Rouen 1589 et Anvers 1590, ce qui ne
correspond pas à leur contenu, lequel comporte une addition
supplémentaire, à savoir la centurie VII. Toutes ces éditions, au vu
de leur contenu, devraient comporter une mention supplémentaire comme
c’est le cas pour Du Rosne Utrecht, et le premier volet de Cahors 1590
et de Rigaud (1568 et sans date, sans oublier 1566), à savoir «
adioustées de nouveau par le dict Autheur », ce qui reprend en fait le
sous titre des éditions parisiennes qui sont typiques de la
présentation à 7 centuries : « reveues & adioustées par l’Autheur,
pour l’an 1561, de trente neuf articles à la dernière centurie », qui
est celle des éditions parisiennes de la Ligue, si l’on ne s’en tient
qu’au titre. Rappelons que notre méthode de travail implique de
constituer trois corpus, l’un sur la base des titres des éditions,
l’autre sur celle des contenus, et un troisième sur la base des
éditions du vivant de Nostradamus, l’ensemble permettant de se faire
une idée assez juste de l’ensemble de la production.
Cette édition à six centuries qui n’a pas été conservée en ce qui
concerne son contenu mais qui est attestée par l’étude des titres, a
consisté en l’ajout de 247 quatrains à la mouture à 353 quatrains.
Autrement dit, il n’y a pas eu comme il est indiqué au titre une
addition de 300 «prophéties » et on aura laissé croire que le premier
stade n’avait compris que 300 quatrains lui aussi. Les computations
alambiquées de Patrice Guinard pour expliquer en quoi consistait cette
addition de 300 quatrains ne semblent guère crédibles. Il semble, en
réalité, que les éditeurs du corpus aient, assez vite, entendu
présenter trois séries de 300 quatrains, avec une centurie VII
intercalaire, d’où cette organisation en deux « livrets » (selon la
formule de l’Epitre de 1605 introduisant un troisième « livret »). Le
titre du second volet est clair : « Centuries VIII. IX. X. », total
300, soit un troisième groupe de trois centuries.
L’ensemble à six centuries pleines s’achevait sur un avertissement
latin, à un stade où l’on pensait que cela n’irait pas plus loin. Par
la suite, certaines éditions ont gardé le dit avertissement conclusif
tout en plaçant une septième centurie (Rosne Utrecht 1557, Rigaud
(1568 et autres, Chevillot) et d’autres l’ont éliminé (Antoine du
Rosne 1557 Budapest, Anvers 1590). On passera sur le sort du quatrain
VI 100 qui a été supprimé de toutes les éditions conservées du XVIe
siècle mais qui a certainement figuré dans au moins une édition, si
bien que le dit quatrain se retrouve commenté dans le Janus. D’aucuns
ont soutenu que l’avertissement latin tenait lieu de centième quatrain
de la Vie centurie.
Mais encore faut-il préciser que l’on a pas ajouté 300 quatrains d’une
seule traite ou plutôt 247 quatrains. Les éditions parisiennes de la
Ligue au regard de leur contenu –et non cette fois de leur titre-
attestent de l’existence d’une centurie VI à 71 quatrains (Mesnier
1589 et autres) puis à 74 quatrains (Mesnier sans date), sur les 100
quatrains qui formeront, au final, la centurie VI « canonique ».
L’idée de constituer un nouvel ensemble de 300 quatrains avec le début
de la centurie IV n’aura pris forme que progressivement. Dans un
premier temps, il s’est agi de compléter la centurie IV, de constituer
une centurie V et d’ajouter un certain nombre de quatrains à une VIe
centurie avant de passer à la constitution d’une VIIe centurie par la
suite. Les éditions parisiennes de la Ligue témoignent d’une certaine
confusion : en effet, la centurie VI à 71 quatrains se poursuit avec
des quatrains numérotés jusqu’à 83 mais sous le titre de centurie VII.
Il s’agit probablement d’une erreur. Les choses auraient du se calquer
sur la centurie IV, comportant une addition avec une numérotation
continue après le 53e quatrain. Au lieu de reprendre le fil de la
centurie VI on aura amorcé une centurie VII, avec d’ailleurs un
premier quatrain non numéroté mais correspondant au n° 72 du fait des
quatrains suivants.
Nous abordons la question de cette troisième partie du premier volet
qui n’ avait pas été traitée, jusqu’à présent, comme il convenait, y
compris d’ailleurs dans nos précédents textes. Pourtant, au niveau des
titres, l’addition à la Vie centurie d’un nouveau module est
particulièrement soulignée. D’une part, dans les éditions de la Ligue,
au titre, par l’annonce d’une adjonction à la « dernière centurie »,
ce qui renvoie explicitement à la centurie VI, réputée dernière d’un
ensemble de 600 quatrains – ce nombre sera repris par Pierre de
Larivey, au siècle suivant- de 38 et de 39 « articles », selon les
éditions et confortées par la production d’éditions antidatées pour
1560, pour faire bonne mesure et d’autre part, par la mention finale
du titre du premier volet en une typographie distincte « Adioustées de
nouveau par le dict Autheur ». Autant d’éléments qui vont constituer
le troisième wagon du premier volet, toujours introduit par la seule
préface à César de 1555, ce qui est évidemment à prendre avec du recul.
Il est clair que tout le monde avait compris que cette préface de 1555
ne pouvait prendre en compte l’addition de 1560. La dite préface
n’apparait que comme une caution et non réellement comme une
introduction à une certaine édition comportant un certain nombre de
centuries. D’où son maintien en dépit des additions successives. Ce
qui nous conduit à penser qu’initialement, il s’agissait d’une logique
de parution posthume révélant successivement les pans d’un ensemble.
Autrement dit, en tant que parution posthume, il est évident que
l’ensemble était censé être déjà bouclé dès avant la mort de
Nostradamus si ce n’est que tout ne sera pas divulgué en même temps.
Il s’agit là bien entendu d’une fiction commode qui permet de produire
de nouveaux quatrains en prise sur les enjeux politiques du moment,
c'est-à-dire de la Ligue. Mais par la suite, on a carrément fabriqué
des éditions supposées parues en 1555, 1557, 1560 et on en passe, sans
parler du cas 1566 -1568 qui est certes posthume mais d’un posthume
faisant immédiatement suite à la mort de Nostradamus, version qui aura
fait suite à celle d’ un posthume de vingt ans plus tardif
Comment l’épitre à Henri II, datée de Juin 1558 pouvait-elle dès lors
concerner des centuries VIII-IX-X postérieures à la VIIe centurie qui
n’était censée être apparue qu’en 1560 ? Il y a là une énigme.
Tout se passe comme si les centuries VIII-X étaient antérieures à la
centurie VII mais avaient été publiées plus tard. On a cette fois un
autre décalage, celui de la date de rédaction et de la date de
publication, c'est-à-dire depuis un siècle, d’impression.
Mais il est clair que les centuries VIII-X ont été produites après le
premier train de centuries, ne serait-ce que parce qu’elles reflètent
un autre contexte politique, à savoir l’avènement d’Henri de Bourbon,
avec l’annonce bien connue, en clair comme de façon cryptée de sa
victoire sur le parti lorrain, du fait notamment de sa conversion et
de son couronnement..Il n’empêche que c’est bien 1558 qui est mis en
avant de façon à montrer qu’un tel dénouement avait été vu et prévu de
longue date. Maladresse néanmoins qui ne semble pas avoir tenu compte
de l’addition de 1560., laquelle édition, il est vrai, avait fort bien
pu être ignorée par les rédacteurs des nouvelles centuries. Ce qui est
inconcevable dans le monde réel peut exister dans le monde virtuel des
chronologies et bibliographies imaginaires.
La rédaction d’une épitre à Henri IV datée de 1605 évite ce genre de
mésaventure. En outre, on ne prend pas le risque de se voir placé en
face d’une précédente épitre de Nostradamus à Henri II, datant de
1556, en tête des Présages Merveilleux pour 1557, à laquelle l’épitre
de 1558 ne prend même pas la peine de se référer alors même qu’elle a
servi de modèle. Cela dit, les 58 sixains, comme cela a été souvent
signalé par les uns et les autres, sont le pendant des 42 quatrains de
la VIIe centurie., constituant une sorte de VIIe centurie bis, placée
cette fois non pas comme la Centurie VII première à la fin du premier
volet mais à celle du second.
Le canon centurique nous semble donc avoir intégré l’idée d’une
formation progressive en quatre temps. La mention d’une addition « par
l’Autheur » en 1560 pour 1561 d’un supplément à la sixiéme centurie-
ce qui constituera la centurie VII, montre que la thèse d’un ensemble
déjà constitué en 1555 ou en 1557 ne correspond pas à la version
officielle. Signalons que la tentative au milieu du XVIIe siècle de
compléter le second volet à trois centuries avec les Présages de 1555
à 1567, fera long feu. On peut se demander pourquoi les Présages n’ont
pas plutôt été ajoutés aux Sixains. Si les éditions troyennes Pierre
du Ruau comportent les Présages, en revanche, les éditions troyennes
Pierre Chevillot, qui selon nous sont plus tardives – le prénom des
libraires ne devant pas être pris au sérieux- les rejettent du nouveau
canon, ce qui pourrait être le signe que l’on considère alors qu’il
faut distinguer la production du vivant de Nostradamus constituée des
Présages de celle du canon centurique posthume, constituée de
quatrains non encore datés. On se demandera si l’on n’a pas jugé que
ces collections de « présages » non datés constituaient un vivier dans
lequel on pourrait venir puiser pour alimenter les prédictions
mensuelles tout comme les prophéties an par an (Prédictions pour 20
ans) pouvaient servir à nourrir les pronostications annuelles..
JHB 12. 09// 12 |
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HR 115 - Comment lisait-on les Centuries au XVIe siècle
Par Jacques Halbronn
Quel intérêt pouvait-on trouver, dans le public, à la lecture des
Centuries alors que celle-ci ne sont même pas complétées par un
commentaire ? Comment ne pas se perdre dans un tel labyrinthe de mots,
véritable auberge espagnole où chacun trouve ce qu’il veut ? Il devait
pourtant exister un certain consensus herméneutique, un certain modus
operandi – un non –dit allant de soi, diraient les ethnométhodologues
(Garfinkel) - pour décrypter les centuries ou plutôt ce que d’aucuns
voulaient qu’il fût appréhendé dans les quatrains.
Selon nous, le lectorat ne passait pas des heures à feuilleter les
centuries comme le propose Chavigny qui n’a probablement pas le profil
type, dans son Janus. Ce lectorat devait particulièrement s’intéresser
aux « additions », aux rajouts, d’où cette succession d’augmentations,
de révisions qui faisaient « vivre » le texte. Cela expliquerait
précisément la multiplicité des variantes tant quant au contenu des
quatrains que de leur nombre. On comprend mieux la fonction des
centuries inachevées ou ne se constituant que par à coups. Les
centuries qui se prêtèrent le plus à cet exercice furent la Ive, la
Vie, la VIIe et finalement la Xe.
Cela dit, nous verrons que dans certains cas, une centurie incompléte
l’est non pas parce qu’elle est en construction mais parce qu’elle
fait l’objet d’une censure, ce sera notamment le cas pour la sixiéme
centurie qui serait passée de 100 à 99, 74 et à 71 quatrains. Et non
pas l’inverse. En revanche, certains nostradamologues ont poussé cet
argument trop loin et parlent, comme R. Benazra, de quatrains «
manquants » quand il s’agit bel et bien d’un processsus en cours
d’élaboration, comme dans le cas de la centurie IV, passant de 49 à 53
quatrains ou de la centurie VII passant de 35 à 42 quatrains. En tout
état de cause, les deux approches sont à envisager, au cas par cas..
A La quatrième centurie
L’édition Rouen 1588 ne comporte que 349 quatrains, quatre de moins,
comme le note Benazra, que l’édition Macé Bonhomme 1555 ou que les
éditions parisiennes qui fixent la première addition après le 53e
quatrain de la IV[1]. Nous avons ainsi montré que parmi ces 4
quatrains supplémentaires, le IV, 46 faisait écho à l’actualité du
départ d’Henri III pour Tours, à la suite des Barricades de Paris,
début 1588. Ce qui explique que les Etats Généraux fussent réunis, en
cette même année, non loin de là, à Blois.
Ensuite la Ive centurie fut complétée et la centurie intéressante fut
la Vie.
B La sixième centurie
On connait une centurie VI à 71 quatrains, une autre à 74 quatrains
(Paris, P. Mesnier, sans date) et puis l’on passe à 100 quatrains,
puis on revient à 99 quatrains. Il est probable que durant un certain
temps, le public accordât une certaine importance aux derniers
quatrains de la Vie centurie avant que celle-ci ne soit clôturée,
passant le relais à la VIIe centurie
P. Guinard a décrit ces éditions mais il ne signale pas le fait que
l’édition P. Mesnier sans date comporte trois quatrains
supplémentaires (72-73-74) qui feront partie de la centurie VI
terminée.[2]. Il note que l’édition Charles Roger ressemble beaucoup à
l’édition Veuve Nicolas Roffet mais ne reléve pas le fait que la dite
édition Roger comporte en sa page de titre la rose propre à Jeannne
Leroy, veuve Roffet.
On ne saurait par ailleurs oublier les quelques quatrains d’une
centurie VIII, qui n’a rien à voir avec celle du « canon » et qui
correspond certainement au contexte ligueur. On aura compris que
toutes les additions ne sont pas vouées à se maintenir, à commencer
par l’étrange présence des quatrains de l’almanach pour 1561, qui fait
écho au sous titre « revues & additionnées par l’autheur pour l’an mil
cinq cens soixante & un ». On pourrait expliquer cette initiative par
le fait que les libraires auraient tenté d’ajuster le contenu au titre.
Faute de produire 38 ou 39 « articles » à la VII – ou ne comprenant
pas de quoi il retourne- ils n’auraient rien trouvé de mieux que de
recycler les « présages » de 1561.
On ne peut en effet négliger l’enseignement de tels décalages entre
titre et contenu. Nous avions suggéré, dans de précédents textes, que
cela pouvait tenir à la volonté de commercialiser un stock déjà
dépassé sous un titre plus récent- ce qui reléve d’une forme
d’escroquerie sur le produit mais une autre thèse semble désormais
plus probable : la volonté de faire croire qu’une édition n’a pas été
modifiée en préservant une certaine apparence propre à une édition
plus ancienne. Le même phénoméne serait à observer avec les éditions
dont le contenu a été toiletté tout en gardant une présentation
indiquant une succession d’additions. On pense aux éditions Rouen
1589, Anvers 1590, Du Rosne 1557 (Budapest, Utrecht), Rigaud 1566 et
1568). Mais un tel stratagéme est déjoué par la conservation des
éditions parisiennes de la Ligu en ce qui concerne la centurie IV,
lesquelles éditions n’en seraient pas moins contrefaites pour les
centuries VI et VII, avec notamment 39 quatrains redoublés et
retouchés, comme l’a noté P. Guinard..
.Dans le cas des éditions parisiennes de la Ligue, existe-t-il une
édition Veuve Roffet 1588 avec un autre contenu avec 39 quatrains à la
VII, par exemple ? Ou bien une édition Veuve Roffet 1588 avec le même
contenu mais un titre différent correspondant davantage au contenu ?
On aurait donc en fait deux éditions parisiennes (1588/1589) à 71
quatrains à la Vie centurie et une édition (non datée) à 74 quatrains
à la dite centurie, qui correspondent à des états débouchant sur
Cahors Rousseau 1590 à six centuries pleines et 42 quatrains.. Quel
intérêt y aurait-il eu à publier après 1590 des éditions comportant
une centurie VI encore en formation à moins que les particularités des
éditions parisiennes au regard des centuries VII et VIII aient été en
réaction par rapport au canon constitué et donc postérieures à 1590 ?
Dans ce cas, nous n’aurions plus que la page de titre des dites
éditions parisiennes avec un contenu décalé plus tardif sous couvert
des titres anciens. Autrement dit, le contenu des dites éditions
parisiennes ne serait pas le fait de ces éditions, lesquelles seraient
des contrefaçons dont nous ignorons le lieu et la date de fabrication.
La présence d’une rose blanche sur l’édition Charles Roger serait due
à une erreur et la mention à l’édition Mesnier non datée d’une adresse
correspondant à des éditions plus tardives du libraire nous oriente
vers ce libraire, d’autant que, comme le note P. Guinard, Mesnier aura
eu des successeurs comme cela fut le cas pour Benoist Rigaud ou pour
Pierre Chevillot. L’activité de la maison Mesnier se poursuit tout au
long des 20 premières années du XVIIe siècle, autour notamment de
l’astrologue Jean Petit. On notera aussi que la contrefaçon d’une
édition Veuve Nicolas Buffet 1561 pourrait s’expliquer du fait de son
successeur, Michel Buffet, qui publie, notamment, en 1589 un Discours
des grandes persécutions (…) Avec un présage merveilleux advenu en
Lorraine, en l’année 1512[3]
Il est d’ailleurs possible que le début du XVIIe ait accordé un plus
grand intérêt au premier qu’au second volet, ce dont témoigne la
parution en 1620 d’un Petit Discours ou Commentaire sur les centuries
de Maistre Michel Nostradamus imprimées en l’année 1555[4], adressé au
jeune Louis XIII dont les 40 quatrains commentés sont tirés des seules
sept premières centuries.
C La septième centurie
L’on sait qu’il exista des versions de cette centurie à 35 quatrains (Anvers
1590) et probablement moins (Rouen 1589, dont la fin est tronquée) et
l’on sait que l’on passa à 38 quatrains, puis 39, puis 40 puis 42, du
moins si l’on s’en tient au XVIe siècle. Autant d’occasions de faire
passer quelque message par le biais d’une addition d’un ou plusieurs
quatrains. A ce propos, il est clair que le mot « article », utilisé
au sous-titre des éditions parisiennes de la Ligue, est bien synonyme
de quatrain, ce que semble contester P. Guinard. Témoin, cette
mazarinade, la Prédiction de Nostradamus sur la perte du Cardinal
Mazarin en France ; extraictes de la Centurie huitiéme, article neuf-
( Paris 1649) Le quatrain en question n’est d’ailleurs pas celui des
éditions centuriques, c’est en fait VIII, 19 mais qu’importe [5]:
Le XVIIe, notamment sous la Fronde, usera largement du support de la
VIIe centurie[6] Mais à la différence de la production de la Ligue,
celle de la Fronde ne sera pas retenue dans le canon, lequel sera clos
avec l’édition Pierre Rigaud 1566 (réalisée au XVIIIe siècle, à
Avignon), lequel rejettera tout l’apport du XVIIe siècle mais
entérinera celui de la Ligue en le situant dès la mort de Nostradamus,
ce qui revient à limiter le processus des additions à 1566-1568. Ce
sera ensuite la chasse aux quatrains et sixains supplémentaires/..Le
nouveau canon du XVIIe siècle ne sera pas retenu au-delà du début du
siècle suivant, comme si on l’avait mis entre parenthèses.
D les centuries X et XI
Une fois les dix centuries mises en place, d’autres solutions se
présentèrent dont l’addition d’un quatrain cryptogramme, parfois
appelé 101 et dont l’échéance se situait en 1661, dont les sixains (parfois
sous le titre de centurie XI), dont les présages, dont quelques
quatrains des centuries XI et XII, qui ne se trouvent que dans le
Janus, dont quelques quatrains placés à la fin des éditions
parisiennes de la Ligue. Mais le premier canon aura prévalu avec le
refus d’un troisième livret. Toutefois, signalons que pour le
tricentenaire de la mort de Nostradamus, l’on réédita à Paris
l’édition Pierre Chevillot avec les sixains, lesquels étaient absent
de Pierre Rigaud 1566. On aurait pu concevoir que des sixains
additionnels eussent été ajoutés aux 58 existants mais ce ne fut
apparemment pas le cas..
Nous avons signalé, dans de précédentes études, le cas du quatrain IX,
86 qui comporte le mot Chartres en référence selon nous au
couronnement d’Henri IV, début 1594. Est-ce qu’il ne faudrait pas
supposer que la centurie IX aura pu être, à un certain stade, en
position « terminale » ? Faute de quoi, on voit mal comment le
lectorat aurait pu s’y intéresser, ce qui était à l’évidence le but de
toute l’opération. On envisagera donc un état intermédiaire, au sein
du bloc des centuries VIII-X, au niveau de la centurie IX, ou de ce
qui lui correspondait. On ne sait pas grand-chose en effet de la
genèse du dit bloc. Nous sommes très sceptiques quant à l’intérêt de
produire uniquement des centuries pleines, car cela ne permet pas
d’exciter l’intérêt du public, ce qui n’est le cas que des centuries
inachevées.
On ne saurait soutenir, comme le font certains nostradamologus, que
les centuries VIII-X auraient disparu dans les années 1580 pour
réapparaitre à la décennie suivante. En revanche, comme on l’a
envisagé plus haut, on ne peut exclure que dans les années 1620, les
dites centuries aient été mises de côté pour ne réapparaitre qu’à la
mort de Louis XIII, d’autant que de nouvelles centuries sont mises en
circulation, comme celles d’un Pierre de Larivey le Jeune alias Pierre
Patris, faisant suite à Pierre de Larivey, suivant là un processus de
succession qui n’est pas sans évoquer le néonostradamisme des années
1560-1570, toutes proportions gardées. La question de la publication
du second volet n’est pas absolument réglée. Rappelons qu’en 1603
parait une
Nouvelle Prophetie de M. Michel Nostradamus, qui n'ont jamais esté
veuës, n'y imprimees, que en ceste presente annee. Dédié au roy, chez
le libraire parisien Sylvestre Moreau. Ce libraire fait paraitre en
cette même année un Discours des terribles espouventables signes,(
iouxte la coppie de Rouen)[7]
Cet ouvrage ne comporte que les centuries VIII-X et sa parution
pourrait laisser entendre qu’à cette date la jonction entre les deux
volets n’est pas encore chose faite. Rappelons que les éditions
Benoist Rigaud, Héritiers Rigaud, Pierre Rigaud que l’on situe
généralement entre 1594 et 1600[8] ne comportent pas de date de
publication.
Quelle est la morale de cette histoire ? Le corpus centurique n’est
pas figé. Même les épitres semblent bel et bien avoir évolué, si l’on
considère l’enseignement que l’on peut tirer de l’édition Antoine
Besson (c 1691) et qui nous fait suspecter des interpolations.
Certains quatrains peuvent aussi avoir disparu du canon, comme VI,
100. (Fille d’ l’Aure etc) On procède par révélations, dévoilements
successifs (cf. Jean de Chevigny, Androgyn, M. Jove, 1570, Chavigny,
Janus, P. Roussin, 1594)
Mais on ne saurait oublier un autre procédé, celui de quatrains
produits non plus par Nostradamus mais par d’autres faiseurs
d’almanachs, dont les plus prolixes auront probablement été Pierre de
Larivey le jeune (alias Pierre Patris) et ses Six Centuries et Jean
Belot, curé de Milmonts, dans les 20 premières années du XVIIe siècle.
Il reste un énorme travail à faire consistant à situer le contexte
événementiel auquel se réfère un certain contrat. Le dit contexte
n’est pas celui du temps de Nostradamus mais bien celui des 100 années
qui suivirent sa mort. L’autre voie est évidemment celle de la glose,
dont un des exemples les plus notoires est celui du Janus, dès 1594.
On n’augmente pas le nombre de signifiants mais l’on plaque des
couches de signifié.
En conclusion, nous dirons que l’attention des lecteurs devait se
limiter aux centuries en gestation, soit successivement la Ive, la VI,
la VII, la X.
On a déjà signalé par ailleurs l’usage des mots rendus en capitales,
ce fut probablement un moyen d’attirer l’attention de lecteurs plus ou
moins assidus, sur un certain quatrain. Chavigny recourut à ce procédé
à partir du printemps 1594. On peut classer les éditions centuriques
entre celles comportant des mots en majuscules et celles qui n’ont pas
un tel usage. Peut être ne s’agit-il pas d’attirer l’attention sur un
quatrain mais de constituer un quatrain au moyen des mots ainsi
soulignés.
Selon nous, un principe doit être respecté, à savoir qu’un nouveau
quatrain est lié à un certain contexte. Si l’on abandonne la fiction
d’un Nostradamus ayant par avance rédigé l’intégralité de ses «
centuries prophétiques », pour adopter la formule de Jean Belot, par
opposition aux centuries « poétiques » d’un Guillaume de La Perrière,
l’on doit conclure que toute addition correspond à un état des choses
plus tardif et donc de plus en plus éloigné du temps de Nostradamus.
On ajoutera que la fabrication d’éditions antidatées aura compliqué
encore plus le jeu. On en connait deux types : celles qui restituent
la marque des additions ( Veuve Buffet, Veuve Roffet 1561) et celles
qui les effacent du moins en leur contenu, mais pas toujours en leur
titre.(Antoine du Rosne 1557, Raphael du Petit Val 1589 et Anvers St
Jaure 1590 (selon nous XVIIIe siècle), Benoist Rigaud 1568 (XVIIIe
siècle) et Pierre Rigaud 1566 (idem). Mais ces contrefaçons sont
précieuses car elles correspondent à des états dont nous n’avons pas
les originaux des dites éditions antidatées. Situation quelque peu
paradoxale que celles où les éditions comportant les dates les plus
ancienns ne sont que les calques d’éditions plus tardivement datées.
JHB
13. 09/12
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[1] Cf J. Halbronn, Les prophéties et la Ligu, in Prophétes et
Prophétiesn Presses de l’Ecole Normale supérieure, 1998
[2] CORPUS NOSTRADAMUS 65 –« L'édition Regnault 1561, modèle des
éditions parisiennes facétieuses de 1588-1589 «
[3] Voir cataloge en ligne Bibl. Mazarine
[4] Cf Benazra, RCN, p ; 182
[5] Cf Benazra, RCN, p 212
[6] Cf Benazra, RCN pp. 188, 190, 192
[7] Exemplaire à la Bib. Mazarine.
[8] Cf Benazrea, RCN, pp ; 140-149 |
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116 - La production nostradamique face au doute (XVIe-XVIIIe
siècles). Imposteurs et impostures.
Par Jacques Halbronn
Le
nostradamologue est confronté à deux questionnements dont il ne
saurait faire
abstraction : la question des contrefaçons et celle des imitateurs. Il
semble que le plus souvent, on préfére
dénoncer ceux qui osent se servir du nom
de Nostradamus- comme Nostradamus le Jeune ou Crespin Nostradamus que
de
traiter des textes qui paraissent sous son nom, à commencer par les
Centuries.
Robert Benazra cite, dans son Répertoire
Chronologique Nostradamique deux
passages assez remarquables qui évoquent
ceux qui exploitent impunément le filon
Nostradamus.
1571 Premier passage (p. 99) :
« L’éditeur
(Nicolas du Mont, Paris) dénonce tous
ceux qui écrivent « sous le nom de Nostradamus… ils abusent grandement
de
cuider donner bruit & reputation à leurs ineptes escrits, pour
faussement
s’adonner estre ou voisins ou parents ou serviteurs de Nostradamus.
L’un pour se faire valoir
emprunte le territoire de Nostradamus,
qui lui sert de surnom. L’autre pour estre mieux venu se dit disciple
de
Nostradamus : comme si Nostradamus avoit autrefois tenu escole, ou
escrit livres par lesquels on pouvoit estre instruit en cet art. Celuy
là natif de Paris renie sa patrie & se dit Provençal & cestuy –cy se
dit Nostradamus le Jeune »
Du Mont d’ailleurs écrit ce
texte à la fin de son impression desPrésages pour treize ans (..)
recueillies (sic) de divers autheurs &
trouvées en la bibliothèque de defunct
maistre Michel Nostradamus (…) mises (sic) en lumière (..) par M. de
Nostradamus le Jeune. Le libraire déclare avoir
été sommé de publier le dit texte, en quelque sorte contre sa volonté.
1578 Second passage (pp. 114- 115) :
« Advertissement
de Archidamus Astrologue de France. Il y
a trois ans qu’il n’a composé Almanachs n’y intention pour l’advenir
d’en faire pour l’occasion de la fausseté que y commettent en son nom
au mépris que ont (sic) voit ordinairement en presence de tout le
monde aucuns faux
libraires, imprimeurs de ce Royaume se
disant avoir mandement de luy. Laquelle chose iournellement avec leurs
faussetez impriment au nom dudit, encores qu’il n’y a jamais pensé &
pour endormir le
peuple mettent avec privilége du Roy & si controuvent plusieurs noms
comme Nostradamus le Jeune & Florent de Crolz
& autres faux noms inventez &
mettent en lumière un Almanach de Iean Colony qui a un an qu’il est
décédé » Et Benazra de conclure : » Après cet exposé, nous nous
devons de décerner la palme de l’escroquerie à Antoine Crespin dit
Archidamus ! L’épitre est datée de Saint Denis, le 10 Novembre
1577 »
Les
deux textes se recoupent en partie : il est dans les deux cas, fait
allusion à Florent de Crox (pour Salon de Craux) et à Nostradamus le
Jeune.
Quant à Archidamus, il se plaint d’imitations dont il serait victime
alors que
dans le premier texte, c’est lui qui est probablement visé quant à sa
prétendue
origine provençale qui est affichée au
titre de la Pronostication avec ses
présages pour 1571 (..) par M. Anthoine
Crespin dict Nostradamus de Marseille en provence, Paris, Robert
Colombel. Il est également question
dans l’épitre de 1577 de Colony et il est d’ailleurs étrange que le
lyonnais Benazra ne mentionne pas les
ouvrages de ce Colony (Jean Maria et Marc) dont certains sont
conservés à la Bibliothèque de Lyon La Part Dieu.
Commençons
par quelques observations :
Le texte que Du
Mont publié en 1571 n’est nullement une pièce originale mais la
refonte d’un
ouvrage paru en 1568 sous le titre de Prédictions
pour vint ans, continuant d’an en an,(…) mises en lumière par M. de
Nostradamus le Jeune » Rouen
Pierre Brenouzer et quoi n’est enfait- on le verra dans une prochaine
étude-
que la reprise d’un ouvrage italien
traduit en français en . On a remplacé
Prédictions par Présages, d’où le féminin incorrect du sous titre de
1571, à
deux reprises. L’Epitre au duc d’Alençon est reprise en 1571 mais on
ne sait
pas si elle est de Nostradamus le Jeune ou de Michel de Nostredame
puisque
Nostradamus le Jeune se contente de le « mettre en lumière ».
Signalons qu’une adresse à un très jeune
prince se retrouvera pour le fils d’ Henri IV, né en 1601, chez
l’astrologue
Jason de Netlac :dans son Almanach
ou Ephémèride pour l'an Mil six cens quatre contenant amples
prédictions du
changement et mutations de l'air...le tout diligemment calculé. A
Monseigneur
le Dauphin ( Paris, F. Hubyt,BNF 8°V 12736), ouvrage comportant un
quatrain par mois non centurique
Quant
au contenu, il serait pris de divers auteurs figurant dans la
bibliothèque du
dit Michel de Nostredame. Pour notre
part, nous n’excluons pas que l’épitre ait été de la plume de
« Nostradamus » mais nous ne pensons pas qu’elle ait été adressée au
duc d’Alençon, tant le texte est éloigné du style d’une épitre
adressée à un
jeune prince. On comparera d’ailleurs cette épitre à celle figurant en
tête de
la Pronostication pour 1567 d’un certain Mi. de Nostradamus, à Paris,
chez Guillaume de Nyverd, lequel avoue,
dans cet ouvrage qu’il est un disciple de Nostradamus, point relevé
par Jean
Dupébe mais que désormais il écrira sous un autre nom (probablement
celui de
Florent de Crox).
Pour
tout dire cette déclaration de Nicolas du Mont à propos de ces
Présages pour treize ans semble assez incongrue
vu qu’il ne s’agit que d’une resucée, assez maladroite, d’une série de
prédictions annuelles dont Nostradamus le Jeune ne revendique même pas
la
paternité dans l’édition d’origine de 1568, réalisée peu après la mort
de
Nostradamus. Cette mise en cause de Nostradamus Le Jeune nous semble
assez
outrée d’autant que le même Nicolas du Mont publie en cette même année
1571 la Demonstracion de l’éclipse lamentable que dura le long du
jour de la Sainct Michel dernier passé 1571 (…) par M. Anthoine
Crespin
Nostradamus de Provance »ainsi que l’Epistre demonstrative faicte à
(..) Elizabeth d’Autriche, fille d’Empereur
& Reine de France par M. Anthoine Crespin Nostradamus. La mention
provençale a cette fois disparu.
En
ce qui concerne le second passage, le dit Crespin Archidamus (et non
Nostradamus) parle d’almanachs parus sous son nom. Or, nous n’avons
pas
connaissance de ce type de publication annuelle ni sous le nom de
Crespin Nostradamus ni sous celui de Crespin
Archidamus. On a l’impression que l’on a remplacé le nom d’un autre
auteur par
celui de Crespin.
Ce
que nous retenons, c’est que dans les deux passages distants de sept
ans
environ, on met en cause Nostradamus le Jeune et que c’est ce même
Nostradamus
le Jeune dont le nom figure sur la page
de titre de l’ouvrage à la fin duquel
est placé cet avertissement du libraire Nicolas du Mont. Or, à notre
connaissance, cela fait plusieurs années, en 1577, que l’on ne voit
plus
figurer le nom de Nostradamus le Jeune. Même la forme Crespin
Nostradamus n’est plus utilisée depuis 74, remplacée
par celle d’Archidamus. Mais c’est bien sous le nom de Crespin
Nostradamus que
deux textes sont parus chez Nicolas du Mont, en 1571.
Nous
serions donc enclins de voir dans ces passages une opération dirigée
contre Nostradamus le Jeune en ce qu’on
le met dans le même sac que des auteurs se servant à leur façon du nom
de
Nostradamus.
Cela
nous renvoie au dossier Nostradamus Le Jeune qui jette une lumière
assez
singulière sur la succession et le testament de Michel de Nostredame (ou
Nostradame), et sur l’an 1566 et notamment sur la fortune de
l’épitaphe, dont
on connait plusieurs moutures, ce qui pose aussi la question du
personnage de
César Nostradamus dont le nom figure sur une certaine version de la
dite
épitaphe, telle qu’elle est reproduite à la fin de l’édition 1698, de
Lyon, des
Prophéties[1].
Or en 1566, César n’est âgé de 13 ans
environ.
Mais
l’on sait à quel point le cas Crespin est complexe. D’une part du fait
du
changement de surnom, passant de Crespin (dict) Nostradamus à Crespin
Archidamus, seigneur de Haute Ville, autour de 1573 et d’autre part en
raison
de la présence massive dans les écrits de Crespin Nostradamus (et non
Archidamus)
de passages qui se retrouvent dans les Centuries, sans que le mot
« centurie » ne soit utilisé. On peut dire que les publications de
Crespin Nostradamus sont truffées d’extraits de quatrains issus des
centuries prophétiques, ce qui va plus
loin que le simple usage d’un nom propre. On connait aussi l’usage des
quatrains-présages y compris dans les éditions parisiennes des
Centuries datées
de 1588-1589 ou non datées.(empruntant à l’almanach pour 1561).
L’usage de
quatrains centuriques n’ est pas, à notre connaissance, attesté avant
1586/1587. Or les publications de Crespin Nostradamus, avec emprunts
centuriques, se situent dans les années 1570-1573, soit une quinzaine
d’années
plus tôt à une date où les Centuries de Nostradamus n’étaient pas
encore parues..
Nous avons envisagé, récemment, l’hypothèse de deux auteurs ayant
successivement écrit sous le nom d’Antoine Crespin :
le premier, Crespin dict Nostradamus puis Crespin Nostradamus mariant
la prose
et les vers et un second Crespin se surnommant Archidamus qui
produisit surtout des prédictions pluriannuelles, dites
« astronomiques » dans le
style de la « Préface » de Michel Nostradamus « jusqu’à
1570 » dans l’almanach pour 1562 (cf notre récente étude sur
Nostradamus
et l’Italie) et autres prédictions
perpétuelles sur 28 ans. Ce second Crespin, « seigneur de Hauteville »
ayant exercé à partir de 1574.
La
comparaison des pages de titre des deux séries nous a conduit aux
observations
suivantes :
Crespin
Archidamus, en 1573 (chez Benoist Rigaud), se présente comme
‘astrologue ordinaire du dit Roy & de la Royne Princessse de
Savoye et de Monsieur l’Admiral de ce Royaume ». La même formule est
reprise en 1574 dans l’Epistre de profetie de paix, Lyon Jean
Patrasson
Alors
qu’en cette même année 1573, Crespin Nostradamus est désigné (à Vienne,
chez
Nicolas Martin) comme « Astrologue ordinaire du grand Roy & Empereur
de France. Et de
la duchesse de Savoye & de l’Admiral du dit Royaume ». Cette formule
se retrouve en 1571 au titre de la Demonstracion
de l’éclipse lamentable, chez Nicolas du Mont et en 1572 au titre des
Prophéties par l’astrologue du tres chrestien Roy de France & de
Madame la Duchesse de Savoye, Lyon François Arnoullet..
Est-ce
que la Duchesse de Savoie aurait changé de qualité pour devenir «
Royne
Princesse de Savoie » ?
Marguerite
de France, fille de François Ier, sœur
d’Henri II, devint duchesse de Savoie en 1559, à la suite du traité du
Cateau
Cambrésis, et mourut à Turin, le 15
septembre 1574, ce qui explique que Crespin Archidamus ne s’y référe
plus après
cette date. Mais il semble qu’il avait pris l’habitude de ne pas la
désigner en
tant que « duchesse de Savoie », probablement en raison de sa
naissance
royale. Le fait que CrespinNostradamus utilise la forme « duchesse de
Savoie » nous semble donc pouvoir faire problème. Pourquoi aurait-il
changé de
formule aussi soudainement ? Signalons que le nom de Crespin est
familier en Savoie, on le retrouve sous
la forme Saint Crespin (commune proche de Briançon). Certaines de ses
épitres
sont envoyées de Turin. Ce qui pourrait
expliquer un certain attachement de ce « Crespin »,
probablement un savoyard, à sa
« reine » Marguerite de Savoie et la forme particulièrement flatteuse
dont il use...A propos de la Savoie, signalons, par la suite, en 1600
l’Oracle
de Savoie qui met en cause le duc de Savoie (Lyon, Claude Gilet, BNF
Res 8°
Lb35 752)
On
sait que certains détails « tuent ». L’usage de « duchesse de
Savoie » n’est pas attesté sous la plume d’Antoine Crespin Archidamus,
d’où la nécessité de distinguer entre Crespin Archidamus, personnage
authentique et Crespin Nostradamus, personnage fictif, situé non pas
après lui
comme divers imposteurs mais avant lui. Que vaut dès lors le «témoignage
»
de Nicolas du Mont concernant cet astrologue provençal, ce qui recoupe
les
intitulés de 1571 associés à Crespin Nostradamus ? Les textes les plus
marqués par les Centuries sont les Prophéties de 1572 et la
Demonstracion de
l’Eclipse, tous deux signés Crespin Nostradamus. Mais Benazra note (RCN,
pp. 94- 95) que dès la première pièce recensée, à savoir la
Prognostication avec ses présages pour l’an
1571, Paris, R. Colombel, « le
quatrain du titre est une combinaison des quatrains (X, 1) et (VIII,
29), extraits donc du second volet »
Trois
solutions s’offrent à nous :
A- ces
parutions du Crespin dict Nostradamus sont authentiques et on a la
preuve
définitive de l’existence sinon des
centuries du moins des éléments qui les composent, dès la fin des
années 1560 (on trouve une
référence à 1569)
B-
les éditions à 10 centuries étaient déjà parue en 1568 chez Benoist
Rigaud 1568 dont deux textes de
Crespin Nostradamus signalent l’épitre de Juin 1558, in Epistre
envoyée à M.
Crespin Nostradamus et in Epistre à la
Royne Mère[2],
toutes les deux en date de 1573. Or, l’une des épitres est signée
Crespin Nostradamus, et l’autre
Crespin Archidamus, chez Benoist Rigaud. Crespin Archidamus », chez
un petit libraire de Vienne (Dauphiné), Nicolas Martin, pièce calquée
sur l’Epistre
de prophétie de paix, par Crespin Archidamus Lyon, J. Patrasson, 1574.
L’année 1573 est en effet l’année de
jonction entre les deux Crespins.
C -
ou bien ces parutions de Crespin Nostradamus sont des contrefaçons –une
demi-douzaine environ- puisque les autres sont bel et bien de Crespin
Archidamus, encore que la Prophétie
merveilleuse (…) depuis 1590 iusques
1598, dédiée à l’éphémère « Charles de Bourbon X. de ce nom », Paris,
Pierre Mesnier, soit contrefaite à partir des Pronostications
astronomiques du dit
Crespin Archidamus –mais avec des positions planétaires ne
correspondant pas
aux années indiquées- paraissant chez un des libraires parisiens
publiant les
Centuries.(1589 et seq). Nous avons retrouvé une Prognosticatiion
générale du
cieclee soleire (sic) qui se fait en XXVIII ans (…) par M. C.
Archidamus, Lyon, Jean
Patrasson, 1604, un des libraires attitrés depuis le début d’Archidame
jamais
associé à Crespin Nostradamus. Le nom
Crespin a disparu est est remplacé par [3]une
initiale.
Benoist Rigaud
semble avoir été actif dans le lancement
de ce Crespin Nostradamus. S’il a publié du Crespin Archidamus, on le
trouve
également faisant paraitre en 1571 du Crespin Nostradamus. L’Epistre
dédiée à Charles IX,
parait en effet à la fois à Paris chez Martin Le Jeune et à Lyon chez
Benoist
Rigaud, ce que ne signalent pas les bibliographies de Chomarat et de
Benazra.
L’intention de placer ce Crespin Nostradamus au lendemain de la mort
de Michel
de Nostredame est illustrée dans l’Epistre envoyée à M. Crespin
Nostradamus, Lyon, Benoist Rigaud, 1573 envoyée de Constantinople, en
date du 20 septembre 1572 : «
prophéties (..) par le dict Astrologue
surnommé de France Nostradamus nous a
délaissées obscures & involuées tant de luy que du defunct Maistre
Michel
Nostradamus ». Comme on l’a dit les textes de ce Crespin Nostradamus
fourmillent d’emprunts aux centuries,
alors que Crespin Archidamus, par la
suite, étrangement, n’en aura cure.
La
question qui reste posée en cas de contrefaçon concerne la date, le
contexte et le mobile. Le mobile, c’est
évidemment la volonté de valider une parution avant 1570 des
Centuries, ce
qu’est censé confirmer un Antoine Couillard, par ailleurs, avec ses
emprunts à
la Préface à César.
Il y a toutefois une objection : qui prit
connaissance de ces « preuves » ? Ce
que les historiens peuvent connaitre de nos jours était-il conscient à
l’époque ? Est-ce que lorsque « Crespin » utilise tel et tel verset
des Centuries, l’on
s’en rend compte, qui s’en aperçoit ? De même d’ailleurs, peut-on se
demander qui remarque que tel quatrain évoque tel événement quand cela
n’est
pas explicité ? Il faut
probablement faire la part d’une certaine tradition orale comme par
exemple
sous la Révolution, on s’était passé le mot qu’il fallait absolument
aller lire
telle page du Mirabilis Liber dans
telle bibliothèque parisienne.[4].
On est là dans une dynamique de rumeur.
Quant
à la fixation de la période où l’on aurait construit ce « Crespin
Nostradamus » pour valider après coup des éditions elles-mêmes
antidatées, cela se situe dans une logique
d’éditions posthumes, de peu antérieures aux débuts du dit Crespin
Nostradamus (1569-1570) et
donc forcément pas avant l’émergence des dix premières centuries. On
notera que
ces textes attribués à ce Crespin
Nostradamus accordent une grande importance à l’an 1584. C’est assez
logique, chaque génération
d’astrologue ayant ses propres échéances, de vingt ans en vingt ans,
du fait
des conjonctions Jupiter- Saturne qui se renouveellent à un tel rythme/
L’émergence des sixains au XVIIe siècle aura
certainement éveillé un certain scepticisme dont Giffré de Réchac se
fait
l’écho dans son Eclaircissement des véritables quatrains (1656)[5] en
s’interrogeant sur l’authenticité des
quatrains présages, du fait des faux almanachs qui circulaient déjà de
son
vivant, dans les années 1560.. Les éditions du milieu du xVIIe siècle
se
soucient des éditions peu fiables.
Ainsi, en 1668, peut-on lire en tête d’une édition des centuries
(Paris, J. Ribou, sur la copie d’Amsterdam) : « Toutes les autres
impressions ont esté pleines
d’erreurs tant par rapport à l’orthographe des mots qu’à cause de la
substance
des vers qu’on y a changez & à quoy j’ai remédié dans celle cy « . Il
est probable que la publication, sous la Régence, de l’édition Pierre
Rigaud
1566 ait tenté de calmer certaines interrogation qui sont notamment
exprimées
en 1724 dans une « Lettre Critique sur la personne & sur les écrits de
Michel
Nostradamus », (Mercure de France,
Aout 1724, novembre 1724). C’est
probablement pour faire taire certains doutes que l’on se mit à
produire de
fausses éditions datant du lendemain de la mort de Nostradamus. On y
réussit
assez bien en dépit de la bévue du choix du libraire pour Rigaud 1566,
(avec
épitaphe à l’appui) au point que cette
édition soit désignée comme « princeps » chez Torné Chavigny, sous le
Second Empire. Pourquoi ne l’aurait-on pas fait pour ce Crespin
Nostradamus,
garant de la parution à la fin des années 1560 des dix Centuries
d’autant
que la bibliophilie nostradamique prenait son essor, condition
nécessaire à
toute entreprise de contrefaçon ?
Toutefois, la thèse d’un Crespin Nostradamus fabriqué ultérieurement
après la parution des Centuries fait
probléme.,. D’une part,, parce qu’à aucun moment il n’est fait
référence au mot
« centurie » chez Crespin
Nostradamus ni d’ailleurs chez Crespin Archidamus et parce que la
fabrication
de plus d’une demi douzaine de pièces contrefaites semble
disproportionnée.
D’autre part, parce que, contrairement à ce que d’aucuns pensent, on
ne pouvait
pas se prétendre impunémnt un « Nostradamus ». Pour nous, ni
Nostradamus le Jeune ni Crespin Nostradamus ne sont des imposteurs en
recourant
à ce patronyme latinisé.
Nous
proposons actuellement une thèse à trois
niveaux :
1 le niveau Michel le fils (
années 1568-1571)
2 le niveau Antoine Crespin
(années 1571-1586)
3 le niveau César de
Nostredame (1587-1594)
Le
premier niveau s’articule autour de l’ainé de la fratrie, Michel qui,
à part le
fait d’avoir réédité l’Opuscule, s’est contenté de reprendre une
traduction
française prise de l’italien (cf notre récente étude sur Nostradamus
et l’Italie). Il reste l’épitre au duc d’Alençon dont nous ne sommes
nullement certains qu’il soit
l’auteur. Il est tué en 1574 mais on ne connait plus rien de lui après
1571.
Le deuxiéme niveau s’articule, à
partir du début des années 1570 sur Antoine Crespin qui apparait d’
abord
sous le nom de « Crespin dict Nostradamus », au demeurant fort doué
pour l’écriture, surpassant probablement Michel de Nostredame par son
style,
tant en prose qu’en vers. Etrangement, il reprend à son compte dans
les Prophéties dédiées à la puissance divine et
à la nation française un quatrain
utilisé par Nostradamus le Jeune, placé sous le portrait de celui-ci,
lequel figurera en tête de la première centurie.
Le
troisiéme niveau concerne César lequel
se barde, au cours des années 1580, d’une fausse « préface » dans
laquelle Nostradamus lui aurait confié, à lui son fils préféré,
certains documents, en l’occurrence les
centuries. Un César qui semble beaucoup
moins bien formé aux ficelles de
l’astrologie que son frère Michel mais
qui a un fort penchant pour la poésie..
On
aura compris que le plus prometteur de ces trois personages est bel et
bien
Antoine Crespin dit Nostradamus. Ce qui expliquerait que l’on ait fait
les
Centuries en puisant notamment dans son
œuvre. Doit-on d’ailleurs dissocier Antoine Crespin Nostradamus de
Nostradamus
le Jeune ? Certains éléments nous
conduisent à penser que Nostradamus le Jeune a pu opter pour cette
nouvelle
identité. On retrouve le fameux quatrain que Nostradamus le Jeune
mettait en
exergue sous sons portrait, en tête des adresses des Prophéties de
Crespin,
parues à Lyon chez Arnoullet. Ce même quatrain qui se placera en tête
des
Centuries. Le passage de Crespin Nostradamus à Crespin Archidamus
correspond à
la date de mort de Nostradamus Le Jeune en 1574, dans le Vivarais. Le
Crespin Archidamus semble plus fortement lié
à la Savoie que son prédécesseur, cela ressort de la façon, on l’a vu,
dont il
qualifié la duchesse Marguerite de Savoie, « royne & princesse »[6]..
JHB
20.
0 9 12
________________________________
[1] Cf Benazra, RCN, p. 279-280 n’en a pas donné
le texte complet qui comporte mention du diit César
[2]Cf Documents inexploités sur le phenomene Nostradamus, pp. 52-( 53
[3] Benazra, RCNn 105-106
[4] Cf Le Texte prophétique en France, formation
et fortune, Ed. du Septentrion, 1999
[5] Cf notre post doctorat 2007, Le dominicain Giffré de Réchac et la
naissance de la critique
nostradamique au xVIIe sièclen EPHE Ve
sectionn, propheties. it
[6] Cf nos longs développements sur Crespin dans notre présentation du
reprint des
« Prophéties dédiées à la puissance
divine & à la nation française », Ed Ramkat, 2002 |
|
117 - Avatars de l’épitaphe de Nostradamus
Par Jacques Halbronn
Les
éditions d’ouvrages de Nostradamus, quels qu’ils soient, qui
paraissent au lendemain de sa mort ne
comportent pas d’épitaphe même si au titre elles se référent à son
dossier. On
trouve cette épitaphe dans le Brief discours sur la vie de M/ Michel
de
Nostredame (in Première Face du Janus François) ou du moins une
version de ce
texte. Mais peut être ce Brief Discours aura-t-il connu une édition
qui se
serait perdue et dont il serait issue puisqu’il se présente comme un
résumé, un ‘sommaire »[16] ?
Toujours
est-il que d’autres versions du Brief Discours et par là même de
l’épitaphe,
vont circuler au XVIIe siècle et notamment dans les éditions Troyes
Pierre Du
Ruau, dans l’Eclaircissement des Véritables Quatrains de Giffré de
Réchac
(1656), dans leur traduction anglaise de 1672. Le dominicain est allé
voir sur place :
« Il
fut enterré dans l’Eglise des Cordeliers
à main gauche de la porte de l’Eglise, où la veufve fit dresser un
Epitaphe, sur une table de
marbre, attachée à la muraille avec son pourtrait au naturel & ses
armes dont voicy les paroles qui estoient
dessus » L’épitaphe se conclut ainsi : « Anne Ponce Gemelle souhaite à
son mary tres aimable la félicité » (pp 35-37)
Ce
dernier élément est absent dans la version rendue par Chavigny : Le
nom de
la dernière épouse de Michel de Nostredame n’est pas fourni ni à cet
endroit ni dans le cours du récit de la vie de
Nostradamus. On a déjà signalé dans d’autres études que la liste des
enfants de
Nostradams n’est pas non plus la même, la liste de Giffré de Réchac
met en
premier un fils prénommé Michel, alors que dans le Janus, le premier
fils est
César. On pressent une histoire de famille.
En
1698, parait à Lyon, une édition ne
comportant pas la Vie de Nostradamus mais le seul texte de l’épitaphe,
à
l’instar de ce qui se passera lors de l’édition Pierre Rigaud. Dans un
cas,
l’épitaphe est en queue, dans l’autre, il est en tête
Dans le Brief Discours, on lit : ‘Sur son
sepulcre fut inscrit & gravé tel Epitaphe, fait à l’imitation de celui
de
Tite Live (…) qui aujourd’hui se void en
l’Eglise des Cordeliers de Salon où le corps d’iceluy fut ensevely
honorablement & porté. Qui pour estre allégué cy après en Latin tel
qu’il
est insculpé, je le traduyrai ainsi »
On
trouve dans l’édition 1598 avec marqué
« Epitaphe gravée sur le tombeau
de Mr Nostradamus à Salon en
provence, un chapeau en latin absent
ailleurs » En dessous, commence l’Epitaphe par ces mots :
«Michael Nostradamus regis medicus et consiliarius. Opus Cesaris.
Epitaphium .D. O. M.
« Le nom de César de Nostredame y figure en
tant qu’auteur du travail de gravure. Mais à quel moment cela eut-il
lieu ? Le reste du texte est inchangé.
En
tout cas, voici qu’émerge le nom de César. « Opus Cesaris ». La
mention n’en est faite ni dans le Brief Discours, ni chez Giffré de
Réchac.
Un détail : dans le Brief Discours, on dit que Nostradamus est mort
âgé
de 62 ans, six mois et 17 jours alors
que dans la version, prise directement,
il est mort âgé de 62 ans, six mois et 10 jours.
Tout
au long du XVIIe siècle, c’est la version Chavigny du Brief Discours
qui correspond à « Vie de
l’Autheur » annoncée au titre. La seule exception est donc en 1672 la
traduction anglaise de l’Eclaircissement The True Prophecies or
Prognostications of
Michael Nostradamus.
Nombre
d’éditions centuriques ne comportent toutefois pas de « Vie ».
En
1698, nous avons vu qu’une autre version de l’épitaphe est publiée, à
Lyon, qui
ne correspond tout à fait ni à la version du Brief Discours ni à celle
de la description de l’épitaphe telle qu’elle
apparaissait à Salon. Elle nous semble
plus complète que les deux autres. On ignore d’où pouvait bien sortir
un tel
document, qui ne sera pas repris lors dans l’édition Pierre Rigaud
1566/ On sait que la seconde
parti du XVIIe siècle voit reparaitre diverses pièces comme une
version plus
correcte de la Préface à César.
L’épitaphe
nous ramène au testament de Nostradamus de 1566 et dont nous avons
déjà traité
ailleurs. La thèse que nous soutenons présentement est la suivante :
le
texte repris en 1698 pourrait
correspondre au modèle de l’épitaphe, dont on aurait retrouvé le
manuscrit. Le texte gravé sur la tombe
diffère par l’absence du chapeau latin et la mention de César : opus
Cesaris. Enfin, le texte du Brief
Discours en faisant disparaitre et le
nom de la mère et de César correspond à la version la plus répandue.
Mais
Réchac ne propose seulement un texte rétabli de l’épitaphe gravé sur
le marbre
mais aussi d’autres données biographiques relatives aux fils de
Nostradamus.
Or, l’on ignore ses sources sinon qu’elles semblent ici corroborées
par
l’examen de la production nostradamique avec l’évidence d’un rôle
imparti à
Nostradamus le Jeune.
Autre
élément important : le Testament ne semble guère compatible avec la
Préface à César ou plus exactement au fait que le texte de la Préface
soit
adressé à César, ni daté initialement de 1555. Le testament indique en
effet en
1566 que Nostradamus n’a pas encore décidé à quel fils il léguerait
ses
papiers. Tout se passe comme si cette Préface, sous une forme proche
de celle
recueillie par la traduction anglaise (et en français par Antoine
Besson),
était datée de 1566 et ne précisait pas le nom du fils, laissé en
quelque sorte
en blanc.
Préface de Michel Nostradamus adressée à son fils
(……) / A plusieurs reprises, la forme « mon fils » est reprise,
valant pour n’importe lequel de ses fils. Sauf au début où le nom de
César est
présent mais il aura été rajouté, en complément de « mon fils ».
« Ton tard avenement en ce monde
terrien, Cesar Nostradamus mon fils etc » Et aussi à la fin « Prens
donc, mon fils César, ce don de ton progéniteur Michel Nostradamus ».
Le
caractère posthume du texte ne fait guère de doute : « à toy délaisser
un mémoire après la corporelle extinction de ton progéniteur au commun
profit des humains etc »
Il
est clair qu’en 1555, une telle épitre ne faisait guère sens d’autant
que
Nostradamus n’avait pas encore composé une grande partie de son œuvre.
Le ton
se prête mieux à un mourant dont les jours sont comptés et qui a
préparé sa succession. Même en 1566, ses fils sont
encore bien jeunes sans être au berceau.
Pour
notre part, nous pensons que l’ainé de ce nouveau lit portait le
prénom de son père, Michel
(nom biblique) et il n’est pas étonnant que le nom de Nostradamus le
Jeune
apparaisse non pas en tant qu’auteur mais que responsable de la
publication de
certains textes. Il semble que son frère étant mort assez tôt (en
1574), César
ait voulu prendre le relais en promouvant des textes qui n’étaient pas
de son
père, à savoir les Centuries, profitant d’une certaine ambigüité due
au fait
que Nostradamus avait publié des quatrains dans ses almanachs et qu’il
avait
probablement rédigé un « Commentaire » à leur sujet/ « espérant
à toy déclarer une chacune des Prophéties & quatrains cy mis » . Cette
formule se retrouve
dans l’article Nostradamus de la Bibliothèque de La Croix du Maine ;
On y parle des « quadrins ou
prophéties » de Nostradamus, parus en 1556 et un peu plus haut des
«quadrains & prophéties »
C’est, selon nous la forme « Quadrains &
Prophéties » ou « Prophéties
& Quatrains » qui doit prévaloir. Cela signifie qu’il y a d’une part
des Prophéties et de l’autre des quatrains, ce qui décrit fort bien
les deux
volets de l’almanach : les prophéties sont en prose, les quatrains en
vers.
En
fait, si l’on examine les différentes versions de la Préface « à mon
fils », on trouve :
« une
chacune des propheties des quatrains icy mis » (Rosne 1557 Utrecht,
Rigaud
etc)
«every
prophecy of these Stanza’s »
(Garencières, 1672) Le passage ne figure
pas dans Rosne 1557 Budapest.
En
fait, la seule version qui nous semble correcte est celle rendue par
Antoine
Besson, vers 1691, quelques années seulement avant l’édition Lyonnaise
de 1698 porteuse d’une version singulière de
l’épitaphe.
En
supprimant la conjonction de coordination copulative « et » pour la
remplacer par une
conjonction de coordination disjonctive « ou », l’on ouvrait la porte
aux centuries de quatrains prophétiques, avec une extraordinaire
économie de
moyens. Toute la partie en prose était ainsi gommée d’un trait de
plume, et
ce en dépit de l’existence d’un Recueil des Présages Prosaïques.
Selon
nous, donc César dans les années 1580
entend se servir de sa qualité de fils
de Nostradamus pour mettre en place une nouveau travail supposé légué
par son
père. Il se veut désormais chargé de ce qui avait été d’abord dévolu à
son
frère et pour éviter tout débat, il situe l’épitre testamentaire non
pas en
1566 mais au lendemain de sa propre naissance (fin1553). Mais nous
pensons que parallèlement,
il conçoit un nouvel épitaphe pour se poser définitivement en tant que
fils
désigné et responsable de ce que son père a laissé. Et c’est ce texte
qui
reparait en 1698.. Quant au Brief Discours de la Vie de son père il
est également retouché de façon à ce que ce soit bien César qui
apparaisse en tant qu’ainé. Il faut
aussi que le testament soit modifié en conséquence pour qu’il n’y ait
plus
trace de Michel. Mais par précaution, on laisse entendre que ce
Nostradamus le
Jeune est un imposteur, d’où la déclaration prêtée à Nicolas du Mont,
Crespin
Nostradamus la reprenant à son compte.
Mais la vérité résiste et l’état
antérieur de la Vie de Nostradamus réapparait, que l’on retrouve chez
Giffré de
Réchac en 1656.
Mais
pourquoi le nom d’Anne Ponce Gemelle est-il effacé en deux endroits ?
Il y
a là certainement quelque règlement de compte. Peut être s’était-elle
opposée
au subterfuge consistant à attribuer à son époux des textes dont il
n’était pas
l’auteur.
C’est
dire que l’on n’hésitait guère en ces temps là à contrefaire le passé
et
notamment les textes qui en traitent. Mais il est difficile de
supprimer
totalement les documents d’origine et il revient aux historiens de
débrouiller
l’écheveau de tels procédés. En
attendant, l’on peut se demander ce qu’il est advenu du
« commentaire » annoncé par Nostradamus concernant ses
« prophéties » mensuelles, annuelles, an par an, et ses quatrains.
Nous pensons que ce commentaire a été peu ou prou récupéré dans la
première face du Janus François pour les
années allant jusqu’à la mort de Nostradamus, probablement jusqu’en
1565. En
cela, l’édition Paris 1596 comporte une formulation erronée :
Commentaires
du Sr De Chavigny sur les Centuries et
prognostications de feu M. Michel de
Nostradamus. On note la conjonction
« et », ce qui signifie que les Centuries sont les quatrains et les
prognostications les textes en prose, comme dans la version Besson de
la
Préface au Fils. En revanche, l’édition anglaise donne « The true
Prophecies or Prognostications », ce qui porte à confusion. Notons au
XVIIe siècle, la forme «
Vrayes Centuries et Prophéties » qui préserve le ‘et ». et ne doit
pas être lue comme un « ou ». Etrangement, le fait d’avoir nommé
simplement « Prophéties » certaines éditions des Centuries nous
apparait comme une aberration, puisque Prophéties ne saurait désigner
en aucune
façon les quatrains mais bien les textes en prose.
P.
Guinard [17]a
accordé beaucoup d’importance au témoignage de Claude Haton. Il veut y
voir la
pièce maitresse, datant de 1570, concernant la parution des éditions
des
Centuries aux dates de 1555, 1557 et 1560. Citons deux passages des
mémoires de Haton.
Premier
extrait ;
« Pour ce temps entroit en grand bruict ung
astrologue mathematicien de Salon de Craux, en Provance, nommé maistre
Michel
Nostradamus, docteur en medicinne, faiseur de propheties et almanacz ;
lequel,
par sesdictz almanacz et propheties, predisoit mout de cas à advenir
en la
chrestienté, mesmement la desolation d'icelle, et nommement ès pays de
France
et Allemagne, parlant une fois appertement du mal à advenir esdictz
pays, une
aultre fois par termes couvers, enigmes et dictions desguisée ;
principallement
des maux futeurs à advenir à la France, touchant le changement de la
monarchie
françoise, de l'Eglise et de la religion catholicque, chose que les
plus
expertz ne povoient comprandre, jusques à ce qu'ilz ont veu
l'execution des
faictz de laditte prediction ».
Nos commentaires : on mentionne des almanachs et des prophéties, ce
qui
correspond aux publications annuelles des almanachs (pour les 12 mois)
et des prognostications (pour
les 4 saisons), lesquelles pouvaient être extraites de publications
pour
plusieurs années, étant donné que rédiger une pronostication prenait
en gros
trois fois moins de temps que de composer un almanach, lequel comporte
des
quatrains mensuels plus éventuellement un général pour toute l’année..
Second
extrait :« Luy-mesme n'entendoit pas, en maniere de
prophetie, du mal qui est depuis advenu dix, douze et quinze ans après
qu'il
l'a predict et mis par escript : lesquelles predictions ou propheties
ont esté
entendues par l'execution qui en a esté faicte à veu d'œil. »
Que
comprend le lecteur de ce passage ? Que Nostradamus a publié un texte
en
1555 et que l’on a pu vérifier ses dires en 1565, 1567, 1570. Mais
Guinard,
lui, comprend autre chose dans sa recherche laborieuse et tirée par
les cheveux de « preuves » : qu’il y
a eu trois éditions successives (cf supra). La seule question qui se
pose
réellement est la suivante : qu’est ce que cette publication datée de
1555
et qui désignait-elle ou telle année dix, douze, quinze ans plus tard
et l’on
s’arrête là puisque on est en 1570 ? A notre connaissance, avant
Chavigny,
dans la Première Face du Janus François (1594) l’idée que l’on pouvait
interpréter un texte sans tenir compte de la
date à laquelle il est référé ou, pis, sans date du tout si le texte
ne concerne aucune date particulière ne
correspondait pas à une pratique avérée 25 ans plus tôt. On a toujours
félicité
Nostradamus de son vivant pour la précision des années voire des mois,
compliment que l’on aurait eu du mal à lui adresser avec les quatrains
centuriques, - le mot centurie comme le mot quatrain n’étant
d’ailleurs pas
employé par le dit Claude Haton. Mais alors à quelle publication Haton
fait-il
allusion ? Un almanach ou une pronostication ne couvrent qu’un an.
Comme
le note Brind’amour, in Nostradamus
astrophile, cité par Guinard, il
semble bien que le dit Haton songe à des Prédictions pour plusieurs
années dont on connait une édition « mise en lumière » - Prédictions
pour 20 ans - par Nostradamus le Jeune en 1568 mais dont la
première année du recueil de prédictions est 1563 et dont on dispose
d’une
réédition abrégée des années déjà écoulées, en 1571, Présages pour 13
ans, Paris, Nicolas Du Mont. Etonnamment
Guinard réfute le point de vue avisé du chercheur québécois ainsi «
Enfin Brind'Amour croit
qu'il aurait pu confondre les almanachs de Nostradamus avec les
publications,
probablement collectives, signées au nom de Nostradamus le Jeune à
partir de
1571 : c'est très improbable, d'autant plus que la rédaction de son
témoignage
a précédé la sortie de ces publications. » Comment se peut-il que
Guinard
ignore que l’édition citée par Brind’amour n’est qu’une réédition
d’une
impression parue en 1568, à Rouen chez Pierre Brenouzer et que Benazra
cite
(pp. 90-91) dans son RCN paru en 1990, soit quinze ans avant son
article,
ouvrage également signalé par Chomarat dans sa Bibliographie
Nostradamus (p. 63, n°107 ? Il est vrai que ni Benazra ni Chomarat ne
font le lien entre l’édition de 1568 et celle de
1571, alors que l’épitre au duc d’Alençon qui figure dans les deux cas,
à
l’identique, aurait du les mettre sur la voie. Il reste la question
des 15 ans qui implique
une publication du même ordre mais plus
ancienne que celle que nous venons de mentionner. Nous pensons que
Claude Haton
a du avoir dans les mains des Prédictions sur plusieurs années d’une
édition
datant de 1555 et il serait logique que Nostradamus le Jeune n’ait
fait
qu’éditer un type de publication qui était déjà paru, cette fois, sous
le nom
de Michel de Nostredame, couvrant des années antérieures.. Il est vrai
que
Guinard ayant décidé que tout ce qui portait le nom de Nostradamus le
Jeune
était suspect et par là même négligeable, a exclu d’office que
Nostradamus ait pu produire ce type de publication
couvrant plusieurs années alors que c’est justement de cela que traite
Haton.
On
remarquera que Haton quand il écrit «qui est depuis advenu dix, douze
et quinze ans après qu'il l'a predict et mis
par escript : lesquelles predictions ou propheties ont esté entendues
par
l'execution qui en a esté faicte à veu d'œil. » ne se référe pas
nécessairement à 1555. Il peut s’agir d’une publication plus ancienne,
datant
par exemple du début des années 1550 et on ne voit pas pourquoi Haton
jugerait pour ce qui concerne l’année 1570,
non encore achevée vraisemblablement au moment où il écrit. C’est
probablement
ce même type d’ouvrage qui est visé en
Angleterre- et dont P. Guinard tire argument pour attester d’une
édition des
Centuries[18] en
1563, année justement de départ des Prédictions pour 20 ans éditées en
1568. Des archives de librairies ont également interpellé certains
chercheurs
comme Gérard Morisse, à propos de l’usage du mot « Prophéties »
associé un peu vite et un peu tôt avec les Centuries.
JHB
17
09. 12
________________________________
[1] Cf Benazra, RCN, pp. 67-68
[2] Il y a 20 ans, nous avions abordé cette
question dans « Une attaque
réformée oubliée contre Nostradamus (1561) in revue Réforme, Humanisme
Renaissance, n°33, Décembre 1991, que l’on peut
trouver sur Internet.
[3]Cf planches in Chomarat, Bibliographie Nostradamus, pp. 42 et 50
[4] Cf Benazra, RCN, p. 77
[5]CORPUS NOSTRADAMUS 54 -- par Patrice Guinard« Quatre
pronostications sous influence nostradamique »
[6]CORPUS NOSTRADAMUS 65 –« L'édition
Regnault 1561, modèle des éditions parisiennes facétieuses de
1588-1589 «
[7] Reris sur papier en 2008 dans la Revue
Française d’Histoire du Livre
[8](RCN, pp. 118 et seq
[9] Voir le travail de Catherine et Robert Amadou
à ce sujet.
[10] Cf notre étude « Les prophéties et la Ligue. » Paris, 1998
[11] Cf Benazra, RCN, p. 279-280 n’en a pas donné
le texte complet qui comporte mention du diit César
[12]Cf Documents inexploités sur le phenomene Nostradamus, pp. 52-53
[13] Benazra, RCNn 105-106
[14] Cf Le Texte prophétique en France, formation
et fortune, Ed. du Septentrion, 1999
[15] Cf notre post doctorat 2007, Le dominicain Giffré de Réchac et la
naissance de la critique
nostradamique au xVIIe sièclen EPHE Ve
sectionn, propheties. it
[16] J. Halbronn « Contribution aux recherces
bio-bibliographiques sur Michel de Nostredame », Espae Nostradamus
[17]CORPUS NOSTRADAMUS 11 –« Les Mémoires de Claude Haton : un
témoignage exceptionnel sur Nostradamus »
[18]CORPUS NOSTRADAMUS 25 -- par
Patrice Guinard « Les premières éditions des Prophéties 1555-1563 (État
actuel des recherches, repères
bibliographiques, et conjectures)« |
|
118 - Nouvelle approche des éditions parisiennes de la Ligue «
Garde toy bien qu’en ton pays ne vienne/ Il y auroit de terribles
dangers/ En maints contrees, mesme en la Vienne » (Centurie VIII, 6,
Prophéties, Paris, 1588)
Par Jacques Halbronn
L’étude
de Patrice Guinard[6] consacrée aux « éditions facétieuses
de 1588-1589 » ne parvient pas à
expliquer le décalage existant entre le titre de ces éditions et leur
contenu.
Dés 1840, Bareste signalait cette bizarrerie : « En 1589, Pierre
Menier publia sous ce titre une nouvelle édition des Centuries (…) Ce
titre (..) est loin d’être exact
( ;.) car ce volume est encore moins complet que les autres »
Or, un tel
phénoméne ne peut pas être négligé, il indique la tentative de faire
passer une
chose pour une autre, ce qui est une façon de réécrire le passé. Mais
une telle
réécriture implique un certain décalage dans le temps et pose donc la
question : quand cette substitution s’est-elle produite et qui s’en
est chargé ? Probablement pas les libraires dont les noms figurent sur
les
pages de titre datées de 1588-1589 ou sans date et dont les contenus
des
éditions ont été changés. Ces libraires parisiens ne disposent plus
que d’enveloppes vides ou
plutôt « fourrées » de données qui n’étaient pas celles d’origine.
Cela ne signifie pas, pour autant, que nous ignorions en quoi
consistait ce
contenu dans la mesure où celui-ci a été conservé par d’autres voies,
celles
des Grandes et Merveilleuses Prédictions, Rouen 1589 du Petit Val,
Anvers 1590 St Jaure –dont nous pensons qu’elles sont
également antidatées et postérieures aux éditions parisiennes
d’origine- et par les éditions (antidatées) Antoine du
Rosne 1557 (Bibliothèques de Budapest et Utrecht), mais surtout par
l’édition
Cahors 1590 Rousseau, pour le premier volet puisque c’est du seul
premier volet
à sept centuries qu’il s’agit ici.
L’abord des pages de titre est assez déconcertant
puisque les éditions parisiennes portent un titre qui correspond
quasiment au
contenu des éditions Rouen, Anvers, du Rosne si ce n’est que lesdites
éditions
Rouen-Anvers etc ont été à l’évidence toilettées, ce qui donne un
contenu décalé par rapport à leur titre mais surtout
par rapport à celui des éditions parisiennes dont le contenu certes a
été
« trafiqué » mais uniquement pour les centuries VI et VII.. C’est
donc tout un puzzle qu’il importe de
résoudre. C’est en fait un labyrinthe dont il faut savoir s’échapper
quand on y
a pénétré..
P. Guinard nous parle d’éditions de 1561 qui
auraient servi pour les éditions parisiennes datées de 1588-1589. En
effet, les
dites éditions 1561 sont identiques tant en leur titre qu’en leur
contenu aux
éditions parisiennes dont il est ici question. Et c’est bien là que le
bât
blesse puisque nous pensons que ces éditions parisiennes comportent en
fait un contenu plus tardif et
sensiblement différent de ce fait si bien que nous sommes en droit de
penser
que les éditions datées de 1561 ont été fabriquées en même temps que
les
contrefaçons des éditions parisiennes. En revanche, les éditions
Antoine
du Rosne 1557, par ailleurs
antidatées correspondent assez bien au
contenu initial des dites éditions parisiennes et devraient en porter
le titre,
ce qui n’est pas le cas puisque leur titre est aligné sur celui des
éditions
Rouen 1589 et Anvers 1590, si l’on fait abstraction de la formule
« Grandes et Merveilleuses Prédictions » avec la même maladresse «
dont il en y a
« au lieu de ‘dont il y en a ». En fait, comme on l’a dit, toutes ces
éditions sont suspectes, à un
titre – c’est le cas de le dire – ou à
un autre mais aussi sont porteuses d’informations qui peuvent faire
défaut
ailleurs. C’est ainsi que la centurie IV des éditions parisiennes,
avec la
marque additionnelle après le 53e quatrain se présente comme d’un seul
tenant dans les éditions du Rosne
1557, ce qui dénote une présentation tardive. D’où une chronologie
bibliographique très délicate à reconstituer et qui ne correspond
guère à ce
que nous en propose P Guinard dans son travail.[7].
La thèse que nous défendons ici en ce qui concerne
les éditions parisiennes de la Ligue peut se résumer ainsi : le fait
que
dans ces éditions la centurie VI soit inachevée alors qu’elle est à
100
quatrains ou en tout cas à 99 dans l’édition Cahors 1590 que nous
prendrons
pour référence car c’est la seule dont la date soit authentique pour
cette
période, ne signifie pas, comme nous avions pu le proposer à un
certain stade
de nos « recherches » (cf Halbronn’s researches (HR) sur
propheties.it) que nous soyons face à un stade antérieur de la
formation de la
dite centurie VI et de la centurie VII mais ) un stade postérieur de
déconstruction délibérée et donc d’occultation. Là est bien le débat.
En ce
sens, Benazra n’a pas tort[8]de parler de quatrains manquants si ce
n’est qu’ils ne le sont pas au regard
d’éditions datées des années 1550 mais bien des années 1588-89, vu que
ces
éditions parisiennes qui nous sont parvenues et leurs calques datées
de 1560 sont à dater pour une période plus
tardive qui reste à préciser.
P. Guinard reléve après Benazra qu’un certain nombre
de quatrains manquent dans les dites éditions parisiennes, non pas
seulement ceux de la centurie VII et
de la fin de la centurie VI et qu’ils
ont été remplacés par des quatrains déjà existants et qui auront été
remaniés
pour faire illusion. « Dans tous ces quatrains répétés, note Benazra,
l’ordre des vers a été changé pour dissimuler la répétition etc » Au
total, comme le note Guinard, 39 quatrains ont été ainsi évacués qui
s’ajoutent
aux 39 quatrains de la VII plus aux quatrains de la fin de la centurie
VI, qui s’arrête au 71e dans Mesnier
1589 et au 74e dans Mesnier sans date. Cette centurie VI comporte en
outre un 100e quatrain qui, lui, fait défaut dans toutes les
éditions connues du moins jusqu’aux éditions du siècle suivant sans
parler de
la Première Face du Janus François qui
le commente. (1594), ce qui est l’indice d’un certain problème au
regard de la
fin de la Vie centurie dont la cause n’a pas été identifiée. On aurait
donc
plus d’une centaine de quatrains ainsi supprimés et remplacés ou non,
on peut
parler d’éditions expurgées, ce qui n’est nullement à mettre sur le
dos des
éditions parisiennes d’origine (Veuve Roffet, Charles Roger et Pierre
Mesnier) qui ne s’en référent pas moins
à une édition du vivant de Nostradamus pour l’an 1561 qui n’a pas été
retrouvée
mais dont le contenu correspond à la centurie VII de l’édition Cahors
1590. En
effet, les éditions pour 1561 qui nous
sont parvenues (Barbe Regnault, Veuve
Buffet) sont calquées sur les fausses
éditions parisiennes expurgées.
Il nous faut revenir sur ce qu’écrit Benazra sur ces
éditions datées de 1561, et sur ce qu’apporte à ce sujet P. Guinard :
« Onze des douze quatrains de la VIIe centurie, note Benazra, ont donc
été empruntés à l’Almanach pour 1561 ». On nous explique que le fait
que cet almanach ne comporte
pas les quatrains de l’an 1561 est la preuve que les dits quatrains
ont été
placés en lieu et place de la centurie VII dans l’édition des
centuries, en cette même
année réalisée par Barbe Regnault comme si Barbe Regnault était censée
publier
les quatrains de Nostradamus alors qu’elle produit des contrefaçons de
ses
almanachs. On sait que c’est Guillaume Le Noir, également à Paris, qui
s’en est chargé, notamment depuis que des
éléments de plusieurs exemplaires
ont été retrouvés[9]à la Bibliothèque Sainte Geneviève. Reste à
comprendre comment ces quatrains sont parvenus à la connaissance
des auteurs de ces éditions expurgées, ce qui repose la question de la
date de
la réalisation des dites éditions. A présent que l’on connait
l’existence du Recueil des Présages Prosaïques édité
par Chavigny, dont est conservé le seul manuscrit à la Bibliothèque de
Lyon
La Part Dieu – (Grenoble, 1589), l’on peut tout à fait se dispenser de
la thèse de la duplication,
sous la Ligue, d’une édition Barbe Regnault des Centuries. 1561.
.
Abordons à présent le contenu des éditions expurgées dont on connait
au moins quatre
présentations différentes au niveau des pages de titre, comme on l’a
vu plus
haut. Elles sont expurgées certes mais
elles sont aussi truffées de nouveaux éléments à savoir une centurie
VII
constituée des quatrains de l’almanach pour 1561 que Nostradamus a
fait
paraitre, et une centurie VIII qui rassemble quelques quatrains
lesquels ne figurent pas dans les autres
éditions. En ce qui concerne les
quatrains de l’almanach pour 1561, l’explication nous semble assez
simple : étant donné que les éditions à modifier comportaient en leur
titre l’an 1561, l’idée de placer les quatrains de l’almanach pour
cette année
a du se présenter sans qu’il faille accorder un intérêt particulier
aux dits
quatrains. Quant au choix initial de l’an 1560/1561, il reléve d’une
logique
simple à savoir que l’on est dans un scénario selon lequel Nostradamus
aurait
ajouté un certain nombre de quatrains ou articles à la Vie centurie.
Il
convenait donc de situer cet ajout à une date convenable/ On a pris
1561 comme
on aurait pu aussi bien prendre toute autre date comme 1560 ou 1562.
On laissera de côté les 39 quatrains épars qui ont
été évacués et qui correspondent aux 39 quatrains additionnels dont il
est question au titre. Il semble
qu’initialement l’on ait voulu purement et simplement remplacer la
VIIe
centurie par ces 39 quatrains de façon à masquer la suppression des 39
quatrains
de la dite centurie et que l’on y ait renoncé, sans rétablir les
choses en
l’état. Il est possible que le choix de ces 39 quatrains supprimés ait
été purement aléatoire. On a vu qu’une
autre formule s’est imposé, celle de mettre les quatrains de
l’almanach pour
1561, ce qui avait l’avantage de recourir à un document authentique
d’époque.
On en restera donc à l’examen du dernier tiers
supprimé de la centurie VI et de l’addition des quatrains de la VIII.
A Les
quatrains supprimés de la Vie centurie
On peut penser que l’on aura visé des quatrains
favorables à la Ligue et aux Guises évoquant peut-être l’assassinat du
duc à
Blois, en 1588. Ce qui est plus surprenant c’est plutôt que ces
quatrains
supprimés aient survécu dans l’édition Cahors 1590 et les suivantes.
D’ailleurs, les six quatrains de la VIIIe
centurie figurant dans ces éditions expurgées seront conservés dans
les
éditions du siècle suivant (à commencer par Du Ruau (c 1644) qui à la
différence de Chevillot (c 1650) comporte les Présages), en annexe de
la
centurie VIII du second volet (« Autres (sic) cy devant imprimées
soubz la Centurie
huictiesme ») alors que les
quatrains de la VII empruntés à l’almanach pour 1561 seront placés à
la suite de la centurie VII, au premier volet
(« Autres prophéties cy devant imprimées soubz la Centurie
sesptiesme ») mais uniquement les quatrains ne figurant pas dans la
section Présages de 1555 à 1567 constituée à partir de la Première
Face du Janus François, les autres quatrains n’ayant pas
été identifiés faute d’accès alors à la série complète. On se situe en
effet
pour ces éditions avec annexes au milieu du XVIIe siècle et l’on ne
dispose
plus des sources ayant servi à constituer la centurie VII de
substitution, à savoir leRecueil des Présages Prosaïques.
Ces 6 quatrains constituent bel et bien le cœur du
message de ces éditions contrefaites car une suppression ne fait sens
que pour
ceux qui ont connaissance de ce qui a été supprimé. On notera que le
dernier
quatrain comporte un vers assez disloqué : « Las quel de siront (sic)
Princes estrangers/ Garde toy
bien qu’en ton pays ne vienne/ Il y auroit de terribles dangers/ En
maints
contrees, mesme [lire surtout] en la Vienne ». Pourquoi terminer sur
la
Vienne ? La Vienne désigne des territoires contrôlés par les
adversaires
de la Ligue, on pense à Chinon, arrosé
par la Vienne, non loin de Tours. En fait, cela rejoint le quatrain IV
46[10]qui a été ajouté à une première mouture
à 349 quatrains :
« Garde toyTours de ta proche ruine ».
On notera la similitude du style :
« Garde toybien qu’en ton pays ne vienne/ Il y auroit de
terribles dangers/ En maints contrees, mesme [lire surtout] en la
Vienne »
On peut donc placer cette production dans le camp de
la Ligue, ce qui laisserait a contrario entendre que l’édition que
l’on
entendait expurger était trop favorable au camp hostile aux Guises.
Cela nous conduit évidemment à réfléchir sur
l’origine des quatrains qui constituent les Centuries. Il semble que
celles-ci
aient été tiraillées entre les camps en présence, d’où des additions
et des
suppressions. On peut d’ailleurs se demander s’il ne faudrait pas
inverser les
analyses et envisager que ce que nous avons appelé des éditions
expurgées
auraient précédé les autres éditions mais la suppression de 39
quatrains plaide
dans l’autre sens. Nous pensons que l’on doit situer ces éditions
« pirates » dans les années qui précédent immédiatement l’avènement
d’Henri de Navarre, soit entre 1590 et 1593, car après cela n’aurait
plus eu
beaucoup de sens, paraissant en parallèle avec l’édition Cahors 1590
favorable à Henri de Navarre et qui allait se
voir ajouter trois centuries annonçant
sa victoire et son couronnement (cf. IX, 86). On peut se demander si
le premier
volet n’a pas été constitué par un premier train de 353 quatrains
incluant le
quatrain « anti-Tours » IV 46 lequel aurait pu être supprimé dans
certaines éditions à 349 quatrains. Le passage à 6 centuries aurait pu
être le
fait du camp Bourbon. Puis on aurait produit, vers 1591 une édition
anti-Bourbon avec le quatrain terminal VIII, 6 avant d’en revenir,
vers 1593 à l’ensemble à 7 centuries dont 40 puis
42 à la VII, mais accompagné de trois nouvelles centuries favorables à
« Navarre » alias Mendosus (anagramme de Vendôme) ensemble intégré
par Chavigny dans la Première Face du
Janus François.
Il nous apparait, au bout du compte, que les
éditions parisiennes de la Ligue comportant la centurie VIII sont
authentiques.
Ce sont ces éditions qui se substituent à des éditions antérieures
disparues et
qui emanaient du camp adverse dont on aura supprimé un certain nombre
de
quatrains qu’on ne souhaitait pas mettre au crédit de Nostradamus.
Nous
percevons là une sorte de va et vient entre les deux camps
s’articulant autour
de IV, 46 » Tours » correspondant à une édition corrigée à 4
centuries et 53 quatrains à la IV, puis une édition favorable à
Navarre à six
centuries (disparue que l’on retrouve dans Rouen 1588 par exemple)
puis une
édition ligueuse autour de VIII, 6 ‘Vienne » qui fera long feu, puis
une
édition à dix centuries, favorable au nouveau roi.
JHB 17. 09. 12 |
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HR 119 - Les tribulations du nostradamisme au prisme de l’Italie
Par Jacques Halbronn
Les relations entre la France et l’Italie dans les années 1560 sont
d’un grand intérêt et méritaient qu’on s’y intéressât de plus près.
Disons d’entrée de jeu qu’elles ne sont pas à sens unique et qu’elles
font apparaitre des problèmes récurrents tout au long de l’Histoire du
nostradamisme. C’est ainsi en Italie que nous trouvons les premiers
commentaires de textes attribués à Nostradamus, avec les « breve
annotationi » de Francesco Barozzi, dans son Pronostico Universale
pour 1565-1570 (cf infra). Signalons que l’almanach de Nostradamus
pour 1563 sera dédié au général cousin du pape, François Fabrice de
Sarbellon, l’épitre, datée du 20 juillet 1562, étant en italien.[16].
Mais jusqu’à présent l’on n’avait guère signalé[17] quels étaient les
textes qui avaient été traduits de français en langue italienne.[18].
On se heurte en outre à un souci que nous avons déjà signalé, à savoir
que les pages de titre ne correspondent pas toujours à leur contenu.
Alors que le Pronostico Universale (..) il qual comincia dal principio
dell’anno 1565 & finisce al principio dell’anno 1570 (Bib Mazarine)
couvre successivement les années indiquées, en revanche un titre tel
que « Li presagi et pronostici di M. Michele Nostradamo quale
principiando l’anno MDLXV diligentemente discorrendo di Anno in
Anno[fin] al 1570, n’est en fait consacré qu’à l’année 1565 et a le
même type de contenu que « ‘Il vero Pronostico » pour l’année suivante
1566[19]. On trouve dans les Presagi et pronostici une épitre à Pie
IV, dont Nostradamus est présenté comme l’auteur : « Michele
Nostradamo medico di Salon de Craux in provenza ; Alla Santita di Papa
Pio IIII. di questo nome composto. ». Mais le même texte reparait
adressé au Duc d’Orléans, l’année suivante. Il faut y voir
vraisemblablement une mauvaise restitution d’Alençon, jeune frère du
roi de France, auquel une certaine littérature nostradamique a coutume
de s’adresser , comme Crespin qui, dans sa Pronostication et
prédiction des quatre temps pour 1572, Lyon, Melchior Arnoullet, sous
prétexte de s’adresser au prince finit par interpeller Charles IX, son
frère.. Rappelons que Nostradamus a bien dédié son almanach pour 1562
au même souverain pontife, Pie IV. Si l’almanach ne couvre que l’année
en question, en revanche, l’épitre va de 1562 à 1570.
-Almanach pour 1562 (Paris, Guillaume Le Noir & Jean Bonfons) : « J’ay
calculé dans la présente Préface manifestant iusques à l’an 1570 là
environ que au commencement de ma calculation j’ay communiqué à la
sérenissime maiesté de la Royne mere regente de France (…) espérant en
brief faire entendre à V. S. œuvres de plus longue durée » (17 mars
1561). On notera l’usage du mot « préface » que l’on trouve dans la «
préface à César ».
Cette « préface » est en fait bizarrement absente de l’almanach
conservé puisqu’elle y est annoncée- et c’est elle qui comporte les
pronostics pour la période allant jusqu’en 1570, terme conservé dans
les éditions italiennes.
-On la trouve, en revanche, dans le manuscrit[20] précédée d’une
épitre datée de quelques semaines plus tard, au 20 avril 1561.
« Comme aussi par le sommaire que j’ay calculé en la préface suivante
iusques à l’année 1570 là environ. Laquelle préface au commencement de
ma calculation ie communiquay à la sérenissime Maiesté de la Royne
mère Régente de France etc » c'est-à-dire l’Italienne Catherine de
Médicis, de Florence.
On en connait en fait une version abrégée qui est celle du dit
almanach et une version longue dont un manuscrit a été conservé –
signé de Nostradamus reproduit en 1906 sous le titre « Reproduction
tres fidele d’un manuscrit inédit de M. de Nostredam. Dédié à S.S. le
pape Pie IV. (Marienbourg, avec une épitre au pape datant du 13
décembre 1906.,. Les traductions italiennes qui se référent à la
période allant de 1565 à 1570 en seraient extraites, tout en
conservant le principe d’une adresse au même pape Pie IV. Ce procédé
de raccourcissement est connu ; c’est ainsi que les Prédictions pour
vingt ans, dont on connait une édition « Nostradamus le Jeune » pour
1568 reparaitront en 1571 sous le titre « Présages pour treize ans » (cf
infra)
Normalement, l’almanach pour 1562 aurait du paraitre avec cette «
Préface ». Il est possible que l’exemplaire qui nous est parvenu (conservé
à Bruxelles) ait été élagué et qu’il ait existé une impression
compléte du dit almanach.
Les versions italiennes présentent la Préface comme étant l’Epitre au
pape, et du fait des années écoulées ne commencent, comme indiqué en
leur titre que pour 1563, sans préciser que Nostradamus avait écrit
cette Préface dès 1561.
PRONOSTICO DELL'ANNO M.D.LXIII Coposto & calculato per M.Michele
Nostradamo, Dottore in Medicina di Salo di Craux in Proveza (…) Nel
quale si cotiene la dechiaratione di tutti qsti Anni del 63. fino al
70. dedicata al nostro Santissimo padre Papa Pio Quarto Con privilegi
di papa pio Quarto, & dell'i tutti i s. Signor Duca di Fiorenza, &
Siena.
On en connait une édition italienne qui part de 1565 sous un autre
titre qui est plus cntré sur la « Préface » : Li Presagi et Pronostici
di M. Michele Nostradamo quale principiando l’anno MDLXV
diligentemente discorrendo di Anno in Anno fin al 1570. Il semble que
l’éditeur italien ait complété dans chaque cas le texte de Nostradamus
par une étude plus ample de l’année de parution et l’on peut se
demander si Francesco Barozzi n’a pas cru qu’il s’agissait là d’un
texte de Nostradamus alors que ce n’était qu’un ajustement d’origine
locale..
Ajoutons que cette même Préface sera réadressée au Duc d’Orléans dans
une autre édition italienne. Quant au commentaire de Barozzi, il se
greffe bel et bien, mais uniquement à partir de 1565 sur la dite
Préface. On notera que dans l’Epitre au Pape, Nostradamus exprime le
souhait . Le texte du manuscrit recoupe celui de l’imprimé « esperant
en brief luy faire voir une œuvre de plus longue haleine et durée ».
On a l’impression que Nostradamus entendait par là couvrir par ses
prédictions des périodes plus longues, ce qui correspond à la logique
d’un astrologue qui sait qu’il ne vivra pas encore très longtemps –il
décédera en 1566- et souhaite laissser néanmoins des présages pour des
périodes allant bien au-delà de sa durée de vie. Mais est-ce que ce
document est celui que va mettre en lumière un Nostradamus Le Jeune en
1568, avec les Prédictions pour vingt ans ? Il y aura là un subterfuge
que nous avons détecté..
Pour ce qui est des Prédictions pour 20 ans, il s’agit, en effet, d’un
tout autre scénario en quelque sorte inversé; nous avons, en effet,
retrouvé l’ouvrage dont s’est servi Nostradamus le Jeune. Il est
d’ailleurs conservé à la Bibliothèque Nationale. Et cet auteur est
italien. Il s’agit de Pamphilius Riccius (Panfilo Riccio), florentin,
chevalier de l’Ordre de Saint Etienne, dont la Réserve de la BNF (V
1368) possède une publication datant de 1556 et qui est une
pronostication annuelle.. Pronostico overo giuditio, passant en revue
le destin des principaux princes de ce monde, y compris celui du roi
de France, qui fait suite au pape et à l’empereur jusqu’aux roitelets
italiens. La série se retrouve en 1565 (BNF, V1192), à Padoue et à
Brescia, en concurrence donc avec « Nostradamo ». On observe
d’ailleurs la même présentation avec référence à 1570 qui n’indique
plus une étude an par an comme avec Barozzi : Pronostico overo Iudicio
(….) per l’anno corrente 1565. Dove si narra tutte le cose che hanno
da succedere per tutto l’anno 1570 »
Mais l’ouvrage qui nous intéresse directement avait pour titre Il vero
giudicio per anni vinti cominciando l'anno 1564. Continuando di anno
in anno per fino a l'anno 1583. Il qual Narra Cose Marauigliose, e
degne di gran consideratione, Estratto fedelmente da moderni autori -
ouvrage publié à Rome chez Paris Mantouano (alias il Fortunato) et
imprimé par Antonio Blado, 1564 ( Biblioteca dell'Accademia nazionale
dei Lincei e Corsiniana – Rome) dont la BNF a un exemplaire paru à
Padoue, avec une vignette représentant un astrologue.(BNF, V 1368)
.
Ricci était l’auteur de pronostications perpétuelles (perpetuie
pronostici) dont une éditons parut à Bologne, en 1565. chez Alessandro
Benaccio, 1565. Or ce même Benaccio a publié Il vero pronostico de
Nostradamo pour 1566..[21]. Ces « prophéties perpétuelles »
paraissaient avec chaque fois un point de départ différent, par
exemple en 1573, comme pour ces Perpetue naturali pronostici della
mutatione de tempi tolti dalli moderni Autori con il vero giudicio per
anni dieci cominciando l’anno 1573 continuando perfino tutto l’anno
1583.Estratto fidelmente da molte profetie per Missier Panfilio Riccio,
(BNF res V 1203) .elles fonctionnaient selon un cycle de sept ans liés
aux sept « planétes » (luminaires inclus) se répétant indéfiniment
sans aucun lien avec la réalité astronomique.
Or, il existe une traduction française, imprimée en 1565, à Vianen,
par A. Christiaenz La Vraye prediction pour 20 ans commençant l’an
1564 (…) iusques en l’an 1583, trad.. fr de M. E.B/
L’ouvrage, traduit en français[22], comporte une épitre adressée au
Cardinal Saint Fiore, datée du 31 décembre 1564, et qui sera reprise
telle quelle par Nostradamus le Jeune en l’adressant cettte fois au
duc d’Alençon. Cette épitre figure déjà dans nombre d’éditions
italiennes.
Succés européen puisqu’on en connait également une version en langue
allemande : Des Prognostica Hochgelehrten Astronomi Pamphili Ricci
Florentini vor zwentzig jaren vom bocal 64 bis auff das pot de 1583,
imprimée à Vianen (près d’Utrecht) comme la traduction française.
Il semble que l’on n’avait pas jusqu’alors pris la mesure de la
fortune de l’ouvrage de Ricci en France, au sein du corpus
nostradamique, en dépit de la collection de prédictions italiennes
dont dispose la BNF tant concernant Nostradamus que Riccius,
Nostradamo que Riccio. C’est en recherchant dans le catalogue opale
par les noms du titre et non par auteur, que nous avons découvert
l’existence de l’ampleur de cette collection concernant les années
1560-1570.
En relisant les Prédictions pour 20 ans continuant d’an en an iusques
en l’an 1583 (..) extraictes de divers auteurs etc (…) reveues & mises
en lumière par Mi. de Nostradamus le Jeune» parues en 1568, à Rouen,
chez Pierre Brenouzer (BNF), également en 1569, chez un autre libraire
de la ville, ¨P. Hubault (British Library), nous avions été intrigués
par le caractère axé sur l’Italie des textes, ce qui était assez
insolite pour une publication française et c’est alors que l’idée nous
vint de comparer les Prédictions année par année chez Ricci, en
Italien et chez Nostradamus le Jeune. Il devint évident que l’on était
en face d’une traduction française de l’italien. Ainsi ce passage pour
l’an 1566 qui nous sembla assez insolite : « Au Royaume de Naples, en
Lombardi, en Friol et en France » ou pour 1568 « Et l’Italie
triomphera comme jadis elle a faict du temps de Iulius Caesar &
l’aigle blanche perdra les ailes (..) et sera renouvelée la cruauté
d’Attila contre ceux qui auront esté ennemis d’Italie restaurée » Bien
entendu, les Présages pour treize ans parus en 1571 à Paris, chez
Nicolas Dumont sont dans le même cas mais cela vaut aussi, avec des
retouches mineures pour les Prédictions des choses plus mémorables qui
sont advenues depuis cette présente année iusques à l’an mil cinq cens
quatre vingt & cinq, Troyes, Cl. Garnier, BNF) dont nous avons
souligné qu’elle ne se référait pas, à la bibliothèque de Nostradamus
comme le font les Présages pour 13 ans et paraissait parallèlement,
toujours sous la houlette de Nostradamus le Jeune...Le produit n’avait
pas la même présentation à Rouen et à Troyes. Signalons que Jean du
Ruau, un autre libraire de Troyes, prédécesseur de Pierre du Ruau,
avec une vignette nostradamique typique mais originale un almanach
pour l’an 1574 composé par le disciple M.M. Notradamus, dont on a une
édition parisienne pour 1561, avec la variante « M. Michel Nostradamus
»’ chez la Veuve N. Buffet, qui se verra gratifier d’une édition des
Centuries, au même titre que Barbe Reganult..
Les Prédictions pour 20 ans sont un ouvrage qui appartient au genre
des prophéties perpétuelles, d’an en an(cf la forme « Vaticinations
perpétuelles » dans la Préface à César). Il faudrait prendre
connaissance de ce qui parut avec ce titre (cf. supra) sous le nom de
Pamphilus Riccius. Il est possible que Michel Nostradamus en ait fait
un certain usage mais nous n’avons pas la certitude qu’il utilisait le
système de correspondance entre années et planétes. Ce qui est certain
que Nostradamus le Jeune exploita largement cette formule qu’il
déclina de diverses façons.
La question reste posée de savoir si Nostradamus le Jeune était ou non
le fils ainé de Michel de Nostredame. Qu’il se soit approprié la
traduction française déjà existante des Prédictions pour 20 ans de
Riccius est une chose, qu’il ait été un usurpateur du nom de
Nostradamus en est une toute autre. Nostradamus le Jeune n’a jamais
prétendu que les dites Prédictions étaient l’œuvre de Nostradamus. Or,
il n’en est pas de même pour ceux qui lui attribuèrent les « Centuries
», à commencer par César.
Toutefois, il est possible que Nostradamus le Jeune (qui serait décédé
dramatiquement en 1574 devant Le Pouzin(Vivarais) ait apporté des
éléments qui ne figuraient pas chez Riccius en ce qui concerne les
années 1584 et 1585 qui ne figurent pas chez l’astrologue italien mais
que l’on trouve dans les Prédictions Mémorables (..) jusques à l’an
1585 mais il a fort bien pu les prendre chez Leovitius qu’il cite
d’ailleurs.
.Etrange circuit en tout cas que suivent les échanges entre la France
et l’Italie. On nous dit que Nostradamus est traduit en italien et on
oublie de signaler que Riccius est repris, sans que son nom ne soit
mentionné, dans la production nostradamique. Le libraire de Bologne
Alessandro Benacci jouait sur les deux tableaux, il publiait aussi
bien Riccius que Nostradamus. En 1565, il fait paraitra les Perpetui e
naturali pronostici della mutatione de tempi etc (Bibl. Communale
dell’ Archiginnasio, Bologne)
Le cas de Barozzi, le premier commentateur de Nostradamus est aussi
assez singulier puisqu’il semble bien qu’il ait eu sous les yeux, pour
ses « brèves annotations » un texte de Riccius, année par année.
Il reste que Nostradamus le Jeune a suivi les intitulés de Ricci à la
lettre en se substituant à lui puisque Ricci lui-même ne prétendait
pas être l’auteur des dites Prédictions : la formule finale du Vero
Giudicio est en effet « Estratto fedelmente da molte profetie per M.
Panfilo Riccio (…) con somma diligentia revisto & posto in luce », ce
qui est rendu mot pour mot dans les éditions françaises par «
lesquelles ont esté en grande d’iligence (sic) mise en lumière par M.
Michel de Nostradamus le Jeune, Docteur en médecine » (Troyes, 1571)
ou ailleurs « à tres grand’ diligence reveues & mises en lumière par
Mi. de Nostradamus le jeune » (Rouen, 1568 et Paris, 1571). Signalons
cependant la Pronostication peppetuelle (sic) Recueillie de plusieurs
Autheurs, par Maistre Michel Nostradamus, . Paris, Jean Bonfons [23]
Il sera intéressant, à terme, de comparer la première traduction
française, conservée à Amsterdam (Bibl. Univ. cote OK 78-125), avec
les éditions de Rouen, de Paris et de Troyes pour apprécier plus
précisément l’apport de Nostradamus le Jeune. On ne peut exclure que
celui-ci n’ait également publié d’autres textes qui n’ont pas été
retrouvés, comme ces « commentaires » de ses « prophéties & quatrains
» que Nostradamus entendait faire connaitre, au vu de son testament,
comme il ressort de la Préface à César laquelle fut peut être remaniée
en substituant au nom de « Michel mon fils », celui de « César mon
fils. ». .
JHB
21. 09. 12
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[1] (Les guerriers de Dieu La violence au temps des troubles de
religion (vers 1525-vers 1610) Préface de Pierre Chaunu Avant-propos
de Denis Richet Champvallon, 1990 p. 129)
[2] Sur cette libraire, Cf Ruzo, Testament, pp ; 259 et seq
[3] Sur le choix du nom de César, cf Ruzo, Testament, p. 84
[4] Cf M. Chomarat, Bibliographie Nostradamus, p. 36
[5] (Livre XIII, Lettre VI) »
[6] Ruzo considére (Testament, p. 44) que la dernière centurie est la
septiéme alors que c’est la sixiéme à laquelle la VIIe sert
d’appendice.
[7] Cf Documents inexploités sur le phénoméne Nostradamus
[8] Cf Notre ouvrage Papes et prophéties, Ed Axiome,2005
[9] Cf Ruzo, Testament, p ; 304
[10] Aticle in revue Autre Monde, février 1986, n¨° 103
[11] Le texte prophétique en France, Ed. du Septentrion 1999
[12] Cf Benazra , RCN, pp ; 52-54
[13] Cf Paul de Saint Hilaire, Ainsi parla Nostradamus, Bruxelles 1982
[14] Cf Le dominicain Jean Giffré de Réchac et la naissance de la
critique nostradamIque, propheties.it
[15] Cf nos Documents inexploités sur le phénoméne Nostradamus. Ed
Ramkat
[16] Cf R. Benazra, « Le détective d’Orange ».
€[17] Cf Benazra, RCN, pp. 67-68
[18] Il y a 20 ans, nous avions abordé cette question dans « Une
attaque réformée oubliée contre Nostradamus (1561) in revue Réforme,
Humanisme Renaissance, n°33, Décembre 1991, que l’on peut trouver sur
Internet.
[19] Cf planches in Chomarat, Bibliographie Nostradamus, pp. 42 et 50
[20] Cf L'astrologie de Nostradamus horoscopes / Robert Amadou,
Salon-de-Provence ; [Paris] R. Amadou, 1987 et Poissy : ARRC, cop.
1992
[21] Cf Benazra, RCN, p. 77
[22] Dont nous avons obtenu une copie de la Bibliothèque de
l’Université d’Amsterdam grâce à la diligence de notre ami Theo Van
Berkel
[23] CORPUS NOSTRADAMUS 54 -- par Patrice Guinard « Quatre
pronostications sous influence nostradamique »
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120 - La grande « Préface » oubliée de Nostradamus et l’épitre au
pape Pie IV de 1561
Par Jacques Halbronn
Les textes en prose de Nostradamus sont dans l’ensemble fort mal
traités par les nostradamologues du fait de la priorité accordée aux
quatrains et les seuls qui soient intégrés au sein du canon centurique
sont loin d’offrit toutes les caractéristiques de l’authenticité,
ayant été retouchés ici et là, tant et si bien que l’on ne connait que
fort mal la démarche prévisionnelle de Michel de Nostredame. Bien pis,
ne disposant pas de tous les éléments en prose, on se prive
éventuellement des sources ayant pu servir à la composition des
quatrains centuriques, quel qu’en soit par ailleurs l’auteur. .
Nous voudrions mettre l’accent ici sur un texte totalement absent des
impressions nostradamique parues en français mais dont certains
éléments furent traduits dans les années 1560, en langue italienne,
dans des conditions que nous n’avons fait jusqu’à présent qu’évoquer
rapidement (dans une précédente étude sur Nostradamus et l’Italie).
Heureusement, nous disposons d’un manuscrit comportant le texte en
question sous sa forme française, imprimé en 1906 ( « Reproduction
tres fidele d’un manuscrit inédit de M. de Nostredame »[12]) et l’on
peut regretter que Bernard Chevignard n’ait pu poursuivre son édition
du Recueil des Présages Prosaïques au-delà des années 1550. On dispose
certes du manuscrit du dit Recueil, conservée depuis une vingtaine
d’années à la Bibliothèque de Lyon La Part Dieu (Réserve)) mais il est
dans un état assez médiocre...Nous n’en avons pas moins pu comparer
les deux manuscrits qui se recoupent et nous observons ainsi que
l’imprimé qui nous est parvenu est très incomplet. On retrouve en
effet tant dans le manuscrit (pp. 36 et seq) de l’almanach pour 1562
que dans le Recueil des Présages Prosaïques des Prédictions (pp. 282
et seq) mensuelles qui ne se trouvent pas dans l’imprimé conservé à
Bruxelles, aux Archives Générales du Royaume[13], tout comme ne se
trouve pas non plus dans cet imprimé la dite « Préface » si ce n’est
qu’elle est annoncée dans l’épitre introductive au Pape Pie IV.C’est
dire que le seul exemplaire imprimé qui nous reste (voir sur
propheties.it) est excessivement défectueux, ne comportant ni les
Prédictions mensuelles ni la Préface proprement dite, faisant suite à
l’épitre au Pape. L’almanach se réduit quasiment en fait au seul
calendrier comportant les quatrains. Si l’almanach imprimé avait au
moins comporté les prédictions, on pourrait se dire que la Préface n’a
pas été imprimé, mais le dit almanach n’a pas le profil des autres
almanachs de Nostradamus que nous connaissons et en outre, les dites
prédictions mensuelles pour 1562 figurent bel et bien dans le Recueil
des Présages Prosaïques. Or, l’almanach s’ouvre sur cette formule : «
Les prédictions de l'almanach de l'année. 1562. Contenant les
déclarations d'vn chascun moys de l'an ». On trouve certes un exposé
mensuel, d’abord sous le nom de Prédiction (jusqu’au mois d’avril)
puis de Presaige mais ce sont des notations très succidenctes
comparées à celles de nos manuscrits. En revanche, les quatrains de
1562 ont bien été composés à partir du texte en prose des dites
Prédictions[14]. Bien plus, il apparait que tel passage de la
prédiction pour 1562 (p. 95) aurait servi de source aux quatrains 15
et 16 de la première centurie:
Avril 1562
«…par certaine conjonction. Et Saturne elevé sus Jupiter, c'est-à-dire
exalté, plus proche de son auge au zodiac vient à menacer icelle
perilleuse depression des ecclesiastiques,
Mars nous menasse par la force bellique
Septante foys sera le sang espandre
Auge & ruine de l’Ecclésiastique
Et plus ceux qui d’un rien voudront entendre
Faulx [Saturne] à l’estang [ lire estaing, Jupiter] ioinct vers le
Sagittaire
En son haut auge de l’exaltation
Peste famine, mort de main militaire
Le siecle approche de renovation
Par ailleurs, on retrouve aussi «main militaire » dans la Prédiction
de mai 1562 :
« qui ne se passera que ne survienne la main militaire » (p. 109)
Nous pensons en effet que les 349 premiers quatrains (non encore
disposés en centuries) furent composés à partir de textes en prose de
Nostradamus ; Ce ne fut plus le cas par la suite.
Nous montrerons dans une prochaine étude qu’Antoine Crespin
Nostradamus a eu connaissance du manuscrit- ce qui implique qu’il ait
été proche de la famille Nostradamus - pour composer les « adresses »
des ses Prophéties dédiées à la puissance divine et à la nation
française de 1572 (Lyon, F. Arnoullet) ce que nous n’avions pas mis en
évidence dans notre travail qui lui fut consacré, il y a dix ans.[15],
non seulement dans les Prédictions mais aussi dans la Préface faisant
suite à l’épître à Pie IV..
Si l’on compare le manuscrit de l’almanach pour 1562 à l’imprimé, on
note que le début de l’épitre n’est pas identique. Toutefois, un tel
décalage n’est guère étonnant et peut être observé lors des
comparaisons entre le Recueil des Présages Prosaiques et les imprimés
correspondants pour d’autres années.Mais ici, l on assiste là bel et
bien à un processus de censure qui s’inscrit dans les récentes mesures
prises à Blois, en 1560. Nous avons mis entre crochets des passages
qui ne figurent que dans le manuscrit, lequel complète en fait le
Recueil des Présages Prosaïque, ce que n’a pas noté Chevignard. Le
fait que la date de l’épitre diffère de quelques semaines dans le
manuscrit et dans l’almanach n’est probablement pas très significatif.
L’est davantage le fait que l’épitre à Pie IV se présente comme la
Préface en tant que telle alors que le manuscrit annonce un texte à
suivre :
« i'ay calculé dans la presente preface » dans l’imprimé au lieu de
‘en la préface suivante » dans le manuscrit.
C’est donc tout à fait délibérément que l’on a évacué la dit Préface
en laissant croire qu’épitre et préface ne faisaient qu’un. Il reste
que le texte est bien arrivé en Italie probablement à partir d’un
exemplaire non censuré à moins que la traduction italienne n’ait été
effectuée qu’à partir du manuscrit.
Nous reproduirons l’épitre au pape figurant, elle, dans l’almanach en
signalant certaines variantes avec le manuscrit :
Les predictions de l'almanach de l'annee. 1562. Contenant les
declarations d'vn chascun moys de l'an. Consacrez à nostre sainct pere,
le pape Pie quatriesme de ce nom, composez et calculez par M. Michel
Nostradamus, docteur en Medecine, de Salon de Craux en Prouence.
Pio IIII. PONTIFICI MAX.
Tressainct Pere, vostre Saincteté ne prendra en mauuaise part, si à
present i'ay voulu prendre la hardiesse de vouloir consacrer à V. S.
ce mien Ephemeris, auquel est contenu la vniuerselle declaration de
l'annee. 1562. selon le vray et parfait iugement des astres. Et pource
que la presente annee depend totallement pour le fait de la Religion
Chrestienne, et que la vostre saincteté est comme pere deffenseur et
vray protecteur, ioint icelle conionction de Saturne et Mars que est,
comme plus à plain est declairé par le contenu de la preface,
consacree à vostre sainteté.Iupiter estant inferieur qui presage pour
le fait de la spiritualité, plusieurs tristes et incroyables
aduentures non gueres dissemblables aux grandes conionctions que se
font de Saturne et Iupiter au commencement d'Aries qui se font de
.960. ans, et par la seconde qui se fait au commencement d'vne
chascune triplicité comme sont celles que s'ensuyuent et qui
s'aprochent de .240. ans, pource que telles malignes conionctions se
font communément à vne chascune triplicité douze fois plus ou moins,
et quelquefois treze. Toutefois entrant d'vne triplicité en autre:
mais veritablement celles conionctions que s'ensuyuent, presagent de
choses grandes aduenir pour le fait principalement des substances de
l'eglise, et aussi que plusieurs des
citez du pays Italique, se rebelleroyent enuers leurs monarques et
dominateurs, combien que que pour le fait de la foy et religion le
pays d'Italie en sera peu molesté[au regard de nostre France], et
aussi ioint que souz vostre sainteté toute la chrestienté depend que
plus à plain pourra veoir tant par le contenu d'vn chascun moys, comme
par le sommaire que i'ay calculé dans la presente preface[en la
préface suivante] manifestant iusques à l'an 1570 là enuiron que au
commencement de ma calculation i'ay communiqué à la sereniss. maiesté
de la Royne mere regente de France, monarque de incomparable
debonnaireté.
Doncques pere tressaint vous plaira prendre en gré, ce mien exigue
labeur annuel, esperant en brief faire entendre à V. S. œuures de plus
longue duree, priant au seigneur Dieu eternel, que par long temps
puissiez estre veu regner en terre, à la vniuerselle pacification de
la Chrestient » dependante de vostre tressainte et infinie misericorde,
que puisse reduire l'vniuers en paix, amour, vnion, concorde et
perpetuelle tranquillité.[soyés par longtemps gouverner (…) entour
l’universelle pacification de la pauvre et affligée Chrestienté] De
Salon de Craux en Prouence ce. xvij. de Mars 1561. Par vostre
treshumble tresobeissant seruiteur obseruateur de vostre sainteté.
M. Nostradamus.
On relèvera ce souhait : « Doncques pere tressaint vous plaira prendre
en gré, ce mien exigue labeur annuel, esperant en brief faire entendre
à V. S. œuures de plus longue duree » Cela signifie un ouvrage
couvrant un plus grand nombre d’années. On est loin désormais, au
début des années 1560 d’un Nostradamus se contentant de produire des
prédictions pour l’année à venir
En 1566, Francesco Barozzi fera le commentaire- le premier du genre
concernant les écrits de Nostradamus hormis les attaques de ses
adversaires dans les années 1550- de cette Préface tronquée dans son
Pronostico Universale di tutto il Mundo il qual comincia dal principio
dell ‘anno 1565 & finisce al principio dell’anno 1570. Bologne. Il ne
remonte donc pas à 1562, ce qui montre qu’il ne connait que la
traduction italienne. Il ne traduit pas non plus directement du
français comme il est indiqué sur wikipedia, à l’article qui lui est
consacré : « c’est la traduction d'un recueil d'almanach (de
prophéties) de Nostradamus pour les années 1565-1570. «
Si l’on prend la séquence géographique du manuscrit (p. 27) de la
Préface « Portugal, Hongrie, Hibernie, Sclavonie et en certaines cités
de l’Italie », elle se retrouve chez Barozzi, et dans les épitres
italiennes à Pie Iv au au duc d’Orléans.
Le texte adressé au pape fait référence à Catherine de Médicis et non
à Henri II. N’est ce donc pas une maladresse d’avoir imaginé
Nostradamus consacrant une nouvelle épitre à Henri II, datée de 1558,
alors que nous avons la preuve que Nostradamus envisageait de
transmettre son travail à la reine. Il eut donc été logique de
procéder ainsi. On notera que cette année 1561, qui est celle de
l’Epitre au pape est celle qui fut choisie pour dater une édition
augmentée des Centuries..
Nostradamus le Jeune publiera des Prédictions pour 20 ans, en 1568, à
Rouen qui débutent en 1564 et dont nous savons désormais qu’elles ne
font que reprendre un ouvrage déjà traduit en français de Pamphile
Riccius. Mais il s’agit là d’un ouvrage qui n’a que fort peu d’assise
astronomique et qui serait plutôt d’inspiration mythologico-symbolique
que Nostradamus n’aurait guère apprécié, lui si attaché à une
orthodoxie astronomique, à cent lieues des centuries, soit dit en
passant. Cela dit dans les Présages pour 13 ans, qui en sont une
réédition réactualisée les passages consacrés aux années 1584-1585 se
rapprochent du style de la « Préface » autour d’une nouvelle grande
conjonction Jupiter-Saturne. On sait la fortune que le mot « préface »
connaitra. On peut voir dans ce texte la matrice tant de la Préface à
César que de l’épitre à Henri II, sachant que pour nous ces deux
épitres sont plus tardives.
Un des rares exemples montrant Nostradamus traitant d’une série
d’années se trouve dans les Significations de l’Eclipse qui sera le 16
septembre 1559, Paris, Guillaume Le Noir, dont l’épitre est adressée à
un proche du pape, J. M. Sala, en 1558. On peut se demander si ce
n’était pas là un galop d’essai allant jusqu’en 1560 si ce n’est que
cet ouvrage plagie, comme l’a noté au XIXe siècle Torné Chavigny,
l’Eclipsium de Cyprian Leowitz . N’en aurait –t-il pas été ainsi pour
la « Préface » ?
JHB 21. 09. 12 |
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